Essai sur le don

CHAPITRE IV – CONCLUSION

 

II – CONCLUSIONS DE SOCIOLOGIE ÉCONOMIQUE

ET D’ÉCONOMIE POLITIQUE

 

Ces faits n’éclairent pas seulement notre morale et n’aident pas seulement à diriger notre idéal ; de leur point de vue, on peut mieux analyser les faits économiques les plus généraux, et même cette analyse aide à entrevoir de meilleurs procédés de gestion applicables à nos sociétés.

A plusieurs reprises, on a vu combien toute cette économie de l’échange-don était loin de rentrer dans les cadres de l’économie soi-disant naturelle, de l’utilitarisme. Tous ces phénomènes si considérables de la vie économique de tous ces peuples – disons, pour fixer les esprits, qu’ils sont bons représentants de la grande civilisation néolithique – et toutes ces survivances considérables de ces traditions, dans les sociétés proches de nous ou dans les usages des nôtres, échappent aux schèmes que donnent d’ordinaire lés rares économistes qui ont voulu comparer les diverses économies connues [1]. Nous ajoutons donc nos observations répétées à celles de M. Malinowski qui a consacré tout un travail à « faire sauter » les doctrines courantes sur l’économie « primitive » [2].

Voici une chaîne de faits bien solide :

La notion de valeur fonctionne dans ces sociétés ; des surplus très grands, absolument parlant, sont amassés ; ils sont dépensés souvent en pure perte, avec un luxe relativement énorme [3] et qui n’a rien de mercantile ; il y a des signes de richesse, des sortes de monnaies [4], qui sont échangées. Mais toute cette économie très riche est encore pleine d’éléments religieux : la monnaie a encore son pouvoir magique et est encore liée au clan ou à l’individu [5] ; les diverses activités économiques, par exemple le marché, sont imprégnées de rites et de mythes ; elles gardent un caractère cérémoniel, obligatoire, efficace [6] ; elles sont pleines de rites et de droits. A ce point de vue nous répondons déjà à la question que posait Durkheim à propos de l’origine religieuse de la notion de valeur économique [7]. Ces faits répondent aussi à une foule de questions concernant les formes et les raisons de ce qu’on appelle si mal l’échange, le « troc », la permutatio [8] des choses utiles, qu’à la suite des prudents Latins, suivant eux-mêmes Aristote [9], une économie historique met à l’origine de la division du travail. C’est bien autre chose que de l’utile, qui circule dans ces sociétés de tous genres, la plupart déjà assez éclairées. Les clans, les âges et, généralement, les sexes – à cause des multiples rapports auxquels les contacts donnent lieu – sont dans un état de perpétuelle effervescence économique et cette excitation est elle-même fort peu terre à terre ; elle est bien moins prosaïque que nos ventes et achats, que nos louages de service ou que nos jeux de Bourse.

Cependant, on peut encore aller plus loin que nous ne sommes parvenus jusqu’ici. On peut dissoudre, brasser, colorer et définir autrement les notions principales dont nous nous sommes servis. Les termes que nous avons employés : présent, cadeau, don, ne sont pas eux-mêmes tout à fait exacts. Nous n’en trouvons pas d’autres, voilà tout. Ces concepts de droit et d’économie que nous nous plaisons à opposer : liberté et obligation ; libéralité, générosité, luxe et épargne, intérêt, utilité, il serait bon de les remettre au creuset. Nous ne pouvons donner que des indications à ce sujet : choisissons par exemple [10] les Trobriand. C’est encore une notion complexe qui inspire tous les actes économiques que nous avons décrits ; et cette notion n’est ni celle de la prestation purement libre et purement gratuite, ni celle de la production et de l’échange purement intéressés de l’utile. C’est une sorte d’hybride qui a fleuri là-bas.

M. Malinowski a fait un effort sérieux [11] pour classer du point de vue des mobiles, de l’intérêt et du désintéressement, toutes les transactions qu’il constate chez ses Trobriandais ; il les étage entre le don pur et le troc pur après marchandage [12]. Cette classification est au fond inapplicable. Ainsi, selon M. Malinowski, le type du don pur serait le don entre époux [13]. Or, précisément, à notre sens, l’un des faits les plus importants signalés par M. Malinowski et qui jette une lumière éclatante sur tous les rapports sexuels dans toute l’humanité, consiste à rapprocher le mapula [14], le paiement « constant » de l’homme à sa femme, d’une sorte de salaire pour service sexuel rendu [15]. De même les cadeaux au chef sont des tributs ; les distributions de nourriture (sagali) sont des indemnités pour travaux, pour rites accomplis, par exemple en cas de veillée funéraire [16]. Au fond, de même que ces dons ne sont pas libres, ils ne sont pas réellement désintéressés. Ce sont déjà des contre-prestations pour la plupart, et faites même en vue non seulement de payer des services et des choses, mais aussi de maintenir une alliance profitable [17] et qui ne peut même être refusée, comme par exemple l’alliance entre tribus de pêcheurs [18] et tribus d’agriculteurs ou de potiers. Or, ce fait est général, nous l’avons rencontré par exemple en pays Maori, Tsimshian [19], etc. On voit donc où réside cette force, à la fois mystique et pratique qui soude les clans et en même temps les divise, qui divise leur travail et en même temps les contraint à l’échange. Même dans ces sociétés, l’individu et le groupe, ou plutôt le sous-groupe, se sont toujours senti le droit souverain de refuser le contrat : c’est ce qui donne un aspect de générosité à cette circulation des biens ; mais, d’autre part, ils n’avaient à ce refus, normalement, ni droit ni intérêt ; et c’est ce qui rend ces lointaines sociétés tout de même parentes des nôtres.

L’emploi de la monnaie pourrait suggérer d’autres réflexions. Les vaygu’a des Trobriand, bracelets et colliers, tout comme les cuivres du Nord-Ouest américain ou les wampun iroquois, sont à la fois des richesses, des signes [20] de richesse, des moyens d’échange et de paiement, et aussi des choses qu’il faut donner, voire détruire. Seulement, ce sont encore des gages liés aux personnes qui les emploient, et ces gages les lient. Mais comme, d’autre part, ils servent déjà de signes monétaires, on a intérêt à les donner pour pouvoir en posséder d’autres à nouveau, en les transformant en marchandises ou en services qui se retransformeront à leur tour en monnaies. On dirait vraiment que le chef trobriandais ou tsimshian procède à un lointain degré à la façon du capitaliste qui sait se défaire de sa monnaie en temps utile, pour reconstituer ensuite son capital mobile. Intérêt et désintéressement expliquent également cette forme de la circulation des richesses et celle de la circulation archaïque des signes de richesse qui les suivent.

Même la destruction pure des richesses ne correspond pas à ce détachement complet qu’on croirait y trouver. Même ces actes de grandeur ne sont pas exempts d’égotisme. La forme purement somptuaire, presque toujours exagérée, souvent purement destructrice, de la consommation, où des biens considérables et longtemps amassés sont donnés tout d’un coup ou même détruits, surtout en cas de potlatch [21], donne à ces institutions un air de pure dépense dispendieuse, de prodigalité enfantine. En effet, et en fait, non seulement on y fait disparaître des choses utiles, de riches aliments consommés avec excès, mais même on y détruit pour le plaisir de détruire, par exemple, ces cuivres, ces monnaies, que les chefs tsimshian, tlingit et haïda jettent à l’eau et que brisent les chefs kwakiultl et ceux des tribus qui leur sont alliées. Mais le motif de ces dons et de ces consommations forcenées, de ces pertes et de ces destructions folles de richesses, n’est, à aucun degré, surtout dans les sociétés à potlatch, désintéressé. Entre chefs et vassaux, entre vassaux et tenants, par ces dons, c’est la hiérarchie qui s’établit. Donner, c’est manifester sa supériorité, être plus, plus haut, magister ; accepter sans rendre ou sans rendre plus, c’est se subordonner, devenir client et serviteur, devenir petit, choir plus bas (minister).

Le rituel magique du kula appelé mwasila [22] est plein de formules et de symboles qui démontrent que le futur contractant recherche avant tout ce profit : la supériorité sociale, et on pourrait même dire brutale. Ainsi, après avoir enchanté la noix de bétel dont ils vont se servir avec leurs partenaires, après avoir enchanté le chef, ses camarades, leurs porcs, les colliers, puis la tête et ses « ouvertures », plus tout ce qu’on apporte, les pari, dons d’ouverture, etc., après avoir enchanté tout cela, le magicien chante, non sans exagération [23] :

Je renverse la montagne, la montagne bouge, la montagne s’écroule, etc. Mon charme va au sommet de la montagne de Dobu... Mon canot va couler.... etc. Ma renommée est comme le tonnerre ; mon pas est comme le bruit que font les sorciers volants. Tudududu.

Être le premier, le plus beau, le plus chanceux, le plus fort et le plus riche, voilà ce qu’on cherche et comment on l’obtient. Plus tard, le chef confirme son mana en redistribuant à ses vassaux, parents, ce qu’il vient de recevoir ; il maintient son rang parmi les chefs en rendant bracelets contre colliers, hospitalité contre visites, et ainsi de suite... Dans ce cas la richesse est, à tout point de vue, autant un moyen de prestige qu’une chose d’utilité. Mais est-il sûr qu’il en soit autrement parmi nous et que même chez nous la richesse ne soit pas avant tout le moyen de commander aux hommes ?

Passons maintenant au feu d’épreuve l’autre notion que nous venons d’opposer à celle de don et de désintéressement : la notion d’intérêt, de recherche individuelle de l’utile. Celle-là non plus ne se présente pas comme elle fonctionne dans notre esprit à nous. Si quelque motif équivalent anime chefs trobriandais ou américains, clans andamans, etc., ou animait autrefois généreux Hindous, nobles Germains et Celtes dans leurs dons et dépenses, ce n’est pas la froide raison du marchand, du banquier et du capitaliste. Dans ces civilisations, on est intéressé, mais d’autre façon que de notre temps. On thésaurise, mais pour dépenser, pour « obliger », pour avoir des « hommes liges ». D’autre part, on échange, mais ce sont surtout des choses de luxe, des ornements, des vêtements, ou ce sont des choses immédiatement consommées, des festins. On rend avec usure, mais c’est pour humilier le premier donateur ou échangiste et non pas seulement pour le récompenser de la perte que lui cause une « consommation différée ». Il y a intérêt, mais cet intérêt n’est qu’analogue à celui qui, dit-on, nous guide.

Entre l’économie relativement amorphe et désintéressée, à l’intérieur des sous-groupes, qui règle la vie des clans australiens ou américains du Nord (Est et Prairie), d’une part ; et l’économie individuelle et du pur intérêt que nos sociétés ont connu au moins en partie, dès qu’elle fut trouvée par les populations sémitiques et grecques, d’autre part ; entre ces deux types, dis-je, s’est étagée toute une série immense d’institutions et d’événements économiques, et cette série n’est pas gouvernée par le rationalisme économique dont on fait si volontiers la théorie.

Le mot même d’intérêt est récent, d’origine technique comptable : « interest », latin, qu’on écrivait sur les livres de comptes, en face des rentes à percevoir. Dans les morales anciennes les plus épicuriennes, c’est le bien et le plaisir qu’on recherche, et non pas la matérielle utilité. Il a fallu la victoire du rationalisme et du mercantilisme pour que soient mises en vigueur, et élevées à la hauteur de principes, les notions de profit et d’individu. On peut presque dater – après Mandeville (Fable des Abeilles) – le triomphe de la notion d’intérêt individuel. On ne peut que difficilement et seulement par périphrase traduire ces derniers mots, en latin ou en grec, ou en arabe. Même les hommes qui écrivirent le sanskrit classique, qui employèrent le mot artha, assez proche de notre idée d’intérêt, se sont fait de l’intérêt, comme des autres catégories de l’action, une autre idée que nous. Les livres sacrés de l’Inde classique répartissent déjà les activités humaines suivant : la loi (dharma), l’intérêt (artha), le désir (kama). Mais c’est avant tout de l’intérêt politique qu’il s’agit : celui du roi et des brahmanes, des ministres, celui du royaume et de chaque caste. La littérature considérable des Nitiçastra n’est pas économique.

Ce sont nos sociétés d’Occident qui ont, très récemment, fait de l’homme un « animal économique ». Mais nous ne sommes pas encore tous des êtres de ce genre. Dans nos masses et dans nos élites, la dépense pure et irrationnelle est de pratique courante ; elle est encore caractéristique des quelques fossiles de notre noblesse. L’homo œconomicus n’est pas derrière nous, il est devant nous; comme l’homme de la morale et du devoir; comme l’homme de la science et de la raison. L’homme a été très longtemps autre chose ; et il n’y a pas bien longtemps qu’il est une machine, compliquée d’une machine à calculer.

D’ailleurs nous sommes encore heureusement éloigné de ce constant et glacial calcul utilitaire. Qu’on analyse de façon approfondie, statistique, comme M. Halbwachs l’a fait pour les classes ouvrières, ce qu’est notre consommation, notre dépense à nous, occidentaux des classes moyennes. Combien de besoins satisfaisons-nous ? et combien de tendances ne satisfaisons-nous pas qui n’ont pas pour but dernier l’utile ? L’homme riche, lui, combien affecte-il, combien peut-il affecter de son revenu à son utilité personnelle ? Ses dépenses de luxe, d’art, de folie, de serviteurs ne le font-elles pas ressembler aux nobles d’autrefois ou aux chefs barbares dont nous avons décrit les mœurs ?

Est-il bien qu’il en soit ainsi ? C’est une autre question. Il est bon peut-être qu’il y ait d’autres moyens de dépenser et d’échanger que la pure dépense. Cependant, à notre sens, ce n’est pas dans le calcul des besoins individuels qu’on trouvera la méthode de la meilleure économie. Nous devons, je le crois, même en tant que nous voulons développer notre propre richesse, rester autre chose que de purs financiers, tout en devenant de meilleurs comptables et de meilleurs gestionnaires. La poursuite brutale des fins de l’individu est nuisible aux fins et à la paix de l’ensemble, au rythme de son travail et de ses joies et – par l’effet en retour – à l’individu lui-même.

Déjà, nous venons de le voir, des sections importantes, des associations de nos entreprises capitalistes elles-mêmes, cherchent en groupes à s’attacher leurs employés en groupes. D’autre part, tous les groupements syndicalistes, ceux des patrons comme ceux des salariés, prétendent qu’ils défendent et représentent l’intérêt général avec autant de ferveur que l’intérêt particulier de leurs adhérents ou même de leurs corporations. Ces beaux discours sont, il est vrai, émaillés de bien des métaphores. Cependant, il faut le constater, non seulement la morale et la philosophie, mais même encore l’opinion et l’art économique lui-même, commencent à se hausser à ce niveau « social ». On sent qu’on ne peut plus bien faire travailler que des hommes sûrs d’être loyalement payés toute leur vie, du travail qu’ils ont loyalement exécuté, en même temps pour autrui que pour eux-mêmes. Le producteur échangiste sent de nouveau – il a toujours senti – mais cette fois, il sent de façon aiguë, qu’il échange plus qu’un produit ou qu’un temps de travail, qu’il donne quelque chose de soi ; son temps, sa vie, Il veut donc être récompensé, même avec modération, de ce don. Et lui refuser cette récompense c’est l’inciter à la paresse et au moindre rendement.

Peut-être pourrions-nous indiquer une conclusion à la fois sociologique et pratique. La fameuse Sourate LXIV, « déception mutuelle » (Jugement dernier), donnée à La Mecque, à Mahomet, dit de Dieu :

15. Vos richesses et vos enfants sont votre tentation pendant que Dieu tient en réserve une récompense magnifique.

16. Craignez Dieu de toutes vos forces; écoutez, obéissez, faites l’aumône (sadaqa) dans votre propre intérêt. Celui qui se tient en garde contre son avarice sera heureux.

17. Si vous faites à Dieu un prêt généreux, il vous paiera le double, il vous pardonnera car il est reconnaissant et plein de longanimité.

18. Il connaît les choses visibles et invisibles, il est le puissant et le sage.

Remplacez le nom d’Allah par celui de la société et celui du groupe professionnel ou additionnez les trois noms, si vous êtes religieux ; remplacez le concept d’aumône par celui de coopération, d’un travail, d’une prestation faite en vue d’autrui : vous aurez une assez bonne idée de l’art économique qui est en voie d’enfantement laborieux. On le voit déjà fonctionner dans certains groupements économiques, et dans les cœurs des masses qui ont, bien souvent, mieux que leurs dirigeants, le sens de leurs intérêts, de l’intérêt commun.

Peut-être, en étudiant ces côtés obscurs de la vie sociale, arrivera-t-on à éclairer un peu la route que doivent prendre nos nations, leur morale en même temps que leur économie.

 

M. Ripley s’amuse

 



[1] M. BUCHER, Entstehung der Volkswirtschaft (3e éd.), p. 73, a vu ces phénomènes économiques, mais en a sous-estimé l’importance en les réduisant à l’hospitalité.

[2] Argonauts, p. 167 sq. ; Primitive Economics, Economic Journal, mars 1921. V. la préface de J. G. Frazer à Malinowski, Arg.

[3] Un des cas maximum que nous pouvons citer est celui du sacrifice des chiens chez les Chukchee (v. plus haut p. 55, no 2). Il arrive que les propriétaires des plus beaux chenils massacrent tous leurs équipages de traîneaux et sont obligés d’en racheter de nouveaux.

[4] V. plus haut.

[5] Cf. plus haut.

[6] MALINOWSKI, Arg., p. 95. CI. Frazer, préface au livre de M. Malinowski.

[7] Formes élémentaires de la vie religieuse, p. 598, no 2.

[8] Digeste, XVIII, I; De Contr. Emt., 1. Paulus nous explique le grand débat entre prudents Romains pour savoir si la « permutatio » était une vente. Tout le passage est intéressant, même l’erreur que fait le savant juriste dans son interprétation d’Homère. Il, VII, 472 à 475 : [...] veut bien dire acheter, mais que les monnaies grecques c’étaient le bronze, le fer, les peaux, les vaches elles-mêmes et les esclaves, qui avaient tous des valeurs déterminées.

[9] Pol., livre I, 1257 a, 10 sq. ; remarquer le mot […], ibid., 25.

[10] Nous pourrions tout aussi bien choisir la sadaqa arabe; aumône, prix de la fiancée, justice, impôt. Cf. plus haut.

[11] Argonauts, p. 177.

[12] Il est très remarquable que, dans ce cas, il n’y ait pas vente, car il n’y a pas échange de vaygu’a, de monnaies. Le maximum d’économie auquel se sont haussés les Trobriandais, ne va donc pas jusqu’à l’usage de la monnaie dans l’échange lui-même.

[13] Pure gift.

[14] Ibid.

[15] Le mot s’applique au paiement de la sorte de prostitution licite des filles non mariées; cf. Arg., p. 183.

[16] Cf. plus haut. Le mot sagali (cf. hakari) veut dire distribution.

[17] Cf. plus haut; en particulier le don de l’urigubu au beau-frère : produits de récolte en échange de travail.

[18] V. plus haut (wasi).

[19] Maori, v. plus haut. La division du travail (et la façon dont elle fonctionne en vue de la fête entre clans Tsimshian), est admirablement décrite dans un mythe de potlatch, Boas, Tsimshian Mythology, XXXIst Ann, Rep. Bur. Am. Ethn., pp. 274, 275 ; cf. p. 378. Des exemples de ce genre pourraient être indéfiniment multipliés. Ces institutions économiques existent en effet, même chez les sociétés infiniment moins évoluées. V. par exemple en Australie la remarquable position d’un groupe local possesseur d’un gisement d’ocre rouge (AISTON et HORNE, Savage Life in Central Australia, Londres, 1924, pp. 81, 130).

[20] V. plus haut. L’équivalence dans les langues germaniques des mots token et zeichen, pour désigner la monnaie en général, garde la trace de ces institutions. le signe qu’est la monnaie, le signe qu’elle porte et le gage qu’elle est sont une seule et même chose – comme la signature d’un homme est encore ce qui engage sa responsabilité.

[21] V. Davy, Foi jurée, p. 344 sq. ; M. Davy (Des clans aux Empires; Éléments de Sociologie, I) a seulement exagéré l’importance de ces faits. Le potlatch est utile pour établir la hiérarchie et l’établit souvent, mais il n’y est pas absolument nécessaire. Ainsi les sociétés africaines, nigritiennes ou bantu, ou n’ont pas le potlatch, ou n’en ont en tout cas pas de très développé, ou peut-être l’ont perdu – et elles ont toutes les formes d’organisation politique possibles.

[22] Arg., pp. 199 à 201 ; cf. p. 203.

[23] Ibid., p. 199. Le mot montagne désigne, dans cette poésie, les îles d’Entrecasteaux. Le canot coulera sous le poids des marchandises rapportées du kula. Cf. autre formule, p. 200, texte avec commentaires, p. 441 ; cf. p. 442, remarquable jeu de mots sur « écumer ». Cf. formule, p. 205 ; cf. plus haut p. 124, no 1.