"Exterminez
toutes les brutes" : Gaza 2009
CHOMSKY
Noam
En guise
d’introduction proposée par le traducteur.
La
question Israélo-Palestinienne ne date pas de l’Holocauste, le double langage
non plus :
Extrait du
rapport King-Crane (août 1919), exprimant les positions publiques des Grandes
Puissances à travers
Dans son
adresse du 4 juillet 1918, le président Wilson a posé le principe suivant comme
l’un des quatre objectifs majeurs pour lesquels combattent les peuples associés
du monde. “Le règlement de toute question, qu’il s’agisse de territoire, de
souveraineté, d’arrangement économique ou de relations politiques, [doit se
faire] sur la base de la libre acceptation de ce règlement par les gens
directement concernés et non sur la base de l’intérêt ou de l’avantage matériel
de n’importe quelle autre nation ou n’importe quel autre peuple qui viendrait à
désirer un règlement différent au nom de son influence ou de sa supériorité
dans le monde”.
Si ce
principe doit s’appliquer et si les voeux de la population de
Au même
moment ; extrait d’un mémorandum privé adressé par Lord Balfour au Cabinet
Britannique (août 1919).
En
Palestine, nous n’avons pas l’intention de nous attarder à considérer les
souhaits des habitants actuels de ce pays ... Les Quatre Grandes Puissances se
sont engagées envers le Sionisme. Et le Sionisme, juste ou pas, bon ou mauvais,
se justifie par une longue tradition, dans les nécessités du présent et dans les
espérances du futur ; il a une importance bien plus profonde que les
désirs ou que les préjudices ressentis par les 700.000 Arabes qui habitent ce
pays à l’heure actuelle ... Malgré tout le respect que l’on pourrait accorder
au point de vue des autochtones, les Puissances n’ont pas l’intention de les
consulter. En bref, en ce qui concerne
Samedi 27
décembre 2008 la dernière attaque en date est lancée contre les Palestiniens
sans défenses. Elle fut minutieusement préparée, depuis plus de 6 mois selon la
presse israélienne. Le plan comprend deux aspects, l’un militaire et l’autre de
propagande. Il est basé sur les leçons de l’invasion israélienne du Liban en
2006, mal programmée et peu « expliquée » au public. Nous pouvons
donc être certains que ce qui a été fait a été intentionnel et programmé.
Ainsi en
est-il sûrement du moment de l’agression : un peu avant midi, quand les
enfants sortent de l’école et que les foules s’affairent dans les rues de Gaza
densément peuplée. Quelques minutes suffiront pour tuer plus de 225 personnes
et en blesser 700. Début de bon augure au massacre en masse de civils sans
défense, pris au piège dans une petite cage, sans moyen d’en échapper.
Dans sa
rétrospective « inventaire des gains de
La
préparation minutieuse comprenait aussi certainement la fin de l’agression,
soigneusement planifiée, juste avant l’investiture d’Obama pour minimiser la
menace (lointaine) qu’il puisse émettre quelques critiques sur ces crimes
odieux soutenus par les USA.
Deux
semaines après le début de ce Shabbat agressif, Gaza étant déjà ensevelie sous
les décombres et le bilan humain avoisinant les 1000 morts, l’agence de secours
et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le
Proche-Orient (UNWRA), dont dépend la survie de la plupart des Gazaouis,
annonce que l’armée israélienne lui refuse l’acheminement de l’aide vers Gaza,
arguant que la frontière est fermée durant la fête du Shabbat. Pour honorer le
jour saint, on refuse nourriture et médicaments aux Palestiniens sur le point
de mourir, pendant que des centaines d’autres sont massacrés par les
bombardiers et les hélicoptères de fabrication étasunienne.
Cette
double norme de respect scrupuleux du Shabbat ne provoque que peu, ou pas du
tout la critique. Cela s’explique. Dans les annales criminelles du couple
Israël-Etats-Unis, cette cruauté et ce cynisme ne méritent pas même une note de
bas de page. C’est trop courant. Pour citer un parallèle significatif, en juin
1982 l’invasion Israélienne du Liban, avalisée par les Etats-Unis, commença par
le bombardement des camps de réfugiés Palestiniens de Sabra et Shatila, qui
devinrent ensuite les symboles des terribles massacres supervisés par les IDF
(Forces de « Défense » Israéliennes). Le bombardement toucha
l’hôpital local — l’hôpital Gaza — et tua plus de 200 personnes selon le
témoignage d’un universitaire étasunien spécialiste du Moyen-Orient. Cette
boucherie fut l’acte d’ouverture d’une hécatombe qui extermina quelque 15 à
20.000 personnes et détruisit la plus grande partie du Sud Liban et de
Beyrouth, avec le soutien militaire et diplomatique des Etats-Unis. Soutien
sous forme de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU dont les résolutions
visaient à bloquer cette agression criminelle menée en fait pour protéger
Israël d’un règlement pacifique et politique, et non les Israéliens souffrant
sous d’intenses tirs de roquettes, inventions commodes de l’imagination
d’apologistes.
Tout cela
est normal et commenté assez ouvertement par de hauts dignitaires israéliens.
Il y a 30 ans, le chef d’état-major Mordechai Gur observait que depuis 1948
« nous avons combattu une population habitant des villages et des
villes ». Ou, résumé par le plus notoire des analystes militaires
israéliens Zeev Schiff, « l’armée israélienne a toujours, délibérément et
consciemment visé les populations civiles … l’armée n’a jamais distingué les
cibles civiles [des militaires…mais] intentionnellement attaqué des objectifs
civils ». Les raisons furent expliquées par l’éminent homme politique Abba
Eban : « il y avait un but rationnel, atteint en définitive, de
toucher les populations civiles afin qu’elles exercent une pression pour
l’arrêt des hostilités ». Le résultat, comme l’avait bien compris Eban,
devait permettre à Israël de mettre en œuvre sans obstacles son plan
d’expansion illégale et de répression brutale. Eban commentait l’analyse par le
premier Ministre Begin des attaques du gouvernement Travailliste contre des
civils ; Begin, selon les mots d’Eban, donnait une image « d’Israël
infligeant sans raison la mort et l’angoisse à des populations civiles comme le
firent des régimes que ni Mr Begin ni moi n’oserions appeler par leur
nom ». Eban ne contestait pas les faits qu’analysait Begin, mais le
critiquait de les exposer publiquement. Cela ne concernait pas non plus Eban,
ni ses admirateurs, que son plaidoyer en faveur d’une terreur d’état massive
puisse lui-même remémorer des régimes dont il n’oserait prononcer le nom.
Les
justifications d’Eban de la terreur d’état sont perçues comme convaincantes par
des autorités respectées. Pendant que l’attaque israélo-étasunienne récente
faisait encore rage, le chroniqueur du Times Thomas Friedman expliquait que la
tactique d’Israël, comme celle adoptée au cours de l’invasion du Liban en 2006,
est basée sur un principe sain : « essayer « d’éduquer » le
Hamas en infligeant de lourdes pertes à ses militants et des souffrances
terribles à la population de Gaza ». Cela se comprend d’un point de vue
pratique, comme ce fut le cas au Liban où « la seule dissuasion à long
terme fut d’exposer les civils — les familles et employeurs des militants — à
de telles calamités pour qu’ils ne soutiennent plus le Hezbollah dans le
futur ». Avec une telle logique, les efforts de Ben Laden pour
« éduquer » les étasuniens le 11/09 étaient aussi dignes d’éloges,
tout comme les attaques Nazies à Lidice et Oradour, la destruction de Grozny par
Poutine et d’autres tentatives notoires « d’éducation ».
Israël a
fait beaucoup d’efforts pour afficher son attachement à ces principes
directeurs. Le correspondant du New York Times, Stephen Erlanger, rapporte que
les associations de défense des Droits de l’Homme sont « troublés par les
frappes d’Israël sur des bâtiments censément civils, comme le Parlement, les
commissariats et le Palais Présidentiel » et, pourrions nous ajouter, les
villages, les maisons, les camps de réfugiés densément peuplés, les systèmes
d’adduction et d’épuration d’eau, les hôpitaux, les écoles et les universités,
les mosquées, les installations de secours des Nations Unies, les ambulances et
en fait tout ce qui peut soulager la douleur de victimes insignifiantes. Un
haut officier du renseignement israélien a expliqué que l’armée israélienne
avait attaqué « deux facettes du Hamas — la résistance c’est-à-dire son
aile militaire, et sa dawa (NDT : en arabe, technique de prosélytisme
religieux), c’est-à-dire son aile sociale », cette dernière étant un euphémisme
pour désigner la société civile. Il a fait valoir que « le Hamas était un
seul bloc, » et de continuer, « dans une guerre, les instruments de
contrôle politique et social sont des cibles aussi légitimes que les caches de
roquettes ». Erlanger et ses éditeurs ne font aucun commentaire sur
l’apologie directe et la pratique massive du terrorisme visant des civils, et,
comme on l’a déjà noté, les correspondants et chroniqueurs acceptent ou
justifient explicitement les crimes de guerre. Mais, selon la norme, Erlanger
ne manque pas de souligner que les roquettes du Hamas sont « une violation
flagrante du principe de discrimination, correspondant à la définition
classique du terrorisme. »
Comme
d’autres familiers de la région, le spécialiste du Moyen-Orient Fawwaz Gerges
observe : « Ce que les responsables israéliens et leurs alliés
étasuniens ne comprennent pas c’est que le Hamas n’est pas seulement une milice
armée, mais un mouvement social avec une large base populaire, profondément
ancré dans la société ». Donc, quand ils déploient leurs plans pour
détruire « l’aile sociale » du Hamas, ils détruisent en fait la
société palestinienne.
Gerges
est peut-être trop gentil. Il est hautement improbable que les responsables
étasuniens et israéliens — ou les médias et autres commentateurs — ne
comprennent pas ces faits. Au contraire, ils adoptent implicitement la posture
habituelle de ceux qui monopolisent les moyens de la violence : d’un coup
de poing nous pouvons écraser toute opposition, et si le bilan civil de nos
attaques brutales est lourd, c’est aussi bien : peut-être les survivants
seront-ils convenablement éduqués.
Les
officiers des IDF savent très bien qu’ils détruisent la société civile. Ethan
Bronner cite un colonel israélien qui dit que lui et ses hommes ne sont pas
très « impressionnés par les combattants du Hamas ». « Ce sont
des villageois avec des armes », a déclaré un tireur sur un blindé de
transport de troupe. Ils ressemblent à ces victimes des criminelles IDF durant
l’opération « poigne de fer » en 1985 dans le Sud Liban occupé,
dirigée par Shimon Peres, l’un des plus grands chefs terroristes de l’ère de la
« Guerre contre
Un
commandant israélien se plaint que « le terroriste ... a de nombreux yeux,
car il vit ici ». Dans le même temps, le correspondant militaire du
Jérusalem Post décrit les problèmes rencontrés par les forces israéliennes dans
sa lutte contre les « terroristes mercenaires », « fanatiques
assez dévoués à leurs causes pour prendre le risque d’être tués en se battant
contre l’armée israélienne », qui doit « maintenir l’ordre et la
sécurité » dans le Sud Liban occupé, malgré « le prix que les
habitants devront payer ». Le problème a été familier aux Etasuniens dans
le Sud Vietnam, aux Russes en Afghanistan, aux Allemands dans l’Europe occupée,
et a d’autres agresseurs qui se rejoignent dans la mise en œuvre de la doctrine
Gur-Eban-Friedman.
Gerges
estime que la terreur d’État israélienne va échouer : le Hamas, écrit-il,
“ne peut pas être effacé sans massacrer un demi-million de Palestiniens. Si
Israël réussit à tuer les hauts dirigeants du Hamas, une nouvelle génération
plus radicale que l’actuelle les remplacera rapidement. Le Hamas est une
réalité de la vie. Il ne partira pas, et ne hissera pas le drapeau blanc, quel
que soit le nombre de victimes qu’il ait à déplorer“.
Peut-être,
mais il y a souvent une tendance à sous-estimer l’efficacité de la violence. Il
est particulièrement étrange que cette croyance se développe aux Etats-Unis.
Pourquoi en sommes-nous là ?
Le Hamas
est régulièrement dépeint comme « le Hamas soutenu par l’Iran, qui se
consacre à la destruction d’Israël ». On le trouvera difficilement décrit
comme « le Hamas démocratiquement élu, qui a longtemps été en faveur d’un règlement
à deux États, en accord avec le consensus international » — bloqué depuis
plus de 30 ans par les États-Unis et Israël qui rejettent catégoriquement et
explicitement le droit des Palestiniens à l’autodétermination. Tout cela est
vrai, mais inutile à
Les
détails mentionnés plus haut, bien que mineurs, nous apprennent néanmoins
quelque chose sur nous-mêmes et nos clients. Comme d’autres détails. Par
exemple, quand la dernière agression américano-israélienne sur la bande de Gaza
a commencé, un petit bateau,
De
nouveau ce manque d’attention a du sens. Pendant des décennies, Israël a
détourné des bateaux dans les eaux internationales entre Chypre et le Liban,
tuant ou enlevant leurs passagers, les transférant parfois dans des prisons en
Israël, y compris des prisons secrètes ou chambres de torture, les détenant en
otages pendant de nombreuses années. Étant donné que ces pratiques sont
courantes, pourquoi traiter ces nouveaux crimes autrement qu’avec un
bâillement ? Chypre et le Liban ont réagi très différemment, mais qui
sont-ils dans l’ordre des choses ?
Qui se
soucie par exemple que les rédacteurs du Daily Star au Liban, généralement
pro-occidentaux, écrivent que « Près d’un million et demi de personnes
dans la bande de Gaza sont soumis à la gestion meurtrière de l’un des pays à la
technologie la plus avancée, mais à la morale de machines militaires des plus
régressives. On suggère souvent que les Palestiniens sont devenus dans le Monde
Arabe ce que les Juifs étaient en Europe avant
Selon la
presse libanaise, Israël continue « d’enlever régulièrement des civils
libanais du côté libanais de
Comme
Maoz le rappelle aussi au lecteur israélien, les survols avec bangs
supersoniques pour terroriser les Libanais sont les moindres crimes israéliens
au Liban, sans parler des cinq invasions depuis 1978 : « Le 28 Juillet
1988, les forces spéciales israéliennes ont enlevé le cheikh Obeid, et le Mai
21 1994 Israël a enlevé Mustafa Dirani, responsable de la capture du pilote
israélien Ron Arad [quand il bombardait le Liban en 1986]. Israël les détient
avec 20 autres Libanais capturés dans des conditions inconnues, et gardés
longtemps en prison, sans jugement. Ils ont été détenus comme « monnaie
d’échange » humaine. Apparemment, quand le Hezbollah enlève des Israéliens
pour en faire des prisonniers d’échange cela est moralement répréhensible, et
passible de sanctions militaires. Quand Israël le fait, c’est tout à fait
normal », bien que ce soit sur une plus grande échelle et depuis de très
nombreuses années.
Les
pratiques ordinaires d’Israël sont éloquentes au-delà même de ce qu’elles
révèlent sur la criminalité d’Israël et le soutien de l’Occident. Comme
l’indique Maoz, ces pratiques soulignent la parfaite hypocrisie de la
revendication constante par Israël du droit d’envahir de nouveau le Liban en
2006, lorsque des soldats furent capturés à la frontière. C’était la première
action transfrontalière du Hezbollah au cours des six années qui ont suivi le
retrait d’Israël du Sud Liban, occupé en violation des ordres du Conseil de
Sécurité datant de 22 ans, alors que pendant ces six années, Israël a violé la
frontière presque tous les jours, avec impunité et dans notre silence.
De
nouveau l’hypocrisie routinière. Ainsi Thomas Friedman tout en expliquant
comment ces sous-races doivent être « éduquées » par la violence
terroriste, écrit que l’invasion israélienne du Liban en 2006, détruisant
encore une fois une bonne partie du Sud Liban et de Beyrouth, tuant un millier
de civils, était un acte juste d’autodéfense en réponse au crime du Hezbollah
« lançant sans raisons une guerre au-delà de la frontière reconnue par
l’ONU entre Israël et le Liban, alors qu’Israël s’est retiré unilatéralement du
Liban ». Si l’on ignore le mensonge et use de la même logique, les
attaques terroristes contre les Israéliens, jugées beaucoup plus destructrices
et meurtrières que toutes autres, seraient pleinement justifiées en réponse aux
pratiques criminelles d’Israël au Liban et en haute mer, qui dépassent
largement le crime du Hezbollah de capturer deux soldats à la frontière.
L’ancien spécialiste du Moyen-Orient du New York Times connaît très bien ces
crimes, du moins s’il lit son journal : par exemple, le paragraphe 18 d’un
article sur l’échange de prisonniers en Novembre 1983 remarque sans s’y
attarder que les 37 prisonniers arabes « ont été capturés récemment par la
marine israélienne alors qu’ils tentaient d’aller de Chypre à Tripoli »,
au nord de Beyrouth.
Bien sûr,
toutes ces conclusions sur les actions appropriées contre les riches et les
puissants sont fondées sur un vice fondamental : nous c’est nous et eux
c’est eux. Ce principe essentiel, profondément enraciné dans la culture
Occidentale, suffit à infirmer la comparaison la plus appropriée et le
raisonnement le plus parfait.
Pendant
que j’écris, un autre bateau est en route de Chypre vers Gaza, « transportant
des aides médicales d’urgence dans des boîtes scellées, ayant passées les
douanes de l’aéroport international et du port de Larnaca », selon les
organisateurs. Les passagers comprennent des membres du Parlement européen et
des médecins. Israël a été avisé de leur intention humanitaire. Avec une
pression populaire suffisante, ils pourraient réaliser leur mission dans la
paix.
Les
nouveaux crimes que les Etats-Unis et Israël ont commis dans la bande de Gaza
au cours des dernières semaines ne rentrent pas facilement dans une catégorie
standard — sauf dans la catégorie familière dont j’ai donné plusieurs exemples,
et dont je donnerais d’autres. Littéralement, ces crimes relèvent de la
définition officielle par le gouvernement nord américain de « terrorisme »,
mais cette désignation ne rend pas compte de leur énormité. Ils ne peuvent être
appelés « agressions », parce qu’ils sont menés dans les territoires
occupés, comme les États-Unis le reconnaissent tacitement. Dans leur vaste érudition
de l’histoire de la colonisation israélienne dans les territoires occupés, les
Seigneurs de
Les
attaques israélo-étasuniennes sur Gaza se sont multipliées en janvier 2006,
quelques mois après le retrait officiel, lorsque les Palestiniens ont commis un
crime véritablement odieux : ils ont voté « dans la mauvaise direction »,
dans une élection libre. Comme d’autres, les Palestiniens ont appris que l’on
ne désobéit pas impunément aux ordres du Maître, qui continue à fabuler sur son
« aspiration à la démocratie », sans susciter le ridicule de l’élite,
une autre réussite impressionnante.
Puisque
les termes « agression » et « terrorisme » sont inadaptés,
un nouveau terme est nécessaire pour décrire la torture sadique et lâche de
personnes emprisonnées sans aucune possibilité de fuite, pendant qu’elles sont
réduites en poussière par les produits les plus sophistiqués de la technologie
militaire des Etats-Unis — utilisées en violation du droit international et
même de la loi étasunienne, mais contre un état unilatéralement déclaré
hors-la-loi, ce qui est encore un autre détail technique mineur. Un autre
détail technique mineur ; le 31 décembre, alors que les habitants de Gaza
terrorisés cherchaient désespérément un abri contre l’impitoyable agression,
Washington a engagé un navire marchand allemand pour transporter un lourd chargement
de Grèce en Israël, 3.000 tonnes de « munitions » non identifiées.
Cette expédition « faisait suite à l’affrètement d’un navire de commerce
pour transporter des États-Unis vers Israël une cargaison plus importante de
matériel militaire, avant les frappes aériennes de décembre sur la bande de
Gaza », a indiqué Reuters. Tout cela en plus des 21 milliards de dollars
en aide militaire américaine fournie par l’administration Bush à Israël, en
majorité sous forme de subventions. « L’intervention d’Israël dans la
bande de Gaza a été largement alimentée par des armes fournies par les
Etats-Unis, payées avec l’argent des contribuables », selon les
informations de
La
réponse de
Si
d’aucun avait trouvé curieux le moment de ces livraisons d’armes à Israël et
s’était informé plus avant, le Pentagone avait une réponse : la cargaison
arriverait trop tard pour appuyer l’attaque de la bande de Gaza, et le matériel
militaire quel qu’il soit, devait être pré-positionné en Israël en vue d’une
éventuelle utilisation par l’armée étasunienne. C’est peut-être exact. L’un des
nombreux services qu’Israël offre à son patron est de lui fournir une base
militaire à la périphérie des plus grandes ressources énergétiques du monde. Il
peut donc servir de base avancée pour une agression des États-Unis — ou pour
utiliser des termes techniques, pour « défendre la région du Golfe »
et « assurer sa stabilité ».
L’énorme
flux d’armes vers Israël sert beaucoup d’autres objectifs. L’analyste politique
du Moyen-Orient Mouin Rabbani observe qu’Israël peut tester des armes nouvelles
contre des cibles sans défense. Cela sert Israël et les États-Unis
« doublement en fait, puisque des versions moins performantes de ces mêmes
armes sont ensuite vendues à prix fort aux Etats Arabes, qui contribuent
efficacement à l’industrie militaire des Etats-Unis et aux subventions militaires
étasuniennes en Israël ». C’est un rôle supplémentaire d’Israël dans un
Moyen-Orient dominé par les États-Unis, et l’une des raisons pour lesquelles
Israël est favorisé par les autorités Fédérales, ainsi que par un large
éventail de sociétés de haute technologie des États-Unis et, bien sûr,
l’industrie militaire et de renseignements.
Au-delà
d’Israël, les États-Unis sont de loin les principaux fournisseurs d’armes au
reste du monde. Le récent rapport de
D’autres
voix se sont fait entendre à la session des Nations Unies de décembre. Une
résolution sur « le droit du peuple palestinien à
l’autodétermination » a été adoptée par 173 voix contre 5 (États-Unis,
Israël, et des dépendances des îles du Pacifique). Dans l’isolement
international, le vote réaffirme avec force le rejectionisme
américano-israélien. De même, une résolution sur « la liberté universelle
de voyager et sur l’importance capitale du regroupement familial » a été
adoptée avec l’opposition des États-Unis, d’Israël et des dépendances du
Pacifique, vraisemblablement en pensant aux Palestiniens.
En votant
contre le droit au développement les États-Unis ont perdu Israël, mais gagné
l’Ukraine. En votant contre le « droit à l’alimentation », les États-Unis
étaient seuls, un fait particulièrement frappant dans le contexte de la
formidable crise alimentaire mondiale qui éclipse la crise financière pesant
sur les économies occidentales.
Il y a de
bonnes raisons pour que ces votes soient constamment cachés et enfouis par les
médias et les intellectuels conformistes dans les replis profonds de la
mémoire. Il ne serait pas sage de révéler au public ce qu’impliquent les votes
de leurs représentants. Dans le cas présent, il serait évidemment contreproductif
de faire savoir au public que le rejectionisme des Etats-Unis et d’Israël,
interdisant le règlement pacifique préconisé depuis longtemps par la communauté
internationale, atteint un tel extrême qu’il refuse même aux Palestiniens le
droit absolu à l’autodétermination.
A Gaza,
un bénévole héroïque, le médecin norvégien Mads Gilbert, a décrit une vision
d’horreur, une « Guerre totale contre la population civile de Gaza ».
Il a estimé que la moitié des victimes sont des femmes et des enfants. Les
hommes aussi, selon les normes de notre culture, sont presque tous des civils.
Gilbert signale qu’il a à peine vu un militaire parmi les centaines de blessés.
Les IDF acquiescent ; le Hamas « combat de loin — ou pas du
tout », dit Ethan Bronner dans son « inventaire des gains » de
l’agression américano-israélienne. Donc, les forces humaines du Hamas restent
intactes, et ce sont surtout les civils qui souffrent : un résultat
positif, selon une doctrine largement répandue.
Ces
estimations ont été confirmées par un responsable humanitaire de l’ONU John
Holmes, qui a informé les journalistes qu’il était « assez probable »
que la plupart des civils tués étaient des femmes et des enfants, dans cette
crise humanitaire qui « empire de jour en jour tandis que la violence se
poursuit ». Mais nous pourrions être réconfortés par les paroles du
ministre israélien des Affaires étrangères Tzipi Livni, la colombe en chef de
la campagne électorale actuelle, qui a assuré au monde qu’il n’existe pas de
« crise humanitaire » à Gaza, grâce à la bienveillance d’Israël
Comme
d’autres qui se préoccupent des êtres humains et de leur sort, Gilbert et
Holmes ont plaidé en faveur d’un cessez-le-feu. Pas immédiat cependant.
« A l’ONU le samedi soir, les États-Unis ont empêché le Conseil de
Sécurité d’émettre une déclaration officielle appelant à un cessez-le-feu
immédiat », dit en passant le New York Times. La raison officielle était
qu’ « il n’y avait aucune indication que le Hamas respecte un
engagement ». Dans les annales des justifications du plaisir de massacrer,
celle-ci doit se classer parmi les plus cyniques. Cela bien sûr c’était sous
Bush et Rice, qui seront bientôt remplacés par Obama qui répète avec compassion
que « si les missiles tombaient où mes deux filles dorment, je ferais tout
pour mettre fin à cela ». Il fait référence aux enfants israéliens, non
pas aux centaines d’êtres mis en lambeaux dans la bande de Gaza par les armes
étasuniennes. A part cela, Obama garde le silence.
Quelques
jours après, sous une intense pression internationale, les Etats-Unis ont
soutenu une résolution du Conseil de Sécurité appelant à un
« cessez-le-feu durable ». Adoptée 14-0, les États-Unis s’abstenant.
Les faucons d’Israël et des Etats-Unis étaient fâchés que les États-Unis n’y
opposent pas leur veto, comme d’habitude. L’abstention cependant a suffi à
donner à Israël, si ce n’est le feu vert, au moins le feu orange pour
l’escalade de la violence à laquelle il s’est consacré comme prévu, jusqu’au
moment de l’investiture d’Obama.
Le
cessez-le-feu (théorique) étant entré en vigueur le 18 janvier, le Centre
Palestinien pour les Droits de l’Homme a publié ses chiffres pour le dernier
jour de l’agression : 54 Palestiniens tués dont 43 civils désarmés, parmi
lesquels 17 enfants. Pendant ce temps, les IDF ont continué à bombarder les
maisons civiles et les écoles des Nations Unies. L’estimation du nombre total
de morts atteint 1184, dont 844 civils comptant 281 enfants. Les FDI ont
continué à utiliser des bombes incendiaires dans la bande de Gaza et à détruire
des maisons et des terres agricoles, obligeant les civils à fuir leurs foyers.
Quelques heures plus tard, Reuters signalait plus de 1300 tués. Le personnel du
Centre Al Mezan, qui surveille attentivement les victimes et les destructions,
a visité des zones auparavant inaccessibles en raison de bombardements massifs
et incessants. Ils y ont découvert les cadavres de dizaines de civils en
décomposition dans les décombres des maisons détruites ou rasées par les
bulldozers israéliens. Des quartiers entiers avaient disparus.
Le nombre
de morts et de blessés est certainement sous-estimé. Et il est peu probable
qu’il y aura une enquête sur ces atrocités. Les crimes de nos ennemis officiels
sont soumis à de rigoureuses enquêtes, mais les nôtres sont systématiquement
ignorés. Une pratique générale, encore une fois, et compréhensible de la part
des Maîtres.
La
résolution du Conseil de Sécurité appelait à l’arrêt du trafic d’armes vers
Gaza. Les États-Unis et Israël (Rice-Livni) se sont rapidement mis d’accord sur
les mesures à adopter pour atteindre ce but, se concentrer sur les armes
iraniennes. Il n’est pas nécessaire d’arrêter la contrebande d’armes
étasuniennes vers Israël, car il n’y a pas de contrebande : l’énorme flux
d’armes est tout à fait public, même s’il n’est pas signalé, comme dans le cas
de la livraison d’armes prévue quand le massacre dans la bande de Gaza était en
cours.
La
résolution appelait également à « assurer la réouverture totale des points
de passage, sur la base de l’Accord sur les Mouvements et l’Accès (AMA) signé
en 2005 entre l’Autorité Palestinienne et Israël ». Cet accord stipulait
que les accès vers Gaza seraient ouverts de façon continue et qu’Israël
permettrait le passage des biens et des personnes entre
L’accord
Rice-Livni n’a rien à voir avec cet aspect de la résolution du Conseil de
Sécurité. Les États-Unis et Israël avaient déjà abandonné l’accord de 2005 dans
le cadre de leur punition contre le mauvais vote des Palestiniens lors de
l’élection libre de janvier 2006. La conférence de presse de Rice après
l’accord Rice-Livni a souligné les efforts constants de Washington pour saper
les résultats d’une élection libre dans le monde arabe. « Il y a beaucoup
à faire », a t-elle dit, « pour sortir Gaza de l’obscurité du règne
du Hamas et lui montrer la lumière que peut apporter la très bonne gouvernance
de l’Autorité Palestinienne », — c’est-à-dire, ce qu’elle peut apporter
tant qu’elle reste un serviteur fidèle, minée par la corruption et résolue à
mener à bien une répression sévère, en bref obéissante.
De retour
d’une visite dans le monde arabe, Fawwaz Gerges réaffirma avec force ce que
d’autres sur place avaient dit. L’offensive israélo-étasunienne sur la bande de
Gaza a exaspéré les populations et suscité une haine amère contre les
agresseurs et leurs collaborateurs. « Il suffit de dire que ceux que l’on
appelle les États Arabes modérés [ceux qui prennent leurs ordres de Washington]
sont sur la défensive, et que le front de résistance mené par l’Iran et
Comme le
dit le London Financial Times, il est bon de garder à l’esprit que grâce aux
remarquables correspondants d’Al-Jazeera, des émissions de télévision en direct
et régulières fournissent une « analyse calme et équilibrée du chaos et de
la destruction » et offrent « une alternative sévère aux chaînes
hertziennes », ne laissant pas le monde arabe strictement ignorant de ce
qui se passe à Gaza. Dans les 105 pays où l’autocensure n’est pas si efficace
que chez nous, les gens peuvent voir d’heure en heure ce qui se passe, et
l’impact est très grand. Aux États-Unis, le New York Times suggère que
« le black-out quasi-total d’Al-Jazeera ... est sans doute lié à sa forte
critique du gouvernement des États-Unis au début de la guerre en Irak et à sa
couverture de l’invasion américaine ». Rumsfeld et Cheney l’ont contesté,
donc de toute évidence les médias indépendants ne pouvaient qu’obéir.
Il existe
un débat très mesuré sur ce que les assaillants espèrent obtenir. Parmi les
objectifs qui sont discutés il y a le rétablissement de ce que l’on appelle
« la force de dissuasion » qu’Israël a perdu à la suite de ses échecs
au Liban en 2006 — c’est-à-dire la capacité de terroriser tout opposant
potentiel et de le soumettre. Il existe cependant des objectifs plus
fondamentaux qui ont tendance à être occultés, même s’ils semblent assez
évidents à la vue de l’histoire récente.
Israël a
quitté Gaza en septembre 2005. Les jusqu’au-boutistes rationnels israéliens,
comme Ariel Sharon le saint patron des colons, ont compris l’absurdité de
subventionner quelques milliers de colons israéliens illégaux dans les ruines
de Gaza, protégés par les IDF, alors qu’ils profitaient de peu de terres, et de
ressources limitées. Il était plus logique de faire de Gaza la plus grande
prison du monde et de transférer les colons en Cisjordanie, territoire de
grande valeur, où Israël est très explicite sur ses intentions, en paroles et évidemment
en actes. L’un des buts est d’annexer les terres cultivables, les réserves
d’eau, et les agréables banlieues de Jérusalem et de Tel-Aviv, dans l’enceinte
du mur de séparation, déclaré illégal mal à propos par
Les
points de contrôle n’ont aucun rapport avec la sécurité d’Israël, et si
certains sont destinés à protéger les colons, ils sont simplement illégaux,
comme l’a statué
Les
délires des dirigeants politiques et militaires sont bénins par rapport aux
prêches des autorités rabbiniques. Ce ne sont pas des personnalités marginales.
Au contraire, elles sont très influentes dans l’armée et chez les colons, que
Zertal et Eldar appellent les « Seigneurs de
Des points de vue similaires sont
exprimés par des personnalités laïques étasuniennes. Quand Israël a envahi le
Liban en 2006, le professeur Alan Dershowitz de l’Ecole de Droit de
Harvard, a expliqué dans le journal libéral en ligne Huffington Post, que tous les
Libanais sont des cibles légitimes de la violence israélienne. Les citoyens du
Liban “payent le prix“ de leur soutien au « terrorisme » —
c’est-à-dire leur soutien à la résistance à l’invasion israélienne. En
conséquence, les civils libanais ne sont pas plus protégés des attaques que les
Autrichiens qui soutenaient les nazis. La fatwa du rabbin séfarade s’applique à
eux. Dans une vidéo sur le site Internet du Jérusalem Post, Dershowitz continua
à ridiculiser les propos sur le rapport excessif entre les morts Palestiniens
et Israéliens : il doit être porté à 1.000 pour un, dit-il, ou même 1.000
pour zéro, signifiant que les brutes devaient être complètement exterminées.
Bien sûr, il se réfère à des « terroristes », une vaste catégorie qui
inclut les victimes du pouvoir israélien, car « Israël n’a jamais pour
cible des civils », déclara-t-il avec insistance. Il s’ensuit que les
Palestiniens, les Libanais, les Tunisiens, ou quiconque se trouve sur le chemin
de l’impitoyable armée du Saint État est un terroriste, ou une victime
accidentelle de leurs justes crimes.
Il n’est
pas facile de trouver de contreparties historiques à de telles prestations. Il
est peut-être instructif qu’elles semblent couler de source dans la culture
intellectuelle et morale dominante — quand elles émanent de « notre
côté ». Dans la bouche d’ennemis officiels, de tels mots susciteraient une
juste indignation et des appels à la vengeance sous forme de violences
préventives massives.
L’affirmation
selon laquelle « notre camp » ne vise jamais les civils est une
doctrine familière à ceux qui monopolisent les moyens de la violence. Et elle
contient une part de vérité. Nous n’essayons pas en général, de tuer des civils
déterminés. Au contraire, nos actions sont meurtrières, nous le savons, elles
tuent de nombreux civils, mais sans intention spécifique d’en tuer un en
particulier. En droit, ces pratiques courantes pourraient relever de la
catégorie de non-assistance à personne en danger, mais ce n’est pas une
désignation correcte pour la pratique et la doctrine impériale standard. Ce
serait plutôt comme marcher dans une rue en sachant que l’on peut tuer des
fourmis, mais sans intention de le faire, parce qu’elles sont si insignifiantes
que ça n’a pas d’importance. Il
en est de même quand Israël effectue des actions sachant qu’il va tuer des
« sauterelles » et des « bêtes à deux pattes » qui
infestent les terres qu’il « libère ». Il n’y a pas de bon terme pour
désigner cette forme de dépravation morale par trop familière et sans doute
pire que le meurtre délibéré.
Dans
l’ancienne Palestine, les propriétaires légitimes (par décret divin, selon les
« Seigneurs de
Le
« droit éternel et historique à l’ensemble de la terre » de notre
peuple contraste radicalement avec l’absence de tout droit de
l’autodétermination pour les habitants temporaires, les Palestiniens. Comme
indiqué précédemment, cette dernière position a été réaffirmée, par Israël et
son patron à Washington en décembre 2008, dans leur isolement habituel
accompagné d’un silence retentissant.
Les plans
esquissés par Olmert en 2006 ont depuis été abandonnés comme insuffisamment
ambitieux. Mais ce qui remplace le programme de convergence et les actions qui
s’ensuivent quotidiennement pour sa mise en œuvre sont approximativement les
mêmes dans leur conception générale. Cela remonte aux premiers jours de
l’occupation, lorsque le ministre de
Que ces
programmes soient criminels n’a jamais été mis en doute. Immédiatement après la
guerre de 1967, le gouvernement israélien a été informé par sa plus haute
autorité juridique, Teodor Meron, que « la colonisation civile des
territoires administrés contrevenait aux dispositions formulées par la
quatrième Convention de Genève », le fondement du droit international
humanitaire. Le ministre de
En
Cisjordanie, Israël peut poursuivre ses plans criminels avec l’appui des
Etats-Unis et sans être dérangé, grâce à l’efficacité de son contrôle militaire
et maintenant grâce à l’aide des forces de sécurité palestiniennes
collaborationnistes, armées et entraînées par les États-Unis et les dictatures
alliées. Il peut aussi procéder régulièrement à des assassinats et autres
crimes pendant que les colons sévissent sous la protection des IDF. Mais, alors
que
D’où
l’invasion de Gaza.
Le moment
de l’invasion a vraisemblablement été influencé par les prochaines élections
israéliennes. Dès les premiers jours du carnage, le commentateur israélien Ran
HaCohen a calculé qu’Ehud Barak qui reculait fortement dans les sondages a
gagné un siège au Parlement pour 40 morts Arabes.
Cela peut
changer cependant. Comme les crimes ont dépassé ce que la campagne de
propagande israélienne soigneusement préparée a été en mesure de cacher, même
des faucons israéliens avérés se sont inquiétés que le carnage « Détruit
l’âme [d’Israël] et son image. Il le détruit sur les écrans de télévision du
monde, dans les salons de la communauté internationale et surtout dans
l’Amérique d’Obama (Ari Shavit) ». Shavit était particulièrement préoccupé
qu’Israël « bombarde une installation des Nations Unies ... le jour où le
secrétaire général de l’ONU est en visite à Jérusalem », un acte « au-delà
de folie » estima-t-il.
Pour
ajouter quelques détails, cette « installation » était la base de
l’ONU dans la ville de Gaza et contenait les entrepôts de l’UNRWA. Selon son
directeur John Ging, le pilonnage a détruit « des centaines de tonnes de
nourriture et de médicaments d’urgence qui devaient être distribuées
aujourd’hui dans les abris, les hôpitaux et les centres d’alimentation ».
Les frappes militaires ont aussi détruit les deux étages de l’hôpital al-Qods,
et y ont mis le feu, ainsi qu’à un deuxième entrepôt géré par le
Croissant-Rouge palestinien. L’hôpital du quartier fortement peuplé de Tal-Hawa
a été détruit par les chars israéliens « après que des centaines
d’habitants de Gaza terrorisés y eurent trouvé refuge quand les forces
terrestres israéliennes sont entrées dans le quartier », a indiqué
l’Associated Press.
Il n’y
avait plus rien à sauver à l’intérieur des ruines fumantes de l’hôpital.
« Ils ont bombardé le bâtiment, le bâtiment de l’hôpital. Il a pris feu.
Nous avons essayé d’évacuer les malades, les blessés et les personnes qui
étaient là. Les pompiers sont arrivés et ont éteint le feu, qui a repris de
nouveau et ils l’ont de nouveau éteint, et il s’est rallumé une troisième
fois », a raconté l’auxiliaire médical Ahmad Al-Haz à l’AP. On soupçonne
que l’incendie pourrait avoir été déclenché par le phosphore blanc, également
mis en cause dans de nombreux autres incendies et brûlures graves.
Ces
soupçons sont confirmés par Amnesty International après que l’arrêt des
bombardements intensifs a permis d’enquêter. Avant, tandis qu’il perpétrait ses
crimes dans une fureur sans frein, Israël avait évidemment interdit tout
journaliste, même israélien. L’utilisation par Israël de phosphore blanc contre
les civils de Gaza est « claire et indéniable », a indiqué Amnesty International.
Son utilisation répétée dans des zones civiles densément peuplées « est un
crime de guerre », a conclu Amnesty International. Les enquêteurs ont
trouvé des éclats de phosphore blanc disséminés dans les bâtiments résidentiels
toujours en feu, « mettant en danger d’autres résidants et leurs
biens », en particulier les enfants « attirés par les débris d’armes
et souvent ignorant des dangers ». Les cibles principales, disent-ils, ont
été l’enceinte de l’UNRWA, où le « phosphore blanc est tombé à côté de
camions de carburant et a provoqué un immense incendie qui a détruit des tonnes
d’aide humanitaire » bien que les autorités israéliennes « avaient
assuré qu’aucune nouvelle attaque ne serait lancée sur le complexe ». Le
même jour, « un obus au phosphore blanc est tombé sur l’hôpital Al-Qods
dans la ville de Gaza causant aussi un incendie qui a obligé le personnel de
l’hôpital à évacuer les patients... le phosphore blanc qui tombe sur la peau
brûle profondément, jusqu’aux muscles et même aux os, et brûle jusqu’à ce qu’il
soit privé d’oxygène ». Qu’ils soient commis intentionnellement ou par
indifférence cynique, ces crimes sont inévitables quand une telle arme est
utilisée dans des attaques sur les civils.
Il est
toutefois erroné de se concentrer uniquement sur les violations flagrantes par
Israël du jus in bello (le Droit pendant
Une
agression a toujours un prétexte : dans ce cas, la patience d’Israël a été
« poussée à bout » par les attaques à la roquette du Hamas, comme dit
Barak. Mantra répété à l’infini sur le droit d’Israël d’utiliser la force pour
se défendre. La thèse est partiellement défendable. Les tirs de roquettes sont
criminels et il est vrai qu’un Etat a le droit de se défendre contre des
attaques criminelles. Mais il ne s’ensuit pas qu’il a le droit de se défendre
par la force. Cela va bien au-delà de tout principe que nous pourrions ou
devrions accepter. L’Allemagne nazie n’avait pas le droit d’utiliser la force
pour se défendre contre le terrorisme des partisans.
Tout
recours à la force doit s’appuyer sur des arguments indiscutables, et nous
devons nous demander si Israël y satisfait en réprimant sans relâche depuis
plus de 40 ans toute résistance à ses actions criminelles quotidiennes à Gaza
et en Cisjordanie. Peut-être puis-je citer un de mes entretiens à la presse
israélienne sur les plans de convergence pour
Le
journaliste américano-palestinien Ali Abunimah a fait remarquer ;
« Il n’y a pas de roquettes tirées sur Israël depuis
Les
réactions aux crimes d’une puissance d’occupation peuvent être condamnées comme
criminelles et politiquement insensées, mais ceux qui n’offrent aucune
alternative n’ont pas de raisons morales pour émettre de tels jugements. La
conclusion vaut particulièrement pour ceux qui aux États-Unis choisissent
d’être directement impliqués dans les crimes continus d’Israël — par leurs
paroles, leurs actions, ou leur silence. D’autant plus parce qu’il y a très
clairement des alternatives non-violentes — qui ont toutefois l’inconvénient
d’aller à l’encontre des programmes d’expansion illégale.
Israël a
un moyen évident de se défendre : mettre un terme à ses actions
criminelles dans les territoires occupés et accepter le consensus international
qui, de longue date, appelle à la coexistence de deux États. Ce règlement a été
bloqué par les États-Unis et Israël depuis plus de 30 ans, depuis le premier
veto opposé par les Etats-Unis à une résolution du Conseil de Sécurité de 1976
appelant en ces termes un règlement politique. Je ne vais pas une nouvelle fois
détailler ce passé peu glorieux, mais il est important d’être conscient que le
rejet israélo-étasunien d’aujourd’hui est encore plus flagrant que par le
passé.
Un rappel
plus précis est informatif. Le Conseil National Palestinien a accepté
officiellement le consensus international en 1988. La réponse du gouvernement
de coalition Shamir-Peres, confirmée par le Département d’État de James Baker,
est qu’il ne peut y avoir un “État palestinien de plus“ entre Israël et
Après
avoir blâmé Yasser Arafat pour la rupture des négociations de Camp David, Bill Clinton
se rétracta et reconnut que les propositions des États-Unis et d’Israël étaient
trop extrémistes pour les Palestiniens. En décembre 2000, il a présenté ses
« mesures », vagues mais plus ouvertes. Il a ensuite annoncé que les
deux parties avaient accepté les mesures, alors que toutes deux avaient exprimé
des réserves. Les deux parties se sont rencontrées à Taba en Egypte en janvier
2001 et ont été très proches d’un accord, qu’elles auraient pu conclure en
quelques jours, ont-ils déclaré dans leur dernière conférence de presse. Mais
les négociations ont été annulées prématurément par Ehud Barak. Cette semaine à
Taba est la seule pause en plus de 30 ans dans le rejectionisme
américano-israélien. Il n’y a aucune raison pour que cela ne puisse se produire
à nouveau.
La
version préférée, rappelée récemment par Ethan Bronner, est que « Beaucoup
à l’étranger se souviennent de M. Barak comme le Premier Ministre qui en
2000 est allée plus loin que n’importe quel dirigeant israélien dans les offres
de paix aux Palestiniens. Mais il faut voir comment l’accord a capoté et a
dégénéré dans un violent soulèvement palestinien, en l’excluant du
pouvoir ». Il est vrai que « beaucoup à l’étranger » croient à
ce conte de fées trompeur, grâce à ce que Bronner et un trop grand nombre de
ses collègues appellent le « journalisme ».
Il est
communément admis qu’une solution à deux États est désormais inaccessible,
parce que si l’armée israélienne tentait d’expulser les colons, cela conduirait
à une guerre civile. C’est peut-être vrai, mais d’autres arguments sont
nécessaires. Sans recourir à la force pour expulser les colons illégaux,
l’armée israélienne pourrait simplement se retirer dans les frontières établies
par les négociations. Les colons au-delà de ces frontières auraient le choix
entre quitter leurs maisons subventionnées pour retourner en Israël, ou y
rester sous autorité palestinienne. Le schéma était identique lors de la mise
en scène soignée du « traumatisme national » dans la bande de Gaza en
2005, si grossièrement trompeuse qu’elle fut raillée par les commentateurs
israéliens. Il aurait suffi à Israël d’annoncer que les IDF se retiraient, pour
que les colons subventionnés pour profiter de leur vie dans la bande de Gaza
montent discrètement dans les camions mis à leur disposition pour se rendre à
leur nouvelle résidence subventionnée en Cisjordanie. Mais cela n’aurait pas
produit les images tragiques d’enfants angoissés ou d’exaltés criant
« plus jamais ça ».
En
résumé, contrairement à l’affirmation constamment répétée, Israël n’a pas le
droit d’utiliser la force pour se défendre contre les roquettes de la bande de
Gaza, même si elles sont considérées comme des crimes terroristes. En outre,
les raisons sont transparentes. Le prétexte pour le lancement de l’attaque est sans
fondement.
Une
question plus précise doit être posée. Israël a-t-il des alternatives
pacifiques à court terme à l’utilisation de la force en réponse aux roquettes
tirées de Gaza ? L’une d’elles serait d’accepter un cessez-le-feu. Israël
l’a parfois fait, mais il l’a instantanément violé. Le plus récemment en juin
2008. Le cessez-le-feu prévoyait l’ouverture des frontières pour
« permettre le transport de toutes les marchandises qui avaient été
interdites ou limitées dans la bande de Gaza ». Israël a formellement
accepté, mais a immédiatement annoncé qu’il ne respecterait pas l’accord ni
l’ouverture des frontières jusqu’à ce que le Hamas libère Gilad Shalit, un
soldat israélien capturé par le Hamas en juin 2006.
Les
roulements de tambour continus à propos de la capture de Shalit sont encore une
fois une hypocrisie flagrante, même en oubliant qu’Israël a une longue histoire
d’enlèvements. L’hypocrisie ne peut être plus flagrante que dans ce cas. La
veille de la capture de Shalit par le Hamas, des soldats israéliens sont entrés
dans la ville de Gaza et ont enlevé deux civils, les frères Muammar, les
emmenant en Israël rejoindre les milliers d’autres prisonniers détenus là-bas
sans aucune charge, près de 1.000. L’enlèvement de civils est un crime beaucoup
plus grave que la capture d’un soldat d’une armée attaquante, mais de cela on
ne parle jamais, seulement et toujours de la fureur provoquée par l’enlèvement
de Shalit. Et tout ce qui reste en mémoire, la cause du blocage de la paix,
c’est la capture de Shalit, un autre exemple de la différence entre les humains
et les bêtes à deux pattes. Shalit doit être rendu — au cours d’un juste
échange de prisonniers.
C’est
après la capture de Shalit que les attaques militaires implacables d’Israël
contre Gaza, de simplement vicieuses, sont devenues vraiment sadiques. Mais il
faut rappeler que même avant la capture, après son retrait en septembre, Israël
a tiré plus de 7.700 obus sur le nord de Gaza, ne suscitant pratiquement aucun
commentaire.
Après le
rejet du cessez-le-feu de juin 2008 qu’il avait officiellement accepté, Israël
a maintenu son siège. Pouvons-nous rappeler qu’un siège est un acte de guerre.
En fait, Israël a toujours insisté sur un principe encore plus fort :
entraver l’accès au monde extérieur, même par un siège partiel, est un acte de
guerre justifiant la violence massive en réponse. Les entraves à son passage
par le détroit de Tiran ont fait partie des prétextes d’Israël pour envahir
l’Égypte (avec
Bien sûr
et encore, nous sommes confrontés au principe infirmatif : nous c’est
nous, eux c’est eux.
Israël
non seulement a maintenu le siège après juin 2008, mais il l’a fait avec une
extrême rigueur. Il a même empêché l’UNRWA de reconstituer ses stocks,
« de sorte que lorsque le cessez-le-feu a pris fin, nous avons manqué de
nourriture pour les 750.000 personnes qui dépendent de nous », a déclaré
le directeur de l’UNRWA John Ging à
Malgré le
siège israélien, les tirs de roquettes ont fortement diminué. Le cessez-le-feu
a été rompu le 4 novembre par un raid israélien dans la bande de Gaza
entraînant la mort de 6 Palestiniens, et des tirs de roquettes en représailles
(aucune victime). Le prétexte invoqué pour justifier le raid était qu’Israël
avait repéré un tunnel dans la bande de Gaza qui pourrait servir à capturer un
autre soldat israélien. Comme un certain nombre de commentateurs l’ont noté, le
prétexte est totalement absurde. Si ce tunnel existait et atteignait la
frontière, Israël aurait pu facilement le boucher à cet endroit. Mais comme
d’habitude, le faux prétexte israélien a été jugé crédible.
Quelle a
été la vraie raison de l’attaque israélienne ? Nous n’avons pas d’éléments
de preuve sur les plans d’Israël, mais nous savons que le raid est intervenu
peu avant des entretiens prévus entre le Fatah et le Hamas au Caire, visant à
« aplanir leurs divergences et à créer un gouvernement unifié »,
signale le correspondant britannique Rory McCarthy. Ce devait être la première
rencontre Fatah-Hamas depuis la guerre civile de juin 2007 qui a donné le
contrôle de la bande de Gaza au Hamas, et cela aurait été une étape importante
pour la diplomatie. Israël a une longue histoire de provocations en vue de
dissuader la menace diplomatique, certaines ayant déjà été mentionnées. Ceci en
est sûrement une autre.
La guerre
civile qui a laissé le contrôle de la bande de Gaza au Hamas est communément
décrite comme un coup d’Etat militaire du Hamas, ce qui démontre à nouveau sa
nature diabolique. Le monde réel est un peu différent. La guerre civile a été
organisée par les États-Unis et Israël, dans une grossière tentative de coup
d’Etat pour renverser le Hamas, porté au pouvoir par des élections libres. Cela
est connu du public au moins depuis avril 2008, quand David Rose a publié dans
Vanity Fair un rapport détaillé et documentée sur la façon dont Bush, Rice, et
le sous-conseiller pour la sécurité nationale Elliott Abrams « ont soutenu
la force armée aux ordres de l’homme fort du Fatah Muhammad Dahlan, déclenchant
une guerre civile sanglante dans la bande de Gaza et en laissant le Hamas plus
fort que jamais ». Ce rapport a été récemment confirmé dans le Christian
Science Monitor (12 janvier, 2009) par Norman Olsen, qui a travaillé 26 ans aux
Affaires Etrangères, dont quatre dans la bande de Gaza et quatre autres à
l’ambassade américaine à Tel-Aviv, puis est devenu coordinateur associé pour le
contre-terrorisme au Département d’Etat. Olson et son fils détaillent les
manigances du Département d’État destinées à assurer que leur candidat, Abbas,
gagne les élections de janvier 2006 — ce qui aurait été salué comme un triomphe
de la démocratie. Après ce bidouillage raté des élections, ils se sont tournés
vers la répression des Palestiniens et l’armement d’une milice dirigée par
l’homme fort du Fatah Mohammed Dahlan. Mais « les voyous de Dahlan ont agi
trop tôt » et une action préventive du Hamas a fait échouer la tentative
de coup d’Etat, menant à des mesures bien plus sévères de la part des
Etats-Unis et d’Israël pour punir la désobéissance du peuple de Gaza.
En
novembre, après qu’Israël a rompu le cessez-le-feu de juin 2008 (quoiqu’il ait
été), le siège a été encore renforcé, avec des conséquences encore plus
désastreuses pour la population. Selon Sara Roy, une des meilleures
spécialistes universitaires de la bande de Gaza, « Le 5 novembre, Israël a
fermé tous les points de passage dans la bande de Gaza, réduisant
considérablement, et parfois refusant, le passage de vivres, de médicaments, de
carburant, de gaz de cuisine, et de pièces détachées pour l’adduction et
l’assainissement de l’eau... Au cours de novembre, une moyenne de 4,6 camions
de nourriture est entrée chaque jour d’Israël à Gaza comparée à 123 camions par
jour en octobre. L’entrée de pièces de rechange pour la réparation et
l’entretien des équipements d’eau a été refusée pendant plus d’un an.
L’Organisation Mondiale de
Après
l’attaque israélienne du 4 novembre, la violence a augmenté des deux côtés
(tous les morts sont palestiniens) jusqu’à ce que le cessez-le-feu prenne
officiellement fin le 19 décembre et que le Premier Ministre Olmert autorise
l’invasion à grande échelle.
Quelques
jours plus tôt, le Hamas avait proposé de revenir à l’accord de cessez-le-feu
de juillet, qu’Israël n’avait pas respecté. Robert Pastor, historien et ancien
haut fonctionnaire de l’administration Carter a transmis la proposition à un
« haut fonctionnaire » de l’armée israélienne, mais Israël n’a pas
répondu. Au contraire, le chef du Shin Bet, l’organisme de sécurité intérieure
d’Israël, cité le 21 décembre par des sources israéliennes, a dit que le Hamas
est prêt à poursuivre la « trêve » avec Israël, alors que son aile
militaire poursuit ses préparatifs de guerre.
« Il
y avait clairement une alternative à l’approche militaire pour arrêter les tirs
de roquettes », a déclaré Pastor, s’en tenant à la question restreinte de
la bande de Gaza. Il y avait aussi une alternative de bien plus grande portée
mais rarement évoquée : l’acceptation d’un règlement politique incluant
tous les territoires occupés.
Le haut
correspondant diplomatique d’Israël Akiva Eldar, rapporte que peu de temps
avant qu’Israël lance son invasion à grande échelle, le samedi 27 décembre,
« le chef du bureau politique du Hamas Khaled Mechaal avait annoncé sur le
site Internet Iz al-Din al-Qassam, qu’il était prêt, non seulement à un
« arrêt de l’agression » mais proposait de revenir à l’arrangement de
Rafah de 2005, avant que le Hamas ne remporte les élections et ne s’empare de
la région. Cet arrangement prévoyait que les points de passages seraient
supervisés conjointement par l’Egypte, l’Union européenne, la présidence de
l’Autorité palestinienne et le Hamas », et comme indiqué précédemment, a
appelé à l’ouverture de passages pour les denrées faisant cruellement défaut.
Une des
revendications des apologistes les plus simplistes de la violence israélienne
est que dans le cas de l’attaque actuelle, « comme dans de nombreux autres
cas dans le dernier demi-siècle — la guerre au Liban de 1982, le « gant de
fer » qui répond à l’Intifada de 1988, la guerre au Liban de 2006 — les
Israéliens ont réagi à des actes intolérables de terreur avec la volonté
d’infliger des douleurs atroces, pour donner une leçon à l’ennemi » (David
Remnick, éditeur du New Yorker). Comme cela a déjà été mentionné, l’invasion de
2006 ne peut être justifiée que par un cynisme épouvantable. La réponse
vicieuse à l’Intifada de 1988 est trop amorale pour être discutée ; une
interprétation bienveillante pourrait être qu’elle reflète une étonnante
ignorance. Mais l’explication de Remnick de l’invasion de 1982 est tellement
fréquente, une réussite remarquable de propagande ininterrompue, qu’elle mérite
quelques rappels.
Sans
aucun doute, la frontière israélo-libanaise a été calme pendant un an avant
l’invasion israélienne, au moins à partir du Liban vers Israël, du nord au sud.
Toute l’année, l’OLP a scrupuleusement observé un cessez-le-feu appuyé par les
Etats-Unis, en dépit de constantes provocations israéliennes, y compris des
bombardements faisant de nombreuses victimes civiles, probablement destinées à
susciter des réactions qui pourraient être utilisées par Israël pour justifier
une invasion planifiée avec soin. Israël n’a obtenu que deux petites répliques
symboliques. Il a alors lancé l’invasion avec un prétexte trop absurde pour
d’être pris au sérieux.
L’invasion
n’a effectivement rien à voir avec des « actes intolérables de
terrorisme », mais avec des actes intolérables de diplomatie. Cela n’a
jamais été un mystère. Peu après que l’invasion soutenue par les Etats-Unis ait
commencé, le meilleur spécialiste universitaire des Palestiniens en Israël,
Yehoshua Porath — qui n’est pas une colombe — a écrit que la réussite d’Arafat
à maintenir le cessez-le-feu constitue « une véritable catastrophe aux
yeux du gouvernement israélien » car elle ouvre la voie à un règlement
politique. Le gouvernement espérait que l’OLP recourrait au terrorisme,
affaiblissant la menace qu’il puisse devenir « un partenaire légitime de
négociations pour de futurs accords politiques. »
Les faits
ont été bien compris en Israël, et non dissimulés. Le Premier ministre Yitzhak
Shamir a déclaré qu’Israël avait opté pour la guerre parce qu’il y avait
« un terrible danger ... pas tant militaire que politique », incitant
l’excellent satiriste israélien B. Michael à écrire « l’excuse boiteuse
d’un danger militaire, ou d’un danger tout court, pour
En
première page dans un article de réflexion sur la dernière invasion de Gaza, le
correspondant du New York Times, Steven Lee Meyers, écrit que « D’une certaine
manière, les attaques sur Gaza rappellent le pari qu’Israël avait pris, et en
grande partie perdu, au Liban en 1982 [quand] il l’a envahi pour éliminer la
menace des forces de Yasser Arafat ». Correct, mais pas dans le sens
auquel il pense. En 1982, comme en 2008, les attaques ont été nécessaires pour
éliminer la menace d’un règlement politique.
L’espoir
de la propagande israélienne était que les intellectuels et les médias
occidentaux achèteraient l’histoire qu’Israël n’avait fait que réagir à une
pluie de roquettes sur
Ce n’est
pas qu’Israël ne veuille pas la paix, tout le monde veut la paix, même Hitler
la voulait. La question est : à quelles conditions ? Depuis ses origines,
le mouvement sioniste a compris que pour atteindre ses buts, la meilleure
stratégie serait de retarder un règlement politique, tout en construisant des
faits sur le terrain. Même les quelques accords, comme ceux de 1947, ont été
conçus par la direction sioniste comme des étapes provisoires pour poursuivre
l’expansion. La guerre du Liban de
L’histoire
remonte loin en arrière. L’histoire officielle de
L’effort
pour retarder un compromis politique a toujours eu un sens parfait, de même que
les mensonges qui l’accompagnent sur le « manque de partenaire pour la
paix ». Il est difficile d’imaginer une autre façon de contrôler la terre
où vous êtes indésirable.
Des
raisons semblables sous tendent la préférence d’Israël pour l’expansion plutôt
que pour la sécurité. Sa violation du cessez-le-feu le 4 novembre 2009 en est
l’un des nombreux exemples récents.
Une chronologie
d’Amnesty International montre que le cessez-le-feu de juin 2008 avait
« apporté d’énormes améliorations dans la qualité de vie des habitants de
Sderot et d’autres villages israéliens près de Gaza, où auparavant les gens
vivaient dans la crainte des prochains tirs de roquettes palestiniens.
Toutefois, à proximité, dans la bande de Gaza, le blocus israélien reste en
place et la population n’a pas encore vu les bénéfices du cessez-le-feu ».
Mais les gains en matière de sécurité pour les villes d’Israël près de la bande
de Gaza ont été manifestement dépassés par le besoin de dissuader les
initiatives diplomatiques qui pourraient entraver l’expansion en Cisjordanie et
d’écraser toute résistance résiduelle en Palestine.
La
préférence pour l’expansion sur la sécurité a été particulièrement manifeste
depuis la décision fatale d’Israël en 1971. Soutenu par Henry Kissinger, il a
rejeté l’offre du président d’Egypte Sadate, d’un traité de paix global qui
n’offrait rien aux Palestiniens — un accord que les Etats-Unis et Israël ont
été obligés d’accepter à Camp David, huit ans plus tard, après une guerre qui
fut presque un désastre pour Israël. Un traité de paix avec l’Egypte aurait mis
fin à toute menace à la sécurité, mais il y avait un quiproquo inacceptable :
Israël aurait dû abandonner ses vastes programmes de peuplement dans le
nord-est du Sinaï. La sécurité était, et est toujours, une priorité moindre que
l’expansion. Des preuves évidentes de cette conclusion sont fournies par
l’étude magistrale sur la sécurité et la politique étrangère d’Israël
« Défense de
Aujourd’hui,
Israël pourrait avoir la sécurité et des relations normalisées et intégrées
dans la région. Mais il préfère clairement l’expansion illégale, les conflits,
et l’exercice répété de la violence. Actions qui ne sont pas seulement
criminelles, meurtrières et destructrices, mais qui sapent sa propre sécurité à
long terme. Le spécialiste militaire des Etats-Unis et du Moyen-Orient Andrew
Cordesman écrit qu’Israël peut être sûr de sa force militaire pour écraser la
bande de Gaza sans défense. Mais il ajoute, « ni Israël ni les États-Unis
ne peuvent profiter d’une guerre qui produit une réaction [amère] de l’une des
voix les plus sages et les plus modérées du Monde Arabe, celle du Prince Turki
al-Fayçal d’Arabie Saoudite, qui a dit le 6 janvier : « Avec ces
massacres et effusions de sang d’innocents dans la bande de Gaza,
l’administration Bush a laissé [à Obama] un héritage déplorable et une position
dangereuse ... Assez, c’est assez ! Aujourd’hui nous sommes tous des
Palestiniens et nous recherchons le martyre pour Dieu et pour
Une des
voix les plus sages en Israël, celle d’Uri Avnery, dit qu’après la victoire
militaire israélienne, « Une cicatrice restera dans la conscience du
monde, l’image d’un monstre taché de sang, Israël, prêt à chaque instant à
commettre des crimes de guerre et à refuser toute contrainte morale. Cela aura
de graves conséquences pour notre futur, notre position dans le monde et nos
chances de parvenir à la paix et au calme. En fin de compte, cette guerre est
aussi un crime contre nous-mêmes, un crime contre l’État d’Israël ».
Il y a de
bonnes raisons de croire qu’il a raison. Israël est délibérément en train de
devenir le pays le plus haï au monde. Israël est aussi en train de perdre la
confiance de l’Occident, y compris celle des jeunes Juifs américains qui sont
peu susceptibles de tolérer encore longtemps ses crimes choquants. Il y a
quelques décennies, j’ai écrit que ceux qui se déclarent « partisans
d’Israël » sont en réalité des partisans de sa dégénérescence morale et de
sa destruction probable. Malheureusement, ce jugement semble de plus en plus
crédible.
Pendant
ce temps, nous observons tranquillement un événement rare dans l’histoire, ce
que le défunt sociologue israélien Baruch Kimmerling appelait
« politicide », le meurtre d’une nation — à notre porte.
Par Noam
Chomsky
20 janvier 2009
Traduction par Laurent EMOR
pour le Grand Soir http://www.legrandsoir.info/spip.php?article7972
ARTICLE
ORIGINAL
http://www.zcommunications.org/znet/viewArticle/20316