La Denrée mentale

Table des matières analytique

AVERTISSEMENT    7

L LES PHÉNOMÈNES DE L'ESPRIT          9

1.1. - Quelle est la place du mental dans le monde ? Le sens commun ne tranche pas : dans l'usage ordinaire, l'adjectif « mental » n'est pas réservé aux activités immanentes d'un sujet, mais peut qualifier toute chose relevant d'une compétence intellectuelle, comme par exemple un livre, denrée mentale       11

1.2. - La philosophie de l'esprit devient une philosophie mentale quand l'esprit est défini comme une sphère détachée du monde extérieur, sphère pour laquelle il faut retrouver une place dans le cours des choses 19

1.3. - Classification des phénoménologies de l'esprit : les phénomènes mentaux peuvent être conçus comme donnés à tout le monde (extériorité) ou bien au sujet seulement (intériorité) ; ils peuvent être conçus comme des manifestations indirectes (symptômes) ou directes (critères, expressions) de l'esprit    23

1.4. - La philosophie de la conscience détache l'esprit du monde en opposant notre connaissance indirecte des événements du monde à notre connaissance directe infaillible des événements mentaux      26

1.5. - Les théories de l'inconscient contestent l'identifi­cation du mental au conscient, mais retiennent la dissociation de l'esprit représentateur et du monde. Les théories des causes mentales développent la philosophie de l'esprit représentateur dans une psychologie en troisième personne           31

1.6. - La philosophie de l'intention ne définit pas l'inten­tionalité comme un rapport spécial du sujet à l'objet, mais comme un ordre de sens imposé à un materiau 33

2. LA QUERELLE DES DEUX SCIENCES 48

2.1. - Le projet d'une étude scientifique de l'esprit humain suscite au XIXe siècle une querelle sur l'unité de la méthode dans les sciences      48

2.2. - La dualité herméneutique de l'explication par des lois et de la compréhension du sens réapparaît aujourd'hui dans le conflit de deux philosophies de l'action, la théorie causale de l'action et la conception intentionaliste     51

2.3. - L'opposition classique entre « expliquer » et « comprendre » repose sur une philosophie positiviste de l'explication naturaliste, celle-ci étant conçue comme une explication par des lois, c'est à-dire par des régularités observées    55

2.4. - Les lois, conçues comme des propositions générales, n'ont aucun pouvoir explicatif. Pour qu'il y ait explication, il faut que la liaison régulièrement constatée entre deux types de phénomènes corresponde à une connexion réelle             61

2.5. - Toute explication téléologique n'est pas une explication intentionnelle : c'est ainsi que l'explication fonctionnelle d'un système naturel n'invoque aucune intention           64

3. L'ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DE L'ESPRIT            70

3.1. - L'anthropologie structurale est le projet d'expliquer les institutions humaines (variées) par des structures intellectuelles (communes)           71

3.2. - Lévi-Strauss voit dans l'explication structurale le moyen de surmonter l'antithèse de l'explication des phénomènes sociaux par la conscience et de l'explication par les circonstances historiques. Le tout social offre un sens rationnel parce qu'il peut être donné (dans l'esprit) avant les parties        75

3.3. - Selon Lévi-Strauss, le holisme du social devrait être fondé sur une théorie de l'inconscient structural. Pourtant, une psychologie naturaliste ne peut pas rendre compte des systèmes symboliques            80

3.4. - Selon une autre version de l'explication structurale (Louis Dumont), l'antithèse de l'explication volontariste et de l'explication historique peut être surmontée par une compréhension fondée sur une comparaison radicale entre notre culture et celle des autres       85

4. LA NOUVELLE PHILOSOPHIE MENTALE      95

4.1. - Selon le cognitivisme, le modèle de l'ordinateur permettrait à une psychologie naturelle d'étudier des activités intellectuelles    95

4.2. - Dans la philosophie mentale contemporaine, le matérialisme est un dualisme qui identifie le sujet des opérations mentales au cerveau             99

4.3. - La nouvelle philosophie mentale soutient trois thèses la vie mentale consiste dans une suite d'états internes, ces états mentaux peuvent être redécrits comme des états cérébraux, enfin le comportement d'un sujet est l'effet d'une interaction entre des causes mentales intérieures    105

Note sur la métaphysique           111

5. LES DOCTRINES DU MATÉRIALISME PSYCHIQUE             120

5.1. - Les explications psychologiques ordinaires n'appliquent pas une théorie aux événements     120

5.2. - Le notion de « théorie psychologique populaire » est confuse          124

5.3. - II existe bien une théorie de l'art d'influencer la conduite des gens en leur donnant de bonnes raisons d'agir, c'est la rhétorique      128

5.4. - L'explication par des causes psychiques paraît magique les représentations sont censées agir. D'après certaines théories causalistes, une action des représentations serait concevable si les représentations étaient matérielles. Pour constituer une psychologie scientifique, il faudrait identifier une « matière psychique » (Lacan)            132

5.5. - Pourtant, lorsque les signes matériels agissent, ils agissent en vertu de leurs propriétés physiques, pas en vertu de leur sens     137

5.6. - L'hypothèse d'une efficacité symbolique du mythe (Lévi-Strauss) préfigure l'idée cognitiviste : il y aurait entre l'intentionnel et l'organique un niveau intermédiaire de l'esprit matériel ; à ce niveau du psychisme, les symboles agiraient comme des formes physiques      143

6. LA PSYCHOLOGIE DE L'ORDINATEUR          151

6.1. - Le test de Turing, qui est destiné à établir le fait des capacités intellectuelles de la machine, ne prouve rien si l'on ne pose pas en principe la réalité des classes d'équivalence d'agents présentant les mêmes aptitudes, abstraction faite de leurs origines et des matériaux dont ils sont composés        154

6.2. - La comparaison entre l'intelligence humaine et l'intelligence artificielle se donne un opérateur humain qui suit des règles explicites             161

6.3. - On ne peut pas donner des règles à un sujet s'il n'a pas des aptitudes pratiques primitives : l'explication s'arrête là où l'action doit commencer (Wittgenstein), le point final du raisonnement pratique est le point initial de l'action (Aristote)        168

6.4. - Certaines objections élevées contre la classification fonctionnelle des agents intelligents sont fondées sur une idée insuffisante de la nature des systèmes. Un simple assemblage dépourvu d'organisation, comme la Chambre chinoise de Searle, n'a pas de comportement propre, de sorte que la question de son intelligence ne se pose pas    176

7. L'INTÉRIEUR ET L'EXTÉRIEUR 186

7.1. - En psychologie, l'explication fonctionnelle rend compte de la structure du comportement d'un système animé dans un milieu complexe. La théorie psychologique dite du « fonctionnalisme causal » est étrangère à toute analyse structurale, et ne propose donc pas de véritables explications fonctionnelles    186

7.2. - Les « sciences de l'artificiel » (Herbert Simon) sont en fait les sciences des systèmes (naturels ou fabriqués) considérés dans leurs capacités d'adaptation       194

7.3. - L'explication fonctionnelle est de type holiste quand elle étudie la fonction des parties dans le tout, du point de vue d'une conduite rationnelle de ce tout dans le milieu externe, elle fait abstraction de la structure interne de ces parties     203

7.4. - Si la psychologie est une science de l'artificiel, c'est parce que l'objet de cette psychologie, le comportement des systèmes animés, n'est pas étudié comme un effet des structures de leurs milieux internes, mais comme une réponse des systèmes animés à la complexité de leurs milieux externes .. 209 La condition de l'esprit n'est ni l'intériorité, ni la subjectivité, ni la puissance du calcul, mais c'est l'autonomie dans la détermination des fins de ses entreprises         217

8. L'ESPRIT MÉCANIQUE   224

8.1. - L'analogie de l'ordinateur est appelée à fournir une médiation entre les procès physiques (dont l'explication est causale) et les procès mentaux (dont l'explication est intentionnelle). Cette médiation est trouvée dans l'idée que l'ordinateur accomplit un calcul, au sens d'une transformation rationnelle de formules physiques      225

8.2. - L'idée de calcul permettrait de résoudre les deux grandes difficultés d'une théorie mécanique de l'esprit, qu'on peut appeler le « problème de Brentano » (comment expliquer des événements physiques par des contenus intentionnels ?) et le « problème de Sherlock Holmes » (comment une suite mécanique d'états mentaux peut-elle être en même temps un raisonnement ?)  228

8.3. - Toute théorie mécanique des représentations mentales internes doit faire la preuve qu'elle n'a pas besoin d'un mécanisme intelligent (homoncule) pour manipuler ces représentations en fonction de leur contenu représentatif     234

8.4. - Première défense d'une psychologie mécanique par la décomposition du travail intellectuel à fournir en opérations de plus en plus faciles. Toutefois, le besoin d'un homoncule ne tenait pas à la difficulté des opérations cognitives, mais à leur intentionalité            237

8.5. - Deuxième défense : par la redescription du travail intellectuel en calcul mécanique, donc en travail physique. Mais le travail physique qui est alors décrit est un travail cérébral, de telle sorte que c'est le cerveau qui devient le sujet des opérations mentales (dualisme du cerveau et du corps)        242

8.6. - La description des activités d'une personne ne peut pas se faire en dehors d'un contexte narratif. Ce principe d'intelligibilité, qu'on trouve chez Wittgenstein, était reconnu dans la tradition aristotélicienne (« les actions se disent de sujets concrets »). C'est ce principe qui permet de comprendre pourquoi les dualismes de l'âme (spirituelle ou matérielle) et du corps sont condamnés à l'incohérence 248

9. EXERCICES DE CÉRÉBROSCOPIE       258

Si les croyances et les désirs étaient des états du cerveau de la personne, on devrait pouvoir, en principe, déterminer ce que croit ou ce que désire quelqu'un en examinant son état cérébral. Cette supposition apparaît incohérente

10. LA MÉTAPHYSIQUE DES ÉTATS D'ESPRIT 272

La philosophie mentale emprunte son concept d'état à la métaphysique des sciences naturelles. Un état est une condition interne de la chose à tel instant. Cette condition est indépendante de l'état du monde extérieur à cette chose, ainsi que de son passé. Pour être conformes à cette métaphysique, les états d'esprit doivent être redéfinis comme les « états étroits » d'une psychologie solipsiste

11. LE DÉTACHEMENT DE L'ESPRIT        287

Selon ses défenseurs, la psychologie mentaliste serait légitimement solipsiste. Pour eux, l'explication psychologique doit détacher l'esprit du monde, car ce qui compte est le contenu de l'esprit du sujet, pas l'état réel du monde. Or c'est ce que fait la psychologie de l'esprit-ordinateur : elle détache la pensée en la définissant comme un calcul formel. Cette défense du solipsisme méthodologique néglige de rendre compte du moment des apparen­ces : le sujet cartésien qui a suspendu son jugement continue à être confronté à des apparences

12. LES CONDITIONS HISTORIQUES DU SENS            303

12.1. - La notion d'un état mental détaché de tout contexte est incompréhensible. Les pensées ont leur contenu dans le contexte d'une tradition historique d'institutions et de coutumes       303

12.2. - Le holisme anthropologique du mental ne contredit pas le « principe de survenance », selon lequel il ne saurait y avoir de différence mentale sans qu'il y ait une différence physique. En effet, la notion même de survenance implique qu'on recon­naisse une différence d'ordre entre les états, que pose une description physique, et le sens, que restitue une description intentionnelle            310

12.3. - Dans quel cas deux personnes pensent-elles la même chose et dans quel cas pensent-elles des choses différentes ? L'atomisme du mental propose d'identifier les pensées en les individuant : il suppose qu'on peut compter les pensées une à une, comme on le ferait pour des images physiques. De son côté, le holisme du mental doit dire comment il propose d'identifier les pensées sans les individuer : il doit donner un critère d'identité pour des pensées       319