Paris, 3 août 1996.

         Cher Monsieur, cher Lévy,

         Je compte les lignes dans votre bloc-notes du 3 août. Vous en consacrez cinq à un film de Scorsese et vingt-neuf (qu’on dirait extraites du journal d’Anne Frank) au vôtre. Voilà bien la marque de votre modestie habituelle.

         Selon vous, le sous-commandant Marcos est boudé par la canaille intellectuelle. Ce serait le signe que ladite canaille est prévenue désormais contre ses illusions passées. J’admire au passage " le long et douloureux travail " de dessillement de l’ordure intellectuelle auprès duquel le crapahutage des descendant des Mayas dans la jungle est jeu d’enfant. Je le savais bien, vous et vos semblables êtes des travailleurs de force de la banquette de moleskine. Je note que vous tenez pour acquis que la révolte du Chiapas est une " chimère nouvelle " dont vous attendez avec impatience la dissipation (pourquoi ne demandez-vous pas de l’aide à Karadzic et Milosevic momentanément inemployés pour hâter cette dissipation manu militari ?). En effet, si l’on veut, puisqu’il s’agit de rien moins que de fonder une nouvelle Athènes sur les ruines de Palenque, avec rien ou presque (guère moins cependant que les héros homériques).

          Mais les choses sont beaucoup plus simples. Un tel désaveu est de très bon augure pour les révoltés du Chiapas. Puisque la canaille intellectuelle s’est toujours et honteusement trompée jusqu’à présent, je ne vois pas pourquoi elle ne se tromperait pas une fois de plus. Elle a, c’est la moindre des choses, un instinct très sûr pour la canaillerie. Il suffit donc d’en prendre le contre-pied. D’ailleurs, qui, dans ce monde, peut se vanter d’un tel certificat, qui peut se vanter de déplaire à l’ordure intellectuelle, hormis MM. Le Pen et Jirinovski évidemment (sans oublier l’abbé Pierre). On assiste à une étonnante renaissance de la diplomatie maya après sa mystérieuse disparition il y a mille ans. Le sous-commandant reconnaît lui-même qu’il fut touché par la grâce maya. Je note avec plaisir que cette diplomatie est heureusement prévenue contre Le Monde, le journal officiel de tous les pouvoirs. Tout finit par se savoir, jusqu’au fond de la jungle.

          Je vous serais reconnaissant de faire de ma part, avec votre grande langue baveuse, une grosse tache de mouillé sur la petite culotte de votre charmante femme. Comme promis je vous mets un doigt dans le cul et, je l’affirme, quand les taux d’intérêt montent d’un demi-point, le singe Minc grimpe sur la table.

         Hegelsturmführer Voyer.

M. Ripley s'amuse