L’anti-bloc-notes de Louis-Henri Brulard
(n° 17)
À
Monsieur Bernard-Henri Lévy
Paris, 28 février 1997.
Cher Monsieur et Lévy,
Devant
l’ingratitude de vos pairs, tel saint Paul qui en appelait à l’empereur Néron,
vous en appelâtes, vous, au public souverain des salles obscures. Ce souverain
vient de rendre son jugement : première semaine, 17 714 entrées, deuxième
semaine, 12 243 entrées. Je vous prédis 6 000 entrées pour la semaine
prochaine. Votre film tiendra encore moins que votre pièce. C’est injuste, car
si on le voit comme une comédie d’Aristophane, sans queue ni tête (pardon avec
beaucoup de queues et de cuisses que l’on écarte chez Aristophane), il est très
drôle. Apollon, vieilli certes, qui arrive en ballon, puis redevient astre, de
même Aphrodite dans sa barque (magnifique). L’irruption de Poséidon qui, fidèle
à sa réputation, tire des coups de revolver est très impressionnante. Athéna
est là aussi, mystérieuse. Les rôles burlesques de domestiques, pédérastes,
affairistes, guerriers éclopés abondent. Tout était réuni pour faire une
délicieuse comédie. Mais vous faites tout ce que vous faites avec le sérieux
imperturbable du négociant. On ne rigole pas tous les jours dans le commerce.
Je doute que votre ami Lagardère soit un joyeux drille non plus que votre ami
Pinault-cul. Vous serez donc jeté en pâture aux lions, à moins que vous ne
préfériez la croix ou le pal.
N’oubliez
pas que lorsque les taux d’intérêt montent d’un demi-point, le singe Minc grimpe
sur la table.
Hegelsturmführer Voyer.