Qui parle de se corriger ?


Posted by Jean-Pierre Voyer sur le Debord off on 25 Novembre 2000


Mes commentaires sont entre crochets
MAJ du 15 février 2003

Vous avez dit pathologique ?
Posted by contradictor le 20 novembre 2000
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Reich, mode d’emploi posted by Voyer le 19 Novembre 2000

« La nature pathologique de toute chronicité dans le comportement humain » :
Juste pendant du fameux « vivre sans temps morts et jouir sans entraves » et autres niaiseries infantiles de ce qu’il est convenu d’appeler « la pensée soixante-huitarde », laquelle comme chacun sait s’est finalement réalisée dans le consumisme zappeur et son culte de la mobilité et de la flexibilité.
A l’époque de « Reich mode d’emploi », le soi-disant « free-jazz » abolissait la chronicité dans la musique, la soi-disant "libération des mœurs" l’abolissait dans l’amour. Dans les deux cas, le résultat ne fut qu’une bouillie pitoyable et ennuyeuse. Le terrain était déblayé pour l’invasion marchande.
L’idéologie de 68 était avant tout celle de la liberté informe. « Défense d’interdire » : Les marchands avaient bien reçu le message.
Voyez la kula et son rituel impératif : Il n’y a pas de communication sans chronicité, pas de liberté sans tabou.
Ce sont aujourd’hui les maîtres du monde qui déclarent « pathologique » toute forme de communication échappant aux flux tendus de la marchandise.

Monsieur Voyer, vous corrigez-vous sur ce point?

[BEGIN] Je ne répondrais pas à ces sottises. En effet, comme le relève un intervenant du Debord off, ce monsieur lit trop les journaux et surtout gobe ce qu’ils disent. Je n’ai pas à rendre compte des sottises journalistiques, je ne rendrai compte que de ce qui me concerne. C’est l’échec de la révolte de 1968 qui a déblayé le terrain pour la réaction marchande et non pas les sottises qui se sont dites ou faites après sa défaite. C’est, par la même occasion, cet échec qui permit que tant de sottises se soient dites et faites impunément. C’est après l’échec de cette brève révolte que toutes ces sottises purent être dites ou faites et se donner libre cours pendant quelques années et se terminer par les performances remarquées de M. Dombasle et du lycéen couillu July. La prétendue pensée 68, sur laquelle n’existe aucune convention d’ailleurs, eut lieu après l’échec de la révolte de 1968, elle en exploita les ruines. La prétendue pensée 68 fut le fait de la canaille qui grouilla dans ces ruines, canaille parmi laquelle on remarque d’importants bataillons de respectables professeurs universitaires, les révoltés de la dernière heure, les preneurs de train en marche alors que ce train avait déjà déraillé. Il y a encore des crétins incapables de goûter le sel de l’inscription « Il est interdit d’interdire » qui n’est autre qu’une nouvelle forme du paradoxe du menteur. Il faut être un fieffé crétin, pour confondre la chronicité de la bronchite, par exemple, purement néfaste et surtout très gênante, avec les règles méticuleuses des rites, pleinement assumées, avec les tabous parfaitement connus et parfaitement respectés, avec le temps cyclique des sociétés sauvages

— qui donnent le sens d’un monde et de ce fait qui donnent ce monde lui-même. Les sauvages sont bien moins pauvres en monde que les modernes, pour parler comme Heidegger et Weber. Ces gens que le triste universitaire tropical prend pour des bricoleurs savaient faire de leur monde cyclique un événement permanent. Dans leur temps cyclique, les sauvages ne connaissent pas la routine (chez eux, chaque instant est exceptionnel, magique), la routine qui tient lieu de réalité, selon Musil, dans ce monde qui ne connaît que la richesse en argent. La richesse en monde n’est pas la richesse en argent. Quelle est la richesse en monde d’un Messier ou d’un Arnault ? La richesse en monde est la richesse en esprit. Faut-il donc rappeler, encore une fois, que l’argent est l’esprit d’un monde sans esprit, ce qui signifie que l’esprit a déserté tout individu particulier, comme Marx l’a si bien vu : l’argent n’apporte aucune qualité à l’individu et n’en nécessite aucune (Grundrisse). Quelles qualités ont un Messier ou un Arnault ? La réponse est chez Musil (ne faites pas de contresens sur homme sans qualité, homme sans qualité signifie chez Musil homme sans profession, les seuls qui parviennent encore à posséder quelques qualités individuelles, tel Ulrich von. « Qualité » dans le titre du roman est au pluriel, mais un homme peut avoir plusieurs professions ou fonctions. Il s’agit du sens du mot dans l’expression ès qualités où qualités est toujours au pluriel. Ulrich von est un véritable bobo, bourgeois et bohême, ce que ne sont pas les prétendus actuels bobo, ni bourgeois ni bohème, évidemment, mais Youpis. N’est pas bourgeois qui veut, bohème non plus. Imaginez vous Ulrich von en patins à roulettes) —

sans parler du laboureur qui doit semer chaque année. Au contraire, la chronicité de la conduite est tellement peu assumée, qu’elle est, contrairement à la chronicité de la bronchite, inconsciente et indolore (elle a justement été fabriquée pour supprimer la douleur et l’angoisse). C’est précisément la thèse de Reich. Contrairement à la psychose dont la gêne engendrée par les symptômes conduisent le patient à consulter, dans la chronicité des conduites, aucun symptôme n’est ressenti. Tout baigne dans l’huile. Ainsi, comment pourrait-on vouloir se libérer d’un mal qu’on ignore ? Quel rapport avec les petits salauds gauchistes qui prétendaient se libérer mais en fait ne voulaient que des places à leur image ? Quel rapport avec les dix millions de grévistes de 1968 surtout ? Ce qui m’intéressait dans la théorie du caractère de Reich, c’est qu’il décelait une maladie qui d’une part s’ignorait et qui d’autre part était commune à tous, comme l’esclavage aujourd’hui. Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés. L’esclavage a été aboli, n’est-ce pas ? de même que la religion a été remise à sa place et que règne la divine laïcité. J’ai lu récemment que la laïcité était le comble de la religiosité puisque la laïcité ne prétend rien moins que d’avoir définitivement réglé la question de la religion. On a bien vu comment récemment, on a vu récemment le retour du refoulé, et avec quelle violence. On peut admirer aussi la beauté de la civilisation qui prétend avoir réglé définitivement la question de la religion (et du même coup définitivement réglé la question de la démocratie. C’est ici la démocratie, n’est-ce pas ? Et bien sautons !) : eat pizzas, watch TV, increase your penis ! Ainsi les esclaves prostitués ignorent qu’ils le sont et se croient libres, du moins une certaine catégorie de ces esclaves : les Youpis. Aux tours les Youpis. Heureusement, tous les esclaves ne sont pas des Youpis, tous ne sont pas fiers de leur soumission

— youpi ! youpi ! c’est le cri des fiers Youpis, et moi, quand Mohammed fout le World Trade Center par terre, je m’exclame aussi youpi ! youpi ! C’est bien ce que veulent les infâmes Youpis, que toute le monde crie avec eux youpi ! youpi ! pour exprimer son adhésion à ce monde merveilleux, pour exprimer la joie dans la soumission. Aussi, quand le super Youpi maire de Youpiville se prend un bon coup de couteau au cours d’une de ses stupides fêtes sinistres où se pressent cinq cent mille Youpis conformes, cinq cent mille prétendus innocents, je laisse éclater ma joie et je m’exclame youpi ! youpi ! Pour ceux qui l’ignoreraient, je rappelle qu’innocent signifie étymologiquement incapable de nuire. Or le Youpi nuit gravement à la santé, à la mienne en particulier. C’est pourquoi plus il en crève, plus je suis content. Le bon Youpi est le Youpi mort. Le mot d’ordre n’est plus enrichissez vous mais amusez vous —,

certains en ressentent une gêne (quoiqu’ils en soient généralement empêchés par toutes les gênes et vexations particulières comme faites exprès qui les occupent à plein temps : échéances des traites, endettement, menace de chômage, misère conjugale etc.) Mais qui voulez-vous qu’ils consultent ? Le sens de chronicité dans ma phrase est en fait chronicité au sens de bronchite chronique et de plus chronicité inconsciente, non assumée, qui passe inaperçue. Ensuite, tandis que rites, tabous etc. sont des instituions sociales et que la coercition qu’ils manifestent sont le fait de choses sociales et donc ressenties comme tels par l’individu, la chronicité des conduites est propre aux individus. Certes elle est d’origine sociale, c’est une défense engendrée par un certain état de la société mais la coercition est totalement intériorisée, personnalisée et de ce fait inconsciente. Tandis que les interdits sociaux sont ressentis comme tels par l’individu, la chronicité des conduites sont au contraires une permission qu’il s’est fabriquée, permission qui peut d’ailleurs aboutir au permis de tuer. Le sadique est sadique, il aime ça, il ne songe absolument pas à se soigner. Avez vous constaté la moindre gêne chez un serial killer ou, si vous préférez en français, tueur chronique ? Ce qui étonne chez ces gens est leur parfaite tranquillité d’esprit. La violence de leurs actes leur procure une paix intérieure totale. On comprend qu’ils ne songent pas un instant à remettre en cause cette violence qui est leur Prozac, quoique non remboursé par la SS. Quand cette permission atteint de telles extrémités, elle est perçue par l’entourage comme pathologique tandis que dans le cas du caractère, elle n’est pas plus perçue par l’entourage que par l’intéressé. Les tabous sont perçus comme tabous et éventuellement violés ou renversés comme tels ; les conduites chronique ne le sont pas. Les tabous sont perçus comme choses sociales (ou décrets divins, c’est la même chose), les conduites chroniques ne sont pas perçues du tout. Elles ne sont ni perçues, ni renversées. Du fait de leur invisibilité, elles sont non renversables. Chassez le naturel, il revient au galop. C’est mon caractère dit le scorpion. Autrement dit, ça peut durer longtemps. Reich attire l’attention sur l’aspect normal de cette pathologie, exactement comme l’esclavage prostitué l’est aujourd’hui, comme l’esclavage tout court devait l’être également pour les Grecs et les Romains. Ce qui m’intéressait dans cette pathologie mise en évidence par Reich, c’est son caractère d’invisibilité, de normalité. Une fois mise à jour par Reich, cette invisibilité de la pathologie, cette absence de symptôme constitue un intéressant symptôme de la maladie du monde. Il faut lire et surtout comprendre avant de demander aux gens s’ils comptent se corriger. [END]

Mais le marché existe, lui.
Posted by contradictor le 11 septembre 2000 !
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Négation de l’économie posted by Voyer le 8 septembre 2000

[BEGINQuel rapport avec l’existence de la prétendue économie? Le marché est un pur phénomène de communication. C’est même un très bon exemple de communication. [END]

Ce n’est pas l’économie politique qui a détrôné la religion, mais le commerce,

[BEGIN] Je ne dis rien d’autre. Je l’ai écrit et publié il y a 25 ans. [END]

et il avait commencé à le faire bien avant que l’économie politique n’existe.

[BEGIN] je ne dis rien d’autre. Je l’ai écrit et publié il y a 25 ans. [END]

Ce n’est pas l’économie qui a pris la place de Dieu, mais l’argent.

[BEGIN] D’abord l’argent existe et Dieu non quoiqu’il soit cependant très puissant, que Ben Laden me pardonne. L’argent, qui est un rapport social, n’a pas pris la place de Dieu, qui ‘est l’objet d’une croyance, il a pris la place d’autres rapports sociaux, plus précisément le moment de la reconnaissance dans ces rapports sociaux. Dieu n’est d’ailleurs pas une croyance mais l’objet d’une croyance. L’argent n’est ni une croyance ni l’objet d’une croyance. Il ne peut donc pas prendre la place d’une croyance ni celle de l’objet d’une croyance. Mais l’économie qui est non pas une croyance mais l’objet d’une croyance (exactement comme Dieu) a pris la place de Dieu dans la propagande (et seulement dans la propagande, notez bien). Et la propagande a remplacé la religion. L’économie tient, dans la propagande, la place que Dieu tenait dans la religion. Avec le développement du commerce au cours des deux derniers siècles, la propagande s’est privatisée, elle est elle-même devenue un acte de commerce et non plus un acte des bureaux du roi de Prusse, bureaux que Marx attaqua spirituellement au début de sa carrière. Le spectacle dont parle Debord n’est rien d’autre que la propagande privatisée, la propagande devenue acte de commerce, rentable et bonne fille contrairement au roi de Prusse, à sa censure et sa police. C’est l’éloge du commerce qui est devenue une des activités les plus rentables du commerce, une des plus florissantes industries, c’est l’éloge du commerce qui est la principale activité des Youpis. Ce n’est pas ce qui était directement vécu qui s’est éloigné dans une représentation mais le commerce et ce qui est vécu dans le commerce. Le commerce se met en scène, le commerce fait son cinéma. Il n’empêche que la représentation de tout ce qui est vécu par les prostitués dans le commerce n’est pas tout le commerce. Le commerce, dans sa plus grande part est secret, très secret et ne paraît jamais. Il est la chose des commerçants. Seul paraît ce qui est vécu par les prostitués, par certains prostitués, seul paraît ce qui est vécu par Karl Zéro. [END]

L’argent est une croyance.

[BEGIN] L’argent n’est pas une croyance, c’est, comme le dit Marx, un rapport social et, comme tous les rapports sociaux, il repose sur la confiance, il repose sur la foi mais il n’est pas lui même un croyance. Il repose sur une croyance mais il n’est pas lui-même une croyance, ni un objet de croyance mais une chose générale implacable, un être collectif intrinsèque implacable, coercitif dirait Durkheim. C’est à la coercition qu’on reconnaît les choses générales. Et cette chose générale est la plus coercitive de toutes. La foi sur laquelle repose cette chose générale (la foi en l’argent) est totalement imposée, personne ne peut s’y soustraire (Diogène ou Saint Antoine peut-être), c’est une foi assez particulière, une confiance assez particulière, puisque c’est aussi une certitude absolue, la seule que connaisse le genre humain avec la certitude de la mort. C’est une confiance forcée. De même que Descartes ne pouvait douter qu’il doutait, personne ne peut douter de l’argent. S’y soustraire, comme les sages, peut-être, en douter, non, impossible. C’est ni plus ni moins la révélation indubitable du genre humain et de sa puissance. C’est le super cogito du genre. Personne ne peut le mettre en doute.[END]

Ou comme disent les prudes économistes : "une convention sociale". Ce sont les hommes, ou du moins certains hommes qui ont fait l’argent, tout comme ce sont les hommes, ou du moins certains hommes qui ont fait Dieu (et l’origine des deux choses est aussi mystérieuse).

[BEGIN] Je ne dis rien d’autre et je l’ai déjà écrit et publié (et Feuerbach, Marx, Durkheim et certainement bien d’autres avant moi) quoique je ne pense pas que l’argent soit une convention sociale mais une chose générale qui existe de facto et non pas du fait d’une convention. L’argent est un fait accompli au même titre qu’un tabou chez les sauvages. Personne ne sait qui a accompli ce fait ni quand. L’argent n’est pas une convention mais un coercition, coercition qui de plus ne résulte d’aucune convention. Les lois, bien que coercitives, reposent sur des conventions et La Convention siégea pour établir la Constitution, la mère des lois pour parler comme Saddam Hussein. Ce n’est pas le cas de l’argent qui est enfant de Bohème et n’a jamais jamais connu de lois et n’en connaît toujours pas. L’argent est ce qui est libre et lui seul est libre dans ce monde. Mais le fait que les hommes ont fait Dieu et l’argent n’implique pas que l’argent soit un objet de croyance comme Dieu et seulement un objet de croyance. Contrairement à Dieu, l’argent est une chose générale. Dieu est seulement une allégorie. Cette allégorie est incarnée par une religion qui, elle, est aussi une chose générale presque aussi puissante que la chose générale argent. Aujourd’hui, Allah soit loué, on voit la chose générale religion combattre d’égale à égale avec la chose générale argent. Ce genre d’allégorie est employée, précisément, pour traiter des choses générales. Dieu fut la manière dont les hommes, avant le grand Hegel, ont traité des choses générales, précisément (thèse de Durkheim). C’était la seule manière, avant Hegel, qu’ils avaient trouvée pour traiter théoriquement des choses générales et notamment de leur propre genre. Feuerbach mit cela en évidence : Dieu est une allégorie du genre humain. Les hommes ont fait Dieu aussi bien que la machine à vapeur, cela ne signifie pas que la machine à vapeur est un objet de croyance. L’argent est un rapport social et non une convention sociale. Les rapports sociaux ne sont pas des conventions, ni des contrats. Les rapports sociaux sont des êtres collectifs, des choses générales. Il n’y a de rapports sociaux que totaux. Tout rapport qui n’est pas total n’est pas social. Heil Mauss. [END]

Et pourtant l’argent existe.

[BEGIN] Quelle surprise ! [END]

La croyance existe, et non pas comme une superstition quelconque que l’on serait libre d’adopter ou de rejeter, mais comme mode d’organisation sociale.

[BEGIN] Contradiction avec ce qui précède : si l’argent est un mode d’organisation sociale, ce que je pense aussi, comment peut-il être une croyance ? Les croyances ne sont pas des modes d’organisation sociale même si elles jouent un rôle éminent dans les organisations sociales et notamment dans l’argent. Ce qu’est par contre une religion (étymologiquement d’ailleurs). Une religion est un mode d’organisation sociale, c’est pourquoi quelqu’un, qui au Moyen-Age vivait quasiment dans une religion ne pouvait pas ne pas y vivre, de même qu’un poisson qui vit dans l’eau ne peut pas ne pas y vivre. Pour que quelqu’un puisse prendre la liberté de vouloir vivre hors de la religion, il faut auparavant que la religion ait été attaquée, c’est à dire qu’un autre mode d’organisation sociale se soit développé dans le monde, le commerce par exemple et offre une alternative au poisson. [END]

Toute organisation sociale est fondée sur une croyance.

[BEGIN] Non. Les croyances jouent certes un rôle dans les organisations sociales mais pas celui du fondement. Toutes les sociétés sont fondées sur l’apparence. C’est parce que l’apparence (le phénomène en tant que phénomène) existe que des choses générales existent. Pas d’apparence, pas de choses générales. [END]

L’idée d’une société fondée rationnellement et où chaque chose existerait selon son concept, cette idée est elle-même une croyance,

[BEGIN] Certes, mais c’est hors du sujet. [END]

et pas la plus bandante. Je préfère encore Georges Bataille qui, pour en finir avec l’économie, appelait de ses vœux l’apparition d’un nouveau mythe.

[BEGIN] Certes, mais c’est hors du sujet. Durkheim appelle lui une nouvelle religion, la religion de l’individu [END]

Les hommes du Moyen-Age n’étaient pas libres de croire ou de ne pas croire en Dieu.

[BEGIN] J’ai déjà répondu plus haut à ce point. Le fait de ne pas pouvoir ne pas croire en Dieu ne provient pas de la terrible puissance de Dieu, ou de la terrible puissance de la croyance en Dieu, mais de la terrible puissance de l’organisation sociale où a lieu cette croyance (coercition dit Durkheim) et qui nécessite cette croyance et où l’on honore l’objet de cette croyance. Pour que l’on puisse s’aviser de s’attaquer à la croyance et à l’objet de la croyance, il faut d’abord que l’organisation sociale ait été attaquée ; c’est à dire qu’une autre organisation sociale ait commencé à s’implanter. La prétendue lutte de classe de Marx est certainement une de ses plus calamiteuses erreurs. Il n’y a jamais eu de lutte de classe que de classes dominantes. Même les hoplites furent priés d’être libres et de venir habiter à la ville pour y subir quotidiennement l’entraînement militaire et cela de la part de la classe dominante de l’époque. De même ce n’est qu’après des siècles de patiente implantation que le commerce et les commerçants ont pu taper du poing sur la table. Ils étaient déjà dominants quand ils s’avisèrent de le faire reconnaître partout et par quiconque en s’abritant allègrement derrière toutes sortes de belles illusions savamment entretenues, liberté, égalité, fraternité. [END]

"Je prie Dieu qu’il me fasse quitte de Dieu" (Eckhart). Dieu était au centre de la société qui, elle, existait, avec ses bûchers et ses inquisiteurs, mais aussi ses anabaptistes et grands mystiques. Un ethnologue qui étudie les sociétés dites primitives ne se soucie pas de savoir si l’esprit des ancêtres existe ou non, si c’est une "idée vraie" ou un "mensonge". Il se borne à constater que l’esprit des ancêtres est le pivot de l’activité sociale.

[BEGIN] Ce qui n’est pas le cas de l’économie d’une part parce que l’ethnologue ne croit pas un seul instant à ce que croient les gens qu’il prétend étudier, contrairement à vous, et d’autre part parce que la croyance à l’existence de l’économie n’est pas le pivot de la société dans laquelle nous vivons, c’est seulement un secteur de la propagande apologétique. L’ethnologue qui prétendrait constater que la prétendue économie est le pivot de l’activité sociale serait seulement un imbécile ou un menteur (les cas de truquage sont hélas nombreux dans la brève histoire de l’ethnographie). Enfin l’ethnologue n’est pas là pour détruire une société dans laquelle il ne vit pas, bien qu’il contribue néanmoins à la détruire, tandis que moi, je vis dans cette société qui tente de me détruire et mes préoccupations ne sont pas celles d’un ethnologue. Je me réjouis quand des Arabes fanatiques bombardent New York. Je me réjouis quand les Arabes détruisent ce qui me détruit. Enfin, la croyance à l’existence de l’économie est un fait social digne d’être étudié mais cette croyance est aussi une croyance néfaste que j’entends combattre, contrairement à vous. Et, encore une fois, cette croyance néfaste a lieu dans la société où je vis et non chez les Papous. [END]

Si Sade et Marx ont pu dire : "Dieu n’existe pas", ce n’est pas en vertu d’un subit progrès de l’intelligence humaine, mais simplement parce que le commerce étant désormais au centre de l’organisation sociale, Dieu n’existait plus que comme croyance particulière.

[BEGIN] Je ne dis rien d’autre. Marx dit à ce sujet, que dans la libre Amérique, contrairement à la Prusse, la religion est devenue une affaire privée, particulière. Pour que Dieu et la croyance en Dieu soient attaquées dans la pensée, il faut que la religion ait d’abord été attaquée dans le monde. Je l’ai écrit déjà dans mon Enquête, il y a 25 ans. Si Sade et Marx ont pu dire Dieu n’existe pas, c’est parce que le commerce et les commerçants avaient déjà attaqué, par leur pratique, non pas Dieu, non pas la croyance en Dieu, mais la société basée sur la religion, mais la pratique sociale qui nécessitait la religion ; et dans les faits, pas dans la pensée : une pratique sociale, le commerce a attaqué une autre pratique sociale dans le monde avant que l’on puisse l’attaquer dans la pensée. La théorie vient toujours après la bataille ou après la fête. Quand Hobbes établit sa théorie, les jeux sont déjà faits. [END]

D’ailleurs, Sade et Marx se sont empressés de remplacer la croyance "Dieu" par la croyance "nature" et la croyance "matière".

[BEGIN] Je ne dis rien d’autre. Selon moi la nature, la matière n’existent pas plus que Dieu ou l’économie, ce ne sont que des notions, elles n’existent que comme notion. C’est la base de ma critique de Marx et de Debord, foutus matérialistes. La nature et la matière sont des hypothèses inutiles, de pures commodités dirait Wittgenstein. C’est pourquoi je m’appuie sur Hegel qui lui n’oublie pas le rôle des croyances. C’est la base également de la critique du scientisme par Wittgenstein pour qui la causalité est une superstition. Le scientisme a remplacé la religion. [END]

La culture a horreur du vide de croyance.

[BEGIN] Je ne dis rien d’autre. Ben Laden le prouve. Merci Ben Laden. Voilà un homme cultivé. [END]

Aujourd’hui, je peux dire et répéter "l’argent est une croyance" sans pour autant être libre de m’en défaire.

[BEGIN] Ce qui est bien la preuve qu’il n’est pas une croyance ; mais un rapport social coercitif au même titre que la religion. Vous pouvez répéter des sottises à longueur de temps, vous n’en serez pas plus libre pour autant. Mais par contre, vous pouvez refuser d’obéir, quand vous voulez et même un peu trop tôt, comme Giordano Bruno. [END]

Et tous prient l’argent qu’il les fasse quitte de l’argent.

[BEGIN] Où avez vous vu ça : Pompidou des sous ! Tu parles Charles. Ah ! si les croyants avaient eu la même soif de Dieu que les mécréants d’aujourd’hui ont soif d’argent. [Allah n’avait pas encore frappé quand j’écrivais cela ! Il y a toujours des croyants qui ont terriblement soif ! Nous avons vu la soif de Dieu attaquer la soif d’argent. C’est pas beau çà ?] Ce qui est une preuve supplémentaire que l’argent n’est pas une croyance ou l’objet d’une croyance. Comment avoir soif de l’objet d’une croyance si l’on n’est pas Pascal ou Ignace de Loyola ? Tandis que le premier troufignon venu aujourd’hui a soif d’argent, comme ce jeune homme japonais dans le film Tampopo qui, dans un restaurant français au Japon, déclare s’être réveillé le matin avec "soif de corton charlemagne" tandis que le rouge de la honte envahit le front de ses supérieurs qui ont commandé une sole arrosée de bière Heinneken. Et cela parce que, contrairement à Dieu, l’argent est la chose même, la certitude faite chose. Comment l’objet d’une croyance, Dieu, pourrait-il rivaliser avec la chose même. [Nous l’avons vu depuis] C’est l’argent qui répond à Kant, ce n’est même pas Hegel. Et à Moïse [END]

Cela dit, il y a des choses qui ont changé depuis 1978. Il n’est plus nécessaire aujourd’hui de démontrer que la "production" et la "satisfaction de besoins matériels" ne sont que des vues de l’esprit.

[BEGIN] Vous êtes pourtant la preuve vivante que si ! [END]

La dite "nouvelle économie" ne produit rien.

[BEGIN] La prétendue ancienne non plus, vous n’aviez pas remarqué ? Comment quelque chose qui n’existe pas pourrait-il produire la moindre chose ? Gros malin, il vous faut l’invention par la canaille apologétique de cette ridicule "nouvelle économie" pour admettre que La Production est une vue de l’esprit. Mais la croyance, et non pas l’objet de la croyance, produit, elle. Elle produit du bruit dans la tête, dans la vôtre notamment. [Elle bombarde aussi New York, avec quel brio] [END]

Chacun sait que "produire des biens immatériels" veut dire : vendre du vent.

[BEGIN] bla bla sans intérêt. Produire des biens matériels ou immatériels se fait tous les jours que Dieu ne fait pas, à chaque instant. Quel rapport avec la prétendue existence de La Production. [END]

Les vieilles justifications économistes sont devenues superflues.

[BEGIN] Ah oui ; à tel point qu’il en faut des nouvelles, et bientôt des nouvelles nouvelles etc. Agitez-vous vos quatre petites mains comme le singe Minc [END]

La seule "loi" qui demeure est : se faire le maximum de fric le plus vite possible.

[BEGIN] Tiens Guizot n’a donc jamais prononcé le célèbre "Enrichissez-vous". Quelle nouveauté ! Je constate que vous n’avez pas lu "Les petits Bourgeois" de Balzac. Et quel rapport avec l’existence de La Production ou de la prétendue economy ? [END]

Il n’est plus question de "lutter contre la pauvreté" ni de "répartir les richesses" mais, explicitement, de faire en sorte que ces salopards de pauvres restent à leur place.

[BEGIN] Bien fait. Tant mieux. Le masque tombe. Mais quel rapport avec l’existence de La Production ou d’economy ? "lutter contre la pauvreté" et "répartir les richesses" est l’objet et la prétention de l’économie politique et déjà de la théorie utilitariste (le plus grand bonheur pour le plus grand nombre) mais n’est pas le fait d’une prétendue économie. Qu’est-ce qu’un fait social dont on pourrait décider par pur caprice qu’il doit avoir lieu ou ne pas avoir lieu alors que le fait social se distingue par son pouvoir coercitif ? [END]

Plus besoin de prêchi-prêcha utilitariste,

[BEGIN] Il y en a pourtant des tonnes qui sont déversées chaque jour [END]

mais le simple : "C’est comme ça et ça ne peut pas être autrement".

[BEGIN] Bien fait. Tant mieux. Le masque tombe. Mais quel rapport avec l’existence de La Production ou d’economy ? Sinon, justement que c’est comme ça à cause de l’économie. On ne peut rien faire d’autre à cause de la sainte économie qui ne le permet pas etc. [END]

Du reste, on invoque de moins en moins "l’économie" mais "le marché".

[BEGIN] C’est bien la preuve qu’on en arrive à la question cruciale de la communication. Les marchés, au pluriel, sont même pure communication. C’est ce qui leur est reproché par les vertueux. [END]

Tout ce qui arrive est en vertu ou à cause du marché.

BEGIN] C’est à dire en vertu ou à cause de la communication [END]

Or le marché, lui, existe.

[BEGIN] Donc la communication existe [END]

Il n’existe même quasiment plus que lui. Et pourtant, le marché est aussi une croyance.

[BEGIN] Non. Je n’en dirais pas plus. Le marché n’est pas une croyance même s’il met en œuvre des croyances et la confiance (la foi). La religion met en œuvre des croyances mais elle n’est pas cependant elle-même une croyance, mais un fait social, une chose générale. Vous confondez tout. [END]

Il a fallu quelques siècles et une forte dose de croyance pour que l’eau, l’air, la conversation, les cellules humaines deviennent des objets de commerce, c’est à dire que le culte du marché s’impose contre les dernières réserves morales qui lui barraient encore la route.

[BEGIN] Nous nous éloignons du sujet. Ceci dit, bien fait, tant mieux. Le masque tombe. Marx s’en réjouissait déjà dans son discours sur le libre échange. Merde à la philanthropie. [END]

En 1944, Karl Polanyi écrivait avec un soulagement prématuré que "l’idée d’un marché s’ajustant lui-même était purement utopique" et n’aurait pu "exister de façon suivie sans détruire l’homme et sans transformer son milieu en désert". Aujourd’hui l’utopie s’est pleinement réalisée

[BEGIN] Vous semblez ignorer l’énorme bureaucratisation étatique, non politique, au seul service du commerce, que nécessite le fonctionnement du "libre marché« ! L’Etat politique disparaît ; mais pas l’Etat, mais pas la bureaucratie internationale. De l’Etat il reste donc le pire. Voilà enfin une prédiction de Marx sur l’État qui se vérifie. Enfin, ce qui s’est réalisé, ce n’est pas l’utopie d’un marché autorégulateur mais bien la prétention à l’imposer, mais bien la prétention à en imposer l’idée, mais bien cette triste chose nullement utopique de la transformation du milieu humain en désert, et ce n’est pas fini, et vous n’avez encore rien vu, et c’est bien fait, tant mieux. Polanyi avait vu parfaitement juste : si l’idée du marché autorégulateur parvenait à prétendre se réaliser (or ça y est, elle y est parfaitement parvenue au milieu des Hourra ! qu’est-ce d’autre que la dérégulation à tout va), alors le milieu humain sera transformé en désert de la soif (il est fort possible que Polanyi ait pensé désert stricto sensu, comme les petits salauds écologistes, ces grands amis de la nature. Alors bien fait, tant mieux. Une civilisation qui comporte des milliards de prostitués et surtout tant de youpis mérite de disparaître. Mais il s’agit en fait d’un désert humain, d’un désert d’humanité qui existe déjà et pas seulement d’aujourd’hui, le seul qui m’intéresse parce qu’il est aussi le négatif de l’humanité, c’est à dire humanité quand même, tandis que le désert stricto sensu en est seulement l’anéantissement, ce qui n’a aucune importance. Pouvez-vous me dire pourquoi ce monde, avec ses larmoyants Glucksmann, ses dégoûtants papas, ne devrait pas crever ?) Simplement, il n’avait pas prévu qu’alors Allah frapperait car il ne s’agit (pas encore) d’un désert stricto sensu mais d’un désert de la foi. La foi dans l’argent a remplacé toute foi. C’est donc le désert de la foi. Rien, dans ce monde dégueulasse ne peut donner envie à un Arabe musulman de cesser d’être un Arabe musulman. [END]

et il semble bien que les conséquences pressenties par Polanyi soient exactes.

[BEGIN] Quel rapport avec notre sujet qui est : "l’économie n’existe pas« ? Et de toute façon, bien fait, tant mieux. Le masque tombe. [END]


M. Ripley s’amuse