Entretien avec Dominique Baettig sur l’affaire Dieudonné

Propos recueillis pour E&R par Alimuddin Usmani le 23 janvier 2014

Publié le  : vendredi 24 janvier

 

Dieudonné reçoit quelques soutiens de l’étranger, dont celui du politicien suisse de l’UDC, Dominique Baettig. Il a souhaité réagir, en exclusivité pour Égalité & Réconciliation, à l’acharnement du pouvoir à l’encontre de l’humoriste.

Dominique Baettig, quelle a été votre réaction lorsque le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a décidé de tout mettre en œuvre pour interdire le spectacle Le Mur de Dieudonné ?

Je suis consterné par cette ingérence massive, disproportionnée et totalitaire de l’État socialiste (gauche sociétale et droit-de-l’hommisme permettent d’imposer à la majorité et au bon sens le droit d’un individu, d’une minorité, au nom de l’abstraction de la « dignité » ou de la « discrimination ») contre un humoriste qui fait, avec un talent reconnu, son travail libertaire de désacralisation du Pouvoir quel qu’il soit. L’humour est un signe de santé mentale et sociale. Il s’appuie sur la transgression des normes imposées (toutes !) et l’aspect libérateur de la parole, de la pensée exprimée contre la force de la censure et du Surmoi social sont les principes de base de la psychanalyse.

Je suis aussi interpellé par la double morale du système politico-médiatique, qui tolère la transgression et la profanation d’autres croyances ou religions. On peut manifester seins nus dans une église catholique ou orthodoxe, caricaturer le pape en pédophile, représenter la crucifixion du Christ de manière obscène, caricaturer le prophète Mahomet au nom de la liberté d’expression, de la laïcité, mais on ne peut pas critiquer certaines autres croyances ou pratiques qui sont sanctuarisées. Deux poids, deux mesures.

En fait, l’opinion découvre brutalement que la censure existe toujours, qu’il y a des contrôles des idées et paroles sur le Net, une police paranoïaque de la pensée qui sonde vos propos, vos arrières-pensées, vos intentions. L’autocensure est la Règle absolue et gare à l’Africain insolent qui oserait l’oublier et faire rire de cette dictature féroce. En fait, il s’agit de procès de sorcellerie avec des délits non-définis (qu’est-ce que le racisme, l’antisémitisme ?) dont il faut se défendre sans pouvoir jamais en donner la preuve. Le pire, comme pour les pratiques de sorcellerie, est qu’avoir été une fois, même sans confirmation, accusé de commerce avec le Malin vous expose au risque d’être entaché toujours de cette suspicion. Les chasseurs de sorcières, comme les ligues actuelles totalitaires de la Bien-pensance, vivent de l’existence du Mal, qu’elles définissent unilatéralement et qu’elles n’ont aucun intérêt objectif à déclarer un jour inexistant.

La censure a également failli toucher la Suisse. Le 9 janvier dernier, la CICAD a publié un communiqué annonçant qu’elle ne tolérera aucun débordement antisémite lors du spectacle de Dieudonné à Nyon [1]. Le lendemain, la municipalité de Nyon a envisagé d’interdire la représentation prévue en février prochain en invoquant un éventuel trouble à l’ordre public [2] avant de finalement autoriser le spectacle. Comment la Suisse peut-elle se prémunir face à ce genre de pressions venant de lobbys communautaires ?

On pourrait espérer que la Suisse, pays de démocratie directe, de bon sens et de respect de la pluralité des idées, garantisse le libre droit à l’expression des opinions, des pensées et des croyances. A priori existe encore le droit libertaire à l’humour et à aller assister au spectacle de son choix sans passer par la censure exercée par des minorités agissantes, terroristes, moralistes en circuit fermé, qui font régner la peur, dénoncent les pensées, font irruption dans la sphère privée pour imposer leurs propres croyances et dénoncer hérétiques et mal-pensants. Les droits de l’homme seront-ils respectés en Suisse pour tous ? Il serait temps que la Justice obéisse à la séparation des pouvoirs, soit égale pour tous les citoyens, et que les accusés puissent se défendre équitablement et ne pas être déclarés coupables simplement par soupçon, amalgames, et accusations médiatiques lancées. La liberté de conscience, de croyance et d’expression sont garanties par la Constitution. Nul ne peut imposer à d’autres ses croyances et ses convictions. Faudra-t-il en plus y inscrire le droit à l’humour pour se protéger de nouveaux despotes et inquisiteurs ?

Comment jugez-vous de manière générale la prestation humoristique de Dieudonné ?

J’avoue que Dieudonné pratique un humour « hénaurme » et que j’apprécie son aspect d’histrion affranchi et insolent. C’est le contraire de l’humoriste d’État Bedos, un courtisan qui ne se moque que de ses adversaires.

Les partisans de Dieudonné expliquent que la raison principale pour laquelle il est persécuté par le pouvoir réside dans le fait qu’il fustige la mainmise des lobbys pro-israéliens sur la France et condamne la politique d’Israël. Comment jugez-vous le traitement infligé aux Palestiniens par le gouvernement de Benyamin Netanyahu ?

Bien sûr. L’accusation rituelle d’antisémitisme est un instrument de la politique de l’État d’Israël qui sert à décrédibiliser toutes ses victimes (colonisées, chassées, assassinées) et d’autre part à maintenir ou susciter un lien identitaire pour favoriser l’engagement de ceux dont l’identité juive est ainsi artificiellement réchauffée, et de s’engager en Israël ou de soutenir, dans leur vie et leur fonction de tous les jours, comme lobbyiste, la cause de cet État qui jouit d’un statut particulier au-dessus des lois internationales et des résolutions de l’ONU.

Pourriez-vous nous faire une analyse psychiatrique de Manuel Valls en observant son comportement lors de ses prises de parole en public ?

Cet ambitieux vizir qui voudrait devenir calife à la place du calife a adopté le comportement typique des minorités agissantes de la gauche sociétale : hystérie dramatisante et paranoïa susceptible, ombrageuse, absence d’humour, droit à la justice personnelle et clanique. Ce comportement n’est pas compatible avec les valeurs démocratiques (pluralité des opinions, droit à l’amnistie, droit à l’erreur) et la tradition chrétienne (pardon des péchés, droit à la Rédemption). Le rôle de l’exécutif n’est pas de prendre parti unilatéralement pour une minorité agissante et influente, mais de garantir l’égalité de traitement pour tous les citoyens.

En plus, cette surexcitation autour d’un humoriste apparaît comme une politique de diversion et d’enfumage alors que les vrais problèmes des Français s’aggravent avec la gestion sociale-démocrate de l’État (endettement, pillage fiscal, immigration dans le social, perte de la souveraineté de la France en Europe, ultralibéralisme, interventions militaires sous influence américaine, etc.). La psychanalyse est intéressante à ce sujet. Je suis en train de relire François Roustang, l’auteur de Comment faire rire un paranoïaque ? [Vals a-t-il rit une seule fois dans sa vie ?] La mission n’est pas aisée avec des personnalités méfiantes, qui recherchent activement et dans le détail les preuves de leur soupçon, sans tenir compte de la situation d’ensemble, promptes à se sentir offensées et à engager des représailles. L’État devrait se protéger des groupes victimaires qui ont une conception personnelle du droit et de la justice et ne pas leur permettre d’imposer leur norme à la majorité. Valls a failli manifestement dans ce rôle et il s’est disqualifié pour gouverner la France dans son ensemble.

Le dernier entretien sur E&R vous avait valu d’être au centre de l’attention médiatique en Suisse, suite à votre analyse de l’homosexualité. Dieudonné, de son côté, s’est déjà moqué de la Gay Pride lors d’un sketch [3]. Pensez-vous que le lobby LGBT est susceptible de menacer la liberté de parole en Suisse ou en France ?

Oui, une loi serait en préparation pour permettre de condamner tout propos homophobe. L’homophobie est un concept supplémentaire, impossible à définir autrement que de façon unilatérale, pour culpabiliser, empêcher toute critique des dérives sociétales de la gauche, qui a abandonné la critique de la loi du marché pour se concentrer sur les droits abstraits des minorités individualistes et consuméristes.

 

M. Ripley s'amuse