Négation de l'économie

MAJ 6 juin 2002 cliquer ici

 


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Posted by Voyer on September 08, 2000 at 11:44:16 AM

La négation de l'existence de Dieu
est le préalable
à la critique de la religion.

La négation de l'existence de l'économie
est le préalable
à la critique de l'économie politique
.

 

L'économie est à l'économie politique ce que Dieu est à la religion. De même que Dieu n'existe pas tandis que la religion existe et comporte de nombreux prêtres et dévots, l'économie n'existe pas tandis que l'économie politique existe et comporte de nombreux prêtres et dévots. De même que la religion est ce mensonge qui dit: Dieu existe, l'économie politique est ce mensonge qui dit l'économie existe. De même que l'on ne peut critiquer la religion si l'on n'a pas d'abord nié l'existence de Dieu, on ne peut critiquer l'économie politique si l'on n'a pas d'abord nié que l'économie existe. De même que d'autres nièrent que Dieu existât, je nie que l'économie existe. Ni Marx ni Debord ne le firent bien qu'ils prétendirent critiquer l'économie politique.

 

Marx était donc dans la situation de quelqu'un qui voudrait critiquer la religion tout en croyant à l'existence de Dieu. Il critiquerait la religion parce qu'il ne la trouverait pas à son goût. Cela s'appelle un réformateur et ce genre de critique, qui peut devenir violemment pratique, se nomme réforme. Comme je l'ai écrit ailleurs, le réformateur Marx a porté l'économie politique à son plus haut point de perfection. Il a rendu le mensonge cohérent et de cette manière il a préparé sa dénonciation, un peu comme Hegel proclamant que Dieu était un résultat, ce qui est quand même une manière de mettre en cause l'existence de Dieu.

 

Il n'y a donc pas de contradiction à affirmer que bien que Marx ait critiqué l'économie politique durant la majeure partie de sa vie, il ne réussit cependant pas à critiquer l'économie politique car il ne songea pas à nier l'existence de l'économie, prétendu objet de l'économie politique. Il réussit cependant parfaitement à critiquer la religion, car il montra, à la suite de Fueurbach, que la critique de la religion ne consiste pas à critiquer cette croyance, pas plus qu'à nier l'existence de cette croyance mais consiste à critiquer le monde qui a permis et rendu nécessaire cette croyance. De même la critique de l'économie politique ne consiste pas à critiquer l'économie politique, comme il tenta de le faire, mais à critiquer le monde qui permet et rend nécessaire cette croyance. Ce n'est donc pas seulement l'économie politique que Marx échoua à critiquer mais aussi le monde qui rend possible et nécessaire cette croyance. La prétendue critique de l'économie politique de Marx donna naissance à cette splendeur bien connue que fut le marxisme de même que la critique de la religion par Luther donna naissance à cette splendeur qu'est le puritanisme qui, aujourd'hui, bombarde à haute altitude. Il est donc parfaitement justifié de reprocher à Debord de, non seulement, s'adonner à une resucée de critique de l'économie politique sans même songer un instant (contrairement à Marx qui y songeait encore dans ses écrits de jeunesse, quand il était encore hégélien) à nier l'existence de son prétendu objet, mais encore de prétendre critiquer ce prétendu objet lui-même ce qui donne cette phrase impérissable: "Le spectacle est l'économie qui se développe pour elle-même". De même, l'Amérique, c'est Dieu qui se développe pour lui-même et qui bombarde à haute altitude. In God we trust.

 

C'est injuste pour Marx de le rapprocher de Debord, car Marx entendait critiquer (entre autres choses évidemment) seulement l'économie politique contrairement à l'homme à la théorie exacte qui prétendait rien moins que critiquer l'économie. Debord a prétendu critiquer Dieu, et ce Titan fut précipité dans l'abîme par sa vanité, car il est vain de vouloir critiquer Dieu, c'est encore lui rendre hommage.

 

Il ne s'agit pas de nier l'existence de la religion mais celle de Dieu, il ne s'agit pas de nier l'existence de l'économie politique et de ses dévots mais celle de l'économie. Il ne s'agit pas non plus de critiquer Dieu ou l'économie. Il ne s'agit pas plus de vouloir les détruire (détruire quelque chose qui n'existe pas - ce qui est impossible et ridicule) mais seulement de vouloir détruire la croyance à leur existence ce qui est non seulement plus modeste mais surtout possible. Il ne s'agit pas ici de nier l'existence d'une croyance, mais de nier le prétendu objet de cette croyance. Il ne s'agit pas non plus de critiquer le prétendu objet de cette croyance mais de critiquer cette croyance elle-même, c'est à dire, comme le voulait Marx, de montrer comment le monde rend possible et nécessaire cette croyance.

 

Evidemment, Hitler, Goebbels, Himmler voulaient aussi nier l'existence des Juifs, mais pour ce faire, il leur fallait les gazer jusqu'au dernier car les Juifs existent, eux, contrairement à Dieu ou à l'économie. Les juifs ne sont pas seulement l'objet d'une croyance même s'ils le sont aussi puisqu'ils sont l'objet de l'antisémitisme qui est une croyance.

 

Enfin, si économie politique, antisémitisme et religion sont tous trois des croyances, cela ne signifie pas pour autant qu'ils sont tous trois des religions. Il existe de nombreux mode de croyances. La religion n'est que l'un d'eux.

 

Je pensais évidemment en 1978 que l'économie politique existe et je le pense toujours. Mais je pensais déjà en 1978 que l'économie n'existait pas et je le pense toujours. De même, l'emploi du terme "économie" page 118 de mon Rapport sur l'état des illusions ne laisse aucun doute possible: il s'agit de l'économie politique et non de l'économie comme le prouve le reste du paragraphe et notamment la phrase "L'économie est la théorie utilitariste générale de ce monde..." Je n'ai donc jamais écrit que l'économie pouvait être une religion mais seulement que l'économie politique pouvait l'être (dans un sens purement métaphorique d'ailleurs). Contrairement à l'usage anglo-saxon, l'usage en français est d'employer le même mot pour économie politique et pour économie le contexte faisant le sens (en français, en effet, il y a "économie ET économie"). C'est usage est fâcheux, c'est vrai, mais cela n'empêche pas de comprendre ceux qui veulent comprendre tel cet anonyme (message non signé) qui le prouve en écrivant le 17 juin

" 1. Voyer soutient que l'économie n'existe pas. C'est son droit absolu.
2. Marx n'a pas critiqué l'économie politique malgré son effort. C'est une autre question
Aucune liaison directe entre les deux termes."

Quant aux autres, il n'est pire mal-entendant que celui qui ne veut pas entendre. Donc toute discussion avec ce genre de sourd est totalement inutile. On y perdrait son temps que l'on peut employer de plus agréable manière. Dieu nous préserve des mal comprenants.

 

J-P Voyer

 






M. Ripley s'amuse