Vous avez-dit nihiliste ?

La première occurrence du mot « nihiliste » dans la littérature

 

Plume à la fenêtre

« Il est vrai que ta chambre donnait sur le parc : merisiers, pommiers, tilleuls faisaient pleuvoir sur ta table, sur ton encrier, sur tes livres leurs fleurs légères ».

Tourgueniev. Récits d’un chasseur. Payot, 1929.

 

« Et ce monsieur Bazarov qu'est-ce qu'il est, lui ?

— Je t'en prie mon cher neveu

— C'est un nihiliste.

— Hein ? fit Nicolas Pétrovitch.

Quant à Paul il était comme figé, tenant son couteau en l'air avec un morceau de beurre dessus.

— C'est un nihiliste, répéta Arcade.

  Nihiliste ? fit Nicolas Pétrovitch. Ce mot, autant que j'en puisse juger, vient du latin nihil, qui veut dire rien ; il doit donc désigner un homme qui… qui ne reconnaît rien ?

— Dis plutôt : qui ne respecte rien, enchaîna Paul qui se remit à beurrer sa tartine.

— Qui envisage toutes choses d'un point de vue critique, rectifia Arcade.

— Cela ne revient-il pas au même  ? demanda son oncle.

— Non, pas du tout. Un nihiliste est une homme qui ne s'incline devant aucune autorité, qui n'accepte aucun principe sans examen, quel que soit le respect dont ce principe est entouré.

— Et d'après toi, c'est bien ? l'interrompit Paul Pétrovitch.

— Cela dépend pour qui, mon oncle. Il en est qui s'en trouvent bien ; d'autre fort mal.

(...)

— Les ni-hi-listes, prononça Arcade d'une voix nette.

— Ouais, autrefois, il y avait les hégélistes ; maintenant il y a les nihilistes. Nous verrons comment vous ferez pour exister dans le vide, dans le néant. Et maintenant, mon cher frère, si tu voulais sonner, je prendrais volontiers mon cacao. »

 

Père et fils, Tourgueniev, 1862 (Nietzsche avait dix-huit ans
et Dostoïevski quarante et un ans)

M. Ripley s'amuse