1285-1347 franciscain (comme mythe errant)
Traduit du latin par Joël Biard
[ LE
TERME « OPPOSÉS » ]
Après ce qui précède, il nous
faut parler des opposés. Il faut savoir que le nom « opposés »
signifie aussi bien des choses [res], en
dehors de l’âme et dans l’âme, que des signes. Mais toutes les choses en dehors de l’âme qui ne sont pas des signes, si
elles sont opposées, s’opposent seulement à la manière des contraires ;
toutefois, selon une certaine opinion, quelques-unes s’opposent aussi à la
manière des relatifs. C’est évident, car toutes les choses qui sont opposées,
ou bien sont absolues, et alors il ne peut y avoir d’opposition entre elles que
si elles sont des contraires, ce qui est patent par induction ; ou bien
sont relatives, et alors elles ne peuvent être opposées si ce n’est à la
manière de contraires ou de relatifs ; ou bien l’une est absolue et
l’autre relative, mais dans ce cas elles ne sont pas opposées. Par conséquent,
lorsque des choses se présentent de telle
manière qu’elles peuvent se succéder dans un même sujet mais ne peuvent pas se
trouver en lui en même temps, si ce sont des formes absolues, ce sont des
contraires. Cependant, comme on le dira plus bas, il y a des degrés dans une
telle contrariété.
Mais si nous parlons de
l’opposition qu’il y a entre des signes, tels que les concepts, les sons vocaux
et les signes écrits, selon les Péripatéticiens le nom « opposés » se
prédique aussi bien des termes complexes que des termes simples.
Les termes complexes peuvent
être opposés de trois façons. [1]
Certains en effet sont opposés de manière contradictoire : des
propositions ont le même sujet et le même prédicat mais l’une est affirmative
et l’autre négative. Cependant, cela ne suffit pas : il faut que l’une
soit universelle et l’autre particulière ou indéfinie, ou bien que chacune des
deux soit singulière. Par exemple, « tous les hommes sont des
animaux » et « quelque homme n’est pas un animal » sont opposées
contradictoirement, de même que « tous les hommes sont des /105/ animaux » et « un
homme n’est pas un animal », puisque la proposition indéfinie, lorsque le
sujet est pris significativement, se convertit toujours avec la
particulière ; pour cette raison, l’universelle contredit aussi bien la
particulière que l’indéfinie. De même, « aucun homme n’est un
animal » et « quelque homme est un animal », ou « un
homme est un animal », se contredisent. « Socrate est un animal »
et « Socrate n’est pas un animal » se contredisent également.
[2] Certaines propositions
s’opposent comme des contraires : l’universelle affirmative et
l’universelle négative. C’est vrai lorsque les sujets sont pris de manière
significative, autrement ce n’est pas le cas. Ainsi, les propositions
« “tout homme” est un terme commun avec un signe universel » et
« “aucun homme” est un terme commun avec un signe universel » ne sont
pas des contraires.
[3] Nous n’avons pas de nom qui
ait été créé pour le troisième type d’opposition. Il y a pourtant un
troisième type d’opposition quand des propositions ne sont ni contradictoires
ni contraires, mais impliquent des contradictoires ou que l’une implique la
contradictoire de l’autre ; pour cette raison, elles ne peuvent d’aucune
façon être vraies en même temps. Ainsi, les propositions « aucun animal ne
court » et « quelque homme court » s’opposent, mais non comme
des contraires ni des contradictoires puisqu’elles n’ont pas le même sujet.
Elles s’opposent pourtant puisque « quelque homme court » implique la
contradictoire d’« aucun animal ne court » ; on peut en effet
inférer « Quelque homme court, donc quelque animal court. »
Il ressort clairement de ce qui précède que les propositions
subalternes ♦ et subcontraires ♦ ne
s’opposent pas puisqu’elles peuvent être vraies en même temps.
♦ Exemple de propositions subalternes : « quelque homme est blanc » par rapport à « tous les hommes sont blancs » ; « quelque homme n’est pas blanc » par rapport à aucun homme n'est blanc ». Exemple
de propositions subcontraires : « quelque homme n'est pas
blanc » / « quelque homme est blanc ». |
Entre des termes simples, on trouve quatre
sortes d’opposition. Certains termes simples sont des contraires :
d’abord, ceux qui, quoi qu’ils signifient, le signifient positivement et
affirmativement, et non pas négativement (c’est-à-dire que dans leur définition
nominale ne doit se trouver aucune négation ni rien qui équivaille à une
négation), et /106/ qui en outre ne peuvent pas se vérifier simultanément du même terme mis
pour la même chose, mais seulement successivement ; ensuite, ceux qui
signifient des choses qui peuvent être inhérentes à la même chose
successivement, mais non pas simultanément, encore qu’ils ne puissent se
vérifier de la même chose, ni simultanément, ni successivement.
« Blanc » et « noir » forment un exemple du premier type,
car ces termes ne signifient rien négativement et cependant, pris
significativement, ils ne peuvent pas être affirmés simultanément dans une
proposition vraie du même terme mis pour la même chose, mais ils peuvent l’être
successivement. Cependant, comme on le dira plus bas, il y a des degrés dans
cette sorte de contrariété. « Blancheur » et « noirceur »
forment un exemple du second type, car ces termes signifient bien de telles
choses et cependant ne peuvent pas être affirmés dans une proposition vraie du
même terme mis pour la même chose, ni simultanément, ni successivement ♦. Dans ce cas comme dans le précédent, il existe des degrés dans
l’opposition.
♦ «
Blancheur » et « noirceur » signifient bien des qualités contraires, mais
alors que l'on peut affirmer en vérité successivement, quoique non
simultanément, « ce mur est blanc » et « ce mur est noir », on ne peut pas
dire, ni simultanément ni successivement, « ce mur est blancheur » et « ce
mur est noirceur ». |
Certains termes simples sont opposés en tant que privation et disposition. Ce sont des termes dont l’un signifie positivement tout ce qu’il signifie tandis que l’autre signifie quelque chose positivement et signifie négativement ce que son opposé signifie affirmativement. Cela peut se voir clairement dans sa définition nominale puisque la négation y précède la disposition qui lui est opposée. C’est de cette manière que « vue » et « cécité » se rapportent l’un à l’autre ; le terme « vue » signifie affirmativement tout ce qu’il signifie, puisque dans sa définition nominale ne doit se trouver aucune négation ; mais « cécité » ou « aveugle » signifient quelque chose affirmativement et autre chose négativement, puisque « aveugle » se définit ainsi : « L’aveugle est celui qui ne possède pas la vue que par nature il est destiné à posséder. » Quelque chose précède la négation, et « aveugle » renvoie de manière affirmative à ce que cela signifie ; quelque chose suit la négation, et « aveugle » renvoie de manière négative à ce que cela signifie. Si l’on dit que par le membre de phrase qui suit, on renvoie à cette même chose de manière affirmative, je ne m’en soucie pas ; il me suffit en effet ici qu’il y soit renvoyé négativement. Il peut se faire que par le même terme, on renvoie à une même chose affirmativement et négativement, comme on l’a dit plus /107/ haut, car par le même terme, la même chose peut être signifiée directement et de manière oblique.
Anselme [1033-1109.
Bénédictin, second abbé (après Fulbert) de l’abbaye du Bec-Hellouin]
introduit cette distinction entre signifier quelque chose de manière
affirmative et le signifier de manière négative dans La Chute du Diable, chapitre 11, où il
dit :
« Il est établi en effet que le son vocal “rien” ne diffère
nullement, quant à la signification, de ce que j’appelle “non-quelque-chose”.
Rien n’établit cela plus clairement que ne le fait par sa signification le son
vocal “non-quelque-chose” : il supprime absolument toute chose et tout ce
qui est quelque chose dans l’intellect et ne retient absolument aucune chose ni
rien qui soit quelque chose dans l’intellect. Mais puisque la mise à l’écart
d’une chose ne peut en aucune manière être signifiée sans la signification de
ce dont la mise à l’écart est signifiée — personne ne comprend en effet ce que
signifie “non-homme” s’il ne comprend pas ce qu’est l’“homme” — il est
nécessaire que le son vocal “non-quelque-chose”, en détruisant ce qui est
quelque chose, signifie quelque chose. »
Et il poursuit :
« Il signifie quelque chose en mettant quelque chose à l’écart et
non pas en établissant quelque chose. » Ensuite : « C’est
pourquoi, de cette façon, il n’est pas incompatible que le mal ne soit rien et que
le nom du mal soit significatif ; il signifie quelque chose en
l’anéantissant, si bien qu’il n’établit aucune chose. »
Par ces propos, et par de nombreux autres qu’Anselme tient dans le même traité, il paraît évident que certains termes simples signifient par suppression, anéantissement, négation, et que d’autres termes simples signifient par position et affirmation.
Il s’ensuit que la privation
n’est pas quelque chose dans une chose en dehors de l’âme, distinct d’une façon
quelconque de ce qui est positif ; ainsi, la cécité n’est pas dans l’œil,
du côté des choses, comme le dit Anselme dans l’ouvrage mentionné plus
haut :
« De nombreuses choses sont dites selon la forme, qui ne sont pas
selon la chose ; ainsi “craindre” est dit actif selon la forme du son vocal, alors qu’il
est passif selon la chose. De même on dit encore que la “cécité” est quelque
chose selon la forme du
langage ♦ alors qu’elle n’est rien
selon la chose. En effet, de même que nous disons de quelqu’un qu’il possède la
vue et que la vue est en lui, de même nous disons qu’il possède la cécité et
que la cécité est en lui, alors que celle-ci n’est pas quelque chose mais
plutôt un non-quelque-chose, et que la posséder, ce n’est pas quelque chose,
mais bien plutôt manquer de ce qui est quelque chose. Car la cécité n’est autre
que la non-vue ou l’absence de vue, là où devrait être /108/ la vue. Or la non-vue ou
l’absence de vue n’est pas plus quelque chose là où devrait être la vue que là
où elle ne doit pas être. C’est pourquoi la cécité n’est pas plus quelque chose
dans l’œil parce que la vue devrait y être [façon de parler car la vue n’est pas dans l’œil mais dans
le monde], que ne l’est la non-vue ou l’absence de vue dans la pierre,
où la vue ne doit pas être. »
♦ Au XIIe siècle déjà, |
Il est évident
dans ce texte que la cécité n’est pas quelque chose existant dans l’œil ♦ du côté des choses et que par conséquent elle
n’est nulle part, du côté des choses. Pour cette raison, ce ne sont pas des
choses en dehors de l’âme qui s’opposent par la privation ; mais ce sont
des signes, dont l’un signifie quelque chose affirmativement et autre chose
négativement, tandis que l’autre signifie quelque chose seulement de manière
affirmative.
S’opposent relativement les noms relatifs qui ne peuvent se vérifier d’une
même chose à l’égard d’une même autre chose. Cela est vrai, qu’il existe ou non
des choses en dehors de l’âme qui s’opposent relativement Ce n’est pas parce
que je parle de noms relatifs, que je nie l’existence de la relation en dehors
de l’âme, puisque « relatif » peut se dire aussi bien d’une chose que
d’un nom. Mais il est évident qu’il y a des noms relatifs, d’après les
grammairiens qui estiment que le nom relatif est l’une des espèces du nom.
Les termes simples contradictoires sont ceux dont l’un signifie quelque
chose, ou plusieurs choses, affirmativement, tandis que l’autre signifie
exactement la même chose, ou les mêmes choses, négativement, en ne signifiant
rien affirmativement. Ainsi, « homme » signifie tous les hommes
affirmativement et « non-homme » signifie [tous] ces mêmes hommes négativement, en ne
signifiant affirmativement rien de déterminé et de défini ♦. Je précise cela à cause des chicanes que l’on pourrait soulever en
disant que « non-homme » signifie un âne, du fait qu’il suppose pour
un âne lorsque l’on dit que « un âne est non-homme ». [pour les nazi,
« non-homme » signifiait juif : voilà où mènent les erreurs de
logique]
NdT :
« Non-homme » constitue l’exemple classique du nomen infinitum,
du « nom indéfini ». Les problèmes suscités par de tels noms ont
été exposés par Aristote dans le traité De l’interprétation. Pour le
Stagirite, « non-homme
n’est pas un nom [...]. On peut admettre que c’est seulement un nom indéfini
car il appartient pareillement à n’importe quoi, à ce qui est et à ce qui
n’est pas » (loc. cit., 2, 16 a 30-34). Le dernier membre de
phrase évoque la possibilité d’attribuer un tel terme à n’importe quel sujet.
Complémentairement, se pose le problème de l’équivalence entre des
propositions telles que « l’homme est non-juste » et « l’homme
n’est pas juste » (ibid., 10). Du point de vue de la sémantique des termes qui est l’objet de cette partie,
Guillaume d’Occam estime qu’un terme indéfini signifie seulement, sur un mode
négatif, ce que signifie le terme affirmatif opposé ; les suppositions
possibles du terme doivent être établies sur celle base. Il reviendra dans la
IIe partie de la Somme sur ce qu’il faut
en conclure concernant les propositions qui contiennent de tels termes :
cf.
S. L., II, chap. 12, pp. 283-286. |
♦ Brièvement :
« Le chat n’est pas un homme » n’est pas équivalent à « Le
chat est un non-homme » parce que dans le premier cas la négation porte
sur la dénotation de la proposition
et que « Le chat n’est pas un homme » est équivalent à
NON (« Le chat est un homme ») tandis que dans le
second cas la négation porte sur le concept « homme » et non sur la
dénotation de la proposition « Le chat est un homme ». Autrement
dit : la négation de « n’est pas un chat » est « est un
chat » tandis que la négation de « non-chat » peut très bien
être prout. Une fois de plus, la grammaire cache la logique.
Lumineux : tandis que l’on a non (non P) = P on n’a pas
non (non-chat) = chat car, procédons par ordre :
Il y a une infime
probabilité pour obtenir du premier coup non (non-chat) = chat. Ainsi
j’obtiens la preuve de ce que je dis en montrant que la règle de la négation
de la négation est violée : en faisant non (non (machin)) on
n’obtient pas nécessairement machin mais aussi bien prout ou
tulipe ! c’est la preuve que les deux négations (« n’est
pas… » et « est un non-… » ) ne portent pas sur le même
objet. Heil myself ! Autrement dit : le complémentaire,
inventé par de Morgan, est le complémentaire d’une extension de concept et
non pas le complémentaire d’un concept. D’ailleurs, « complémentaire
d’un concept » n’a pas de sens
mais « négation d’un concept » a un sens — rien de moins certain.
Aristote dit non-chat n’est pas un nom, ce qui se traduit dans le cas qui
nous occupe par « non-chat n’est pas un concept ». Ou alors,
non-chat n’est pas négation d’un concept mais un autre concept —.
Encore : le complémentaire d’une extension n’est pas la négation de
cette extension tandis que la négation du concept est la négation du concept
(pas certain. Un concept n’étant pas un objet selon Frege, on ne saurait le
nier. On ne peut nier que des objets). « La blancheur est blanche »
est absolument faux dit Occam. Le complémentaire ressort de la logique des
parties tandis que la négation du concept ressort de la logique de
l’appartenance. Il y a interférence de deux logiques. Il ne faut pas mélanger
les torchons et les serviettes. Les éléments de la partie complémentaire ont
échoué au test « …est un chat », alors qu’en disant que
« n’est pas un chat » est équivalent à « est un
non-chat » on prétend subrepticement qu’ils ont réussi au test « est un
non-chat » (réfléchissez deux secondes : quel est l’intérêt d’un
tel test puisque presque tout le monde, sauf les chats, réussit à ce test.
C’est le baccalauréat Jospin ! Soyez un peu honnête : jamais de votre
vie vous n’avez effectué le test « est un
non-chat ». Regardez l’usage). La grammaire n’en a que faire. Elle
s’en fout du moment que la phrase est correcte, apparemment. Après, il faut
trouver la logique sous-jacente, mais cela fatigue les fatigués de naissance,
les bons à rien. J’aimerai bien pouvoir lire une traduction du texte de de
Morgan (et de Schröder par la même occasion). À la Bolzano : ce qui est nécessaire, avec une
probabilité de 1, c’est qu’un non-chat n’est pas un chat. Ce qui est
seulement probable, avec une très faible probabilité, c’est qu’un
non (non-chat) soit un chat. Mais non-vrai est un synomyme de faux et
non faux-est un synonyme de vrai. Curiosité : Occam utilise incomplexus pour simple et
non pas simplex. Cette question n’est pas réglée. Il y a du louche. Je vais
poursuivre. La mémorable sagesse d’Aristote demeure : non-homme
n’est pas un vrai concept à cause de l’argument imparable : pour faire fonctionner la machine
conceptuelle : …est un non-homme, vous devez savoir ce qu’est un homme.
Vous ne savez pas ce qu’est un non-homme et vous le découvrez lors du
fonctionnement de la machine conceptuelle. Vous obtenez une liste à la
Prévert. Les expressions conceptuelles « n’est pas un non-chat »
et « est un chat » ont la même extension. Ils sont donc synonymes.
C’est l’axiome d’extension. En
poursuivant ma lecture, je vois qu’Ockham dénie la vérité à « la
chimère est un non-homme » non pas à cause de la portée de la négation
mais parce que cette proposition en présuppose une autre qui est
fausse : « la chimère existe » ou « la chimère est
quelque chose ». C’est décevant. Donc pour Ockham,
« non-chat » et « n’est pas un chat » sont équivalents.
Je vais poursuivre cette question quand même car Aristote dit :
« non-chat » n’est pas un nom. Dans ce cas, la plaisanterie vétérinaire est réellement
paradoxale : l’ensemble des chiens est un non-chien (n’est pas un
chien). Donc, l’ensemble des chiens est un élément de l’ensemble des
non-chiens (le complémentaire). Or, un axiome dit que les éléments d’un
ensemble inclus dans un autre sont des éléments de cet autre. Or ici,
l’ensemble des non-chiens est un élément d’un ensemble et non une
partie de cet ensemble. Un ensemble qui est un élément (appartenance)
d’un autre ensemble est-il aussi une partie (inclusion) de cet autre ensemble ?
Si oui, les chiens sont donc aussi des éléments de l’ensemble des non-chiens
et le paradoxe est donc valable. Or, d’après l’axiome de fondation, c’est non
(plus exactement, puisque cet axiome affirme que pour tout ensemble non vide
il existe un ensemble qui est un de ses éléments et que cependant ces deux
ensembles n’ont pas d’éléments communs, j’en déduis que s’il en existe un, il
est possible qu’il en existe d’autres). L’ensemble des chiens est bien un
élément de l’ensemble des non-chiens, mais l’intersection de l’ensemble des
chiens et de l’ensemble des non-chiens est vide, ce qui est la moindre des
choses puisque l’axiome de fondation a pour but d’éviter ce genre de
paradoxes : les chiens ne peuvent pas appartenir à l’ensemble des non-chiens,
mais leur ensemble, oui. Donc ce paradoxe n’est pas valable. Je crois que la question est réglée : étant donné
qu’il existe des ensembles transitifs, c’est à dire des ensembles dont tous
les éléments sont des sous-ensembles (des parties) de ces ensembles, c’est
donc qu’il existe des ensembles intransitifs dont les éléments ne sont pas
des parties de ces ensembles. C’est le cas ici, donc ce paradoxe n’en est pas
un puisqu’il repose sur une faute de raisonnement. Mon instinct ne m’a pas
trompé quand je suis tombé sur la plaisanterie vétérinaire en l’an 2000. Je
sentais bien qu’il y avait un os. Voilà pourquoi je m’intéressais à la question. Je m’étais
promis de consulter le texte d’Ockham. C’est fait désormais. Personne n’a pu
me dire avec certitude si ce paradoxe était valable ou non. |
/109/ Il faut savoir que n’importe lequel de ces
opposés est véritablement en soi un certain être positif et absolu et
qu’« être réel » se vérifie de n’importe lequel d’entre eux, pris
pour soi. Si dans la proposition « le non-être est un être », le
sujet supposait pour soi ♦, la proposition serait vraie
puisque le sujet est véritablement un être. Il est sujet et partie d’une proposition ; or aucune proposition ne
se compose de non-êtres.
♦ Et non pas pour ce qu’il signifie ;
c’est-à-dire que n’importe lequel de ces opposés est réellement quelque
chose : un concept ou un signe vocal. |
Et si l’on objecte de façon impertinente
qu’alors l’un des opposés se prédiquerait de l’autre, il faut répondre qu’il
peut hier se faire (lue l’un des opposés se prédique de l’autre, lorsqu’il est
pris non pas significativement, mais selon la supposition simple ou matérielle.
De cette manière en effet, des propositions telles que « non-mot est un
mot », « non-simple est simple », « non-partie est une
partie » sont vraies, ainsi que beaucoup d’autres, comme est vraie
lorsqu’elle est proférée la proposition « non-son est un son ». Si, en
effet, le sujet suppose pour soi, il est certain qu’il est un son car le son
vocal que je profère — « non-son » — est bien un son.
Cela suffit, maintenant, à propos des opposés, car j’ai exposé de
nombreux points qui sont ici omis lorsque j’ai commenté le livre (les
Catégories).
♦ Cf. Expositio in librum Praedicamentorum
Aristotelis, chap. 17, pp. 303-321. |