DE LA QUESTION TRANSCENDANTALE CAPITALE :
COMMENT LA SCIENCE PURE DE LA NATURE
EST-ELLE POSSIBLE ?
(Traduction Guillermit. Vrin,
1986)
§ 14
La nature, c'est l'existence des choses, en
tant qu'elle est déterminée selon des lois universelles. [ Cette
nature là est donc un fait et non une chose, et encore moins les
choses en elles-mêmes : c’est un fait que l’existence des
choses est déterminée selon des lois. Kant nomme ce fait nature ;
tandis que les crétins nomment « nature » une chose qui n’est
aucune chose, ce que Kant, ailleurs, nomme apparence transcendantale et ce
que Hegel nommerait une chose qu’il faut bien appeler mauvaise puisqu’elle
n’est aucune chose ] Si la nature devait désigner l'existence
des choses en elles-mêmes, nous ne pourrions jamais la
connaître, ni a priori, ni a posteriori. A priori, ce
serait impossible, car comment savoir ce qui revient aux choses en
elles-mêmes ?
Cela ne saurait se faire par décomposition
de nos concepts (propositions
analytiques), car ce que je veux savoir, ce n'est pas ce qui est contenu dans mon concept d'une chose
(car c'est à son être logique que cela appartient), mais bien ce qui
s'ajoute à ce concept dans la réalité de la
chose, et ce qui permet à la chose d'être déterminée dans son existence
en dehors de mon concept. Mon entendement,
avec les conditions qui lui sont indispensables pour lier les déterminations
des choses en leur existence, ne prescrit aucune règle aux choses en
elles-mêmes ; ce n'est pas elles qui se
règlent sur mon entendement, c'est mon entendement qui devrait se régler sur elles ; il faudrait donc qu'elles me soient préalablement données pour que j'en puisse tirer ces
déterminations ; mais en ce cas, on
ne les connaîtrait pas a priori.
/62/
A posteriori, cette connaissance des choses de
la nature en elles-mêmes serait tout aussi impossible. Car si c'est l'expérience qui doit m'enseigner les lois auxquelles
est soumise l'existence des choses, il faudrait que ces lois, pour concerner
les choses en elles-mêmes, leur reviennent de façon nécessaire même en dehors de mon
expérience. Or l'expérience m'apprend bien ce qui existe et comment
cela existe, mais elle ne m'apprend jamais qu'il faut que cela
existe nécessairement ainsi et pas autrement. Elle ne peut donc
jamais enseigner la nature des choses en elles-mêmes.
§ 15
Or
c'est un fait que nous disposons d'une science pure de la [295] nature
qui expose, a priori et avec toute la nécessité qu'on peut exiger des propositions apodictiques, des lois
auxquelles la nature est soumise. Il me suffit ici d'en appeler au
témoignage de cette propédeutique à la
théorie de la nature qui, sous le titre de science générale de la nature, précède toute physique
(fondée sur des principes
empiriques). On y trouve la mathématique appliquée aux phénomènes, ainsi que des principes uniquement
discursifs (par concepts), qui constituent la partie philosophique de la
connaissance pure de la nature. Il
est vrai qu'on y trouve également beaucoup
de choses qui ne sont pas pures et indépendantes des sources de l'expérience : telles le concept du mouvement,
de l'impénétrabilité (sur laquelle repose le concept
empirique de matière), de l'inertie, etc..., qui
s'opposent à ce qu'on la qualifie de science de la nature tout à fait
pure ; ajoutons qu'elle ne concerne que les objets des
sens externes, et par conséquent qu'elle n'est pas l'exemple d'une science de la nature générale au
sens strict, puisque c'est la nature
en général, qu'elle concerne l'objet du sens externe ou du sens interne (l'objet de la physique ou celui de la
psychologie), que celle-ci doit soumettre à des lois universelles Il n'en est pas moins vrai que, parmi les
principes de cette physique
générale, il s'en trouve certains qui possèdent réellement l'universalité que nous demandons ; ainsi la proposition : la substance demeure et subsiste ; tout ce
qui arrive est toujours prédéterminé
selon des
lois constantes par une cause etc... Ce sont /63/
là des lois de la nature réellement universelles, qui sont tout à fait a
priori. Il y a donc bien en fait une science de la nature qui est
pure, et dès lors, la question se pose : comment est-elle possible ?
§16
Le mot : nature prend encore un
autre sens, celui qui détermine l'objet, alors que le sens précédent
signifiait seulement que les déterminations
de l'existence des choses en général sont conformes à
des lois. Donc la nature, considérée materialiter,
c'est l’ensemble [ Inbegriff. Bolzano l’emploie au sens de
collection, ensemble. Kant considère, au second sens, la nature comme une
classe et non comme une chose. Les crétins considèrent la nature comme une
chose. Les crétins croient tout ce qu’on leur dit de croire. La soumission rend
con. La désobéissance aussi, hélas. ] de tous les objets de
l’expérience. C'est uniquement à celle-ci que nous avons affaire ; car autrement, pour connaître en leur nature des choses qui ne pourraient
jamais devenir objet d'une
expérience, il nous faudrait recourir à des concepts dont la
signification ne pourrait jamais être donnée in concreto (dans quelque
exemple d'une expérience possible) ; nous en serions
donc réduits à forger, sur la nature
de ces choses, des concepts tels que nous serions tout à fait incapables
de décider de leur réalité, de dire s'ils
se rapportent réellement à des objets ou s'ils n'ont d'autre existence que mentale [ Gedankendinge :
chose pensée ce qui est assez différent de « pure existence
mentale ». Je n’ai toujours pas compris ce que pouvait être une chose
mentale. Kant dit ailleurs qu’est objectif ce qui est universel, je
dirais : ce qui est commun. C’est le cas du nombre trois. Ainsi le nombre
trois, qui a, à titre d’objet commun, une pleine objectivité mondiale et…
éternelle, ne serait qu’existence mentale ]. De ce qui ne peut être
un objet de l'expérience, la connaissance serait hyperphysique ; ce n'est nullement à une
connaissance de ce genre que nous avons affaire ici, mais bien à la
connaissance de la nature, dont la réalité peut être confirmée par
l'expérience, encore qu'elle soit possible a priori et
qu'elle précède toute expérience.
§ 17
L'élément
formel de la
nature prise en ce sens restreint consiste donc en ce que tous les
objets de l'expérience sont soumis à des lois, et, dans la mesure où
on connaît ces lois a priori, en ce qu'ils leur sont nécessairement soumis.
D'autre part on vient montrer qu'on ne peut jamais connaître a priori
les lois de la nature, si au lieu d'en considérer les objets dans leur rapport
à une expérience possible, on les traite
comme des choses prises en elles-mêmes. Mais aussi bien ce n'est pas aux choses en elles-mêmes /64/ que nous avons affaire ici (nous ne décidons
pas de leurs propriétés), mais
simplement aux choses comme objet d'une expérience possible et c'est proprement leur ensemble que nous appelons ici : nature. Or voici maintenant la question que je pose lorsqu'il
s'agit de la possibilité d'une connaissance a priori de la nature, quelle est la meilleure formulation du problème ? Faut-il se
demander comment il est possible de connaître a priori la nécessaire
soumission aux lois des choses comme objets de l'expérience ? ou bien la nécessaire soumission aux lois de l'expérience
elle-même à l'égard de tous ses objets en général ?
A y bien
regarder, la solution de la question, que celle-ci soit présentée
d'une manière ou de l'autre, revient exactement au même en
ce qui concerne la connaissance pure de la nature (qui constitue
proprement le nœud du débat). Car les lois subjectives, indispensables pour que
soit possible une connaissance des choses dans une expérience, valent
également pour ces choses comme objets d'une expérience possible (assurément elles ne
valent pas pour ces choses prises en elles-mêmes, mais aussi bien ce n'est pas de ces dernières que nous nous occupons
présentement). Cela revient
exactement au même que je dise : il
est à jamais impossible qu'un
jugement de perception prenne valeur d'expérience à défaut de la loi énonçant qu'un événement dès lors
qu'il est perçu est toujours
rapporté à quelque chose d'antécédent auquel il succède selon une règle universelle - ou que je m'exprime ainsi tout ce dont l'expérience
m'enseigne qu'il se produit doit avoir une cause. [297] C'est cependant la première formule
qu'il convient de préférer. Car c'est tout à
fait a priori et avant qu'aucun objet nous soit donné que nous pouvons avoir une connaissance des conditions indispensables pour que soit possible une
expérience relative à ces objets,
alors que nous ignorons tout à fait à quelles lois peuvent être soumis les objets en eux-mêmes en
l'absence de référence à
l'expérience possible : par
conséquent la seule manière pour
nous d'étudier a priori la nature des choses, c'est de
rechercher les conditions et les lois universelles (bien que
subjectives) indispensables pour qu'une telle connaissance soit
possible comme expérience
(selon la forme uniquement),. et de déterminer en /65/ conséquence la possibilité des choses comme objets
de l'expérience. Car si je préférais
la seconde manière de m'exprimer et ;i
je cherchais les conditions a priori indispensables
pour que la nature soit possible comme objet de l'expérience, je pourrais
aisément me méprendre et m'imaginer que
j'ai à parler de la nature comme
d'une chose en elle-même, auquel cas je me verrais réduit à déployer sans fin de vains efforts pour
chercher des lois à des choses dont
rien ne m'est donné.
Ainsi c'est
uniquement à l'expérience que nous aurons affaire ici, ainsi qu'aux conditions de sa possibilité, conditions universelles et données a priori,
et c'est à
partir de là que nous déterminerons la
nature comme l'objet total de toute expérience possible. Je pense que l'on me
comprendra : je ne veux pas dire par là des règles de l'observation d'une nature déjà donnée,
lesquelles présupposent déjà l'expérience,
donc je ne veux pas parler de la manière dont (par expérience) nous pouvons,
auprès de la nature, nous instruire
des lois qui sont les siennes, car dans ce cas, ce ne seraient pas des lois a priori et elles
ne procureraient nullement une science pure de la nature ; mon propos, c'est la manière dont les conditions a priori
de la possibilité de l'expérience sont en même temps les
sources d'où il faut dériver toutes les lois universelles de la
nature.
§ 18
II nous
faut donc commencer par faire la remarque suivante il est
bien vrai que tous les jugements d'expérience sont empiriques,
en ceci qu'ils ont leur fondement dans la perception immédiate
des sens ; mais on ne saurait dire réciproquement que tous les jugements empiriques sont pour autant des
jugements d'expérience ; car outre ce qui est empirique et de façon
générale outre ce qui est donné à
l'intuition sensible, il faut encore que s'ajoutent des concepts particuliers, qui ont leur origine tout à fait a priori dans
l'entendement pur, sous lesquels chaque perception peut tout d'abord être
subsumée et grâce auxquels elle peut ensuite être transformée en
expérience.
Des jugements
empiriques, dans la mesure où ils ont validité /66/objective,
sont des jugements d'expérience ; quant à
ceux qui ne valent que subjectivement je leur
donne le nom de simples jugements de perception. Ces
derniers n'ont besoin d'aucun concept pur d'entendement, il suffit que
la perception soit liée logiquement dans un sujet pensant. Les premiers au
contraire exigent toujours outre les représentations de l'intuition
sensible, des concepts
particuliers produits de manière originaire dans l'entendement, qui ont précisément
pour résultat de faire que le jugement d'expérience est objectivement
valable.
Tous nos
jugements commencent par être de simples jugements de
perception ; ils valent uniquement pour nous, c'est-à-dire pour notre
subjectivité, et ce n'est qu'ensuite que nous leur procurons une
nouvelle relation, la relation à un objet, et que nous voulons qu'ils
soient également valables pour nous toujours et de même pour
chacun ; car lorsqu'un jugement s'accorde à un objet, il
faut que tous les jugements sur le même objet s'accordent également entre
eux, et la validité objective du jugement d'expérience ne veut
rien dire d'autre que sa nécessaire validité universelle. Mais /67/même
que par ailleurs ce qu'il peut être en lui-même nous demeure inconnu) grâce à
la liaison nécessaire et universellement valable des perceptions données
; et comme c'est
le cas (le tous les objets des sens, ce
n'est pas à la connaissance immédiate
de l'objet (car elle est impossible), niais uniquement à la condition immédiate de la validité universelle des
jugements empiriques que les
jugements d'expérience emprunteront leur validité objective, et comme nous l'avons dit, ce n'est
jamais sur les conditions empiriques, ou même sensibles en général, mais bien
sur un pur concept d'entendement que repose cette validité universelle.
L'objet demeure en lui-même à jamais inconnu ; mais lorsque, grâce au concept d'entendement, la liaison des
représentations qui sont données de cet objet à notre sensibilité est
déterminée comme valable universellement,
alors l'objet est déterminé grâce à
cette relation et le jugement est objectif.
Rendons cela plus clair. La
pièce est chaude, le sucre est doux, l'absinthe
est désagréable, ce sont là des jugements dont la valeur est simplement subjective1. Je ne prétends
nullement que moi-même je doive en
juger ainsi en tout temps ou que quiconque doive en juger comme moi ; ces
jugements expriment seulement une relation
de deux sensations au même sujet, c'est-à-dire à moi-même et encore uniquement en l'état actuel de ma
perception, et, de ce fait, ils ne
doivent pas valoir non plus pour l'objet ; ce sont de tels jugements que j'appelle - jugements de perception. Il en
va tout autrement du jugement d'expérience. Ce que l'expérience m'apprend
en de certaines circonstances, il faut qu'elle me l'apprenne en tout temps et qu'elle l'apprenne à quiconque
1. Je conviens volontiers que ce ne sont pas là des exemples
de jugements de perception qui pourraient jamais devenir des jugements d'expérience lors
même qu'on y adjoindrait un concept d'entendement, parce qu'ils se rapportent
simplement au sentiment dont chacun reconnaît qu'il est simplement subjectif et
par conséquent que l'on n'a jamais le droit de l'attribuer à l'objet, et parce que, de
ce fait, ils ne peuvent jamais devenir objectifs ; je voulais seulement pour le moment donner un exemple du
jugement qui a valeur simplement subjective, où l'on ne trouve aucun motif à lui accorder
validité universelle et nécessaire et à la rapporter ainsi à l'objet. On trouvera dans la note
suivante un exemple de jugements de perception que l'adjonction d'un concept
d'entendement transforme en jugements d'expérience.
/68/
également, et sa validité ne se restreint pas au sujet ou à son état momentané. Voilà pourquoi
j'énonce de tels jugements comme objectivement
valables. Quand je dis, par exemple : l'air
est élastique, ce jugement n'est
tout d'abord qu'un jugement de perception
où je me contente de rapporter l'une à l'autre deux sensations telles que mes sens me les procurent. Pour
que je puisse en faire un jugement d'expérience, j'exige que cette
connexion soit soumise à une condition qui la rende universellement valable. Il
faut donc que la même perception dans les
mêmes circonstances m'impose à moi en tour temps ainsi qu'à quiconque d'établir
une connexion nécessaire.
§ 20
En
conséquence, il faudra que nous analysions l'expérience en général pour voir ce
que recèle ce produit des sens et de l'entendement, et pour voir comment est possible le jugement
d'expérience lui-même. Le fondement, c'est
l'intuition dont j'ai conscience, c'est-à-dire la perception (perceptio), qui
relève uniquement des sens. Mais en second lieu intervient aussi le
jugement (qui est le fait du seul entendement). Or ce jugement
peut prendre deux formes : la première
lorsque je me contente de comparer
les perceptions et de les unir dans une conscience de mon état ; la seconde lorsque je les unis dans une conscience
en général. Le premier jugement est
un simple jugement de perception et n'a à ce titre qu'une valeur subjective ; il se contente d'unir les perceptions dans l'état de mon esprit, sans
les rapporter à l'objet. Donc, pour
qu'il y ait expérience, il ne suffit pas, comme on se le figure ordinairement, de comparer des
perceptions et de les unir en une
conscience au moyen du jugement ; car
il ne résulte de là aucune validité
universelle ni aucune nécessité du jugement, lesquelles sont indispensables pour qu'il puisse valoir objectivement
et être une expérience.
Donc il
intervient encore un jugement tout différent avant que l'expérience
se produise à partir de la perception. Il faut que l'intuition
donnée soit subsumée sous un concept qui détermine la forme du
jugement en général relativement à l'intuition, lie dans /69/ une
conscience en général la conscience empirique de cette intuition et
procure ainsi la validité universelle au jugement empirique ; un tel concept est un pur concept a priori d'entendement,
qui ne fait rien
d'autre que de déterminer de façon générale la manière dont une intuition peut servir aux jugements. Admettons qu'un tel concept soit le concept de cause :
il détermine l'intuition qui est
subsumée sous lui, par exemple celle de l'air relativement à l'expansion dans
le rapport d'antécédent à conséquent dans un
jugement hypothétique. Le concept de cause est donc un pur concept
d'entendement qui est tout à fait distinct de toute perception possible et il
sert uniquement à déterminer cette représentation qui est contenue sous
lui relativement au jugement en général,
donc à rendre possible un jugement universellement valable.
Or pour
qu'un jugement de perception puisse devenir un jugement d'expérience, il est
préalablement requis que la perception 1 soit subsumée sous un tel concept d'entendement ; par exemple l'air relève du concept de cause qui
détermine comme hypothétique le
jugement sur l'air relativement à l'expansion2. Dès lors ce n'est plus simplement comme appartenant à ma
perception de l'air dans mon état
d'esprit, ou dans plusieurs de mes états d'esprit, ou dans l'état de perception d'autrui, qu'on se représente l'expansion ; on se la représente comme lui appartenant de façon nécessaire,
et le jugement : « l'air est élastique », devient
universellement valable ; il doit sa
transformation primordiale en jugement
d'expérience à l'intervention préalable de certains jugements qui subsument l'intuition de l'air sous le
concept de cause et d'effet ; ceux-ci déterminent les perceptions non pas simplement de manière relative les unes par rapport aux
autres dans
2. Pour avoir un exemple plus facile à saisir,
que l'on prenne celui a .lorsque le soleil éclaire la pierre, celle ci devient chaude. Ce
jugement est un simple jugement de perception et ne contient aucune nécessité, si
souvent que moi-même et d'autres hommes aient perçu cela ; c'est seulement de façon habituelle que les perceptions
sont ainsi Gées. Mais si je dis : le soleil crhaujje la pierre, c'est qu'à la perception se surajoute un concept d'entendement,
celui de cause, qui rattache de façon nécessaire le concept de lumière du soleil à celui de chaleur et le jugement synthétique acquiert une validité nécessaire et
universelle, par conséquent une valeur objective 1 il
change une perception en expérience.
/70/ ma
subjectivité, mais bien par rapport à la forme du jugement en général (dans cet
exemple, il s'agit de la forme du jugement hypothétique), et c'est de
cette manière qu'ils rendent le jugement empirique universellement valable.
Quiconque
analyse tous ses jugements synthétiques, en tant qu'ils
ont une valeur objective, découvre qu'ils ne consistent jamais en
simples intuitions qu'une simple comparaison suffirait, comme on le croit
d'ordinaire, à lier dans un jugement ; il trouve qu'ils
seraient impossibles si, aux concepts tirés de l'intuition, ne venait
encore s'ajouter un pur concept d'entendement, sous lequel ces concepts ont été subsumés
et de ce fait liés de manière primordiale
en un jugement objectivement valable. Même les jugements de la mathématique pure dans ses axiomes
les plus simples ne sont pas
soustraits à cette condition. Le principe : . la ligne droite est la plus courte entre deux points -
suppose que la ligne soit subsumée sous le concept de grandeur ; à
coup sur ce concept n'a rien d'une
simple intuition, il ne peut avoir son siège que dans l'entendement ; il sert à déterminer l'intuition (de la
ligne) relativement aux jugements (lui peuvent être portés sur celle-ci au point de vue de sa quantité, en l'espèce, au
point de vue de [302] la pluralité (à
titre de judicia plurativa) voulant dire par là que
plusieurs éléments homogènes sont contenus dans une intuition donnée.