CATÉCHISME
D’ÉCONOMIE POLITIQUE.
De
quoi se composent les Richesses,
et ce que c’est que la Valeur.
Qu’est-ce que nous enseigne l’économie politique ?
Elle nous
enseigne comment les richesses sont produites, distribuées et consommées dans
la société.
Qu’entendez-vous par ce mot les RICHESSES ?
On peut étendre
la signification de ce mot à tous les biens dont il est permis à l’homme de
jouir ; et sous ce rapport la santé, la gaîté sont des richesses. Mais les
seules richesses dont il est question en économie politique, se composent des
choses que l’on possède et qui ont une valeur reconnue. Une terre, une maison,
un meuble, des étoffes, des provisions, des monnaies d’or et d’argent, sont des
portions de richesses. Chaque personne ou chaque famille possède une quantité
plus ou moins grande de chacune de ces choses ; et leurs valeurs réunies
composent sa fortune. L’ensemble des fortunes particulières compose la fortune
de la nation, la richesse
nationale *.
*. Dans un ouvrage élémentaire, où l’on est
obligé d’emprunter le langage commun, surtout en commençant, j’ai dû renoncer à
des expressions plus exactes, mais qui supposent dans le lecteur et plus
d’instruction et plus de capacité pour réfléchir.
Tous les biens capables de
satisfaire les besoins des hommes, ou de gratifier leurs désirs, sont de deux
sortes : ce sont ou des richesses
naturelles que la nature nous donne gratuitement comme l’air que nous
respirons, la lumière du soleil, la santé ; ou des richesses sociales que nous acquérons par des services productifs,
par des travaux.
Les premières ne peuvent pas
entrer dans la sphère de l’économie politique, par la raison qu’elles ne
peuvent être ni produites, ni distribuées, ni consommées.
Elles ne sont pas produites, car nous ne pouvons pas
augmenter, par exemple, la masse d’air respirable qui enveloppe le globe ;
et quand nous pourrions fabriquer de l’air respirable, ce serait en pure perte,
puisque la nature nous l’offre tout fait.
Elles ne sont pas distribuées, car elles ne sont refusées
à personne, et là où elles manquent (comme les rayons solaires à minuit), elles
sont refusées à tout le monde.
Enfin, elles ne sont pas
consommables, l’usage qu’on en fait ne pouvant en diminuer la quantité.
Les richesses sociales, au contraire, sont tout entières le fruit de la
production, comme on le voit dans la
suite de l’ouvrage ; elles n’appartiennent qu’à ceux entre lesquels elles
se distribuent par des procédés très-compliqués et dans des proportions
très-diverses ; enfin, elles s’anéantissent par la consommation. Tels sont
les faits que l’économie politique a pour objet de décrire et d’expliquer. (Note de l’Auteur.)
Pour que les choses que vous avez désignées comme des
richesses méritent ce nom, ne faut-il pas qu’elles soient réunies en certaine
quantité ?
Suivant
l’usage ordinaire, on n’appelle riches que les personnes qui possèdent beaucoup
de biens ; mais lorsqu’il s’agit d’étudier comment les richesses se
forment, se distribuent et se consomment, on nomme également des richesses les
choses qui méritent ce nom, soit qu’il y en ait beaucoup ou peu, de même qu’un
grain de blé est du blé, aussi bien qu’un boisseau rempli de cette denrée.
Comment peut-on faire la comparaison de la somme de
richesses renfermée en différents objets ?
En comparant
leur valeur. Une livre de café est, en France, au temps où nous vivons, pour
celui qui la possède, une richesse plus grande qu’une livre de riz, parce
qu’elle vaut davantage *.
*. L’idée de la valeur ne peut être séparée de
l’idée d’une mesure des richesses ; car ce qui fait grande la richesse du
possesseur d’un objet, rend petite la richesse de ceux qui ont besoin de
l’acquérir. Ainsi quand le blé renchérit, la richesse de ceux qui en ont
devient plus grande, mais la richesse de ceux qui sont obligés de s’en pourvoir
diminue.
On ne peut donc pas
dire : Tel objet est une grande ou
une petite richesse, selon qu’il a beaucoup ou peu de valeur ; mais la richesse de telle personne ou de telle
communauté est grande, quand les objets qu’elles possèdent ont beaucoup de
valeur ; elle est petite dans le cas contraire.
C’est ce qui fait que les
variations dans la valeur réciproque des produits, ne changent rien aux
richesses d’une nation. Ce qui est gagné d’un côté est perdu de l’autre.
C’est ce qui fait en même
temps que toute une nation est plus riche quand les frais de production
baissent pour quelque produit que ce soit ; dans ce cas, la nation qui est
l’acheteur de ce produit, le paie moins cher, sans que le vendeur y
perde : car le vendeur, de son côté, acquiert à meilleur compte un objet
qu’il produit avec moins de frais. (Ed.)
Comment se mesure leur valeur ?
En la comparant
aux différentes quantités d’un même objet qu’il est possible, dans un échange,
d’acquérir par leur moyen. Ainsi, un cheval que son maître peut, du moment
qu’il le voudra, échanger contre vingt pièces d’or, est une portion de richesse
double de celle qui est contenue dans une vache qu’on ne pourra vendre que dix
pièces d’or *.
*. On sent que l’échange, ou tout, au moins la
possibilité de l’échange, est nécessaire pour déterminer la valeur d’une chose
qui sans cela serait arbitraire. Je peux estimer 10,000 francs un jardin que
j’affectionne ; mais cette estimation est arbitraire si personne ne
consent à m’en donner ce prix ; quand sa valeur échangeable n’est que de
5,000 francs, je ne suis, en réalité, riche que de 5,000 francs, à raison de ce
jardin : c’est-à-dire que je peux, en le cédant, me rendre maître de
toutes les jouissances que l’on peut avoir pour 5,000francs.(Note de l’Auteur.)
Pourquoi évalue-t-on plutôt les choses par la quantité de
monnaie qu’elles peuvent procurer, que par toute autre quantité ?
Parce qu’en
raison de l’usage que nous faisons journellement de la monnaie, sa valeur nous
est mieux connue que celle de la plupart des autres objets ; nous savons
mieux ce que l’on peut acquérir pour deux cents francs, que ce que l’on peut
obtenir en échange de dix hectolitres de blé, quoique au cours du jour ces deux
valeurs puissent être parfaitement égales, et par conséquent composer deux
richesses pareilles.
Est-ce une chose possible que de créer de la
richesse ?
Oui, puisqu’il
suffit pour cela de créer de la valeur, ou d’augmenter la valeur qui se trouve
déjà dans les choses que l’on possède.
Comment donne-t-on de la valeur à un objet ?
En lui donnant
une utilité qu’il n’avait pas.
Comment augmente-t-on la valeur que les choses ont
déjà ?
En augmentant le
degré d’utilité qui s’y trouvait quand on les a acquises.