CATÉCHISME

 

D’ÉCONOMIE POLITIQUE.

 

 

Chapitre I

De quoi se composent les Richesses,
et ce que c’est que la Valeur.

 

Qu’est-ce que nous enseigne l’économie politique ?

Elle nous enseigne comment les richesses sont produites, distribuées et consommées dans la société.

 

Qu’entendez-vous par ce mot les RICHESSES ?

On peut étendre la signification de ce mot à tous les biens dont il est permis à l’homme de jouir ; et sous ce rapport la santé, la gaîté sont des richesses. Mais les seules richesses dont il est question en économie politique, se composent des choses que l’on possède et qui ont une valeur reconnue. Une terre, une maison, un meuble, des étoffes, des provisions, des monnaies d’or et d’argent, sont des portions de richesses. Chaque personne ou chaque famille possède une quantité plus ou moins grande de chacune de ces choses ; et leurs valeurs réunies composent sa fortune. L’ensemble des fortunes particulières compose la fortune de la nation, la richesse nationale *.

*. Dans un ouvrage élémentaire, où l’on est obligé d’emprunter le langage commun, surtout en commençant, j’ai dû renoncer à des expressions plus exactes, mais qui supposent dans le lecteur et plus d’instruction et plus de capacité pour réfléchir.

Tous les biens capables de satisfaire les besoins des hommes, ou de gratifier leurs désirs, sont de deux sortes : ce sont ou des richesses naturelles que la nature nous donne gratuitement comme l’air que nous respirons, la lumière du soleil, la santé ; ou des richesses sociales que nous acquérons par des services productifs, par des travaux.

Les premières ne peuvent pas entrer dans la sphère de l’économie politique, par la raison qu’elles ne peuvent être ni produites, ni distribuées, ni consommées.

Elles ne sont pas produites, car nous ne pouvons pas augmenter, par exemple, la masse d’air respirable qui enveloppe le globe ; et quand nous pourrions fabriquer de l’air respirable, ce serait en pure perte, puisque la nature nous l’offre tout fait.

Elles ne sont pas distribuées, car elles ne sont refusées à personne, et là où elles manquent (comme les rayons solaires à minuit), elles sont refusées à tout le monde.

Enfin, elles ne sont pas consommables, l’usage qu’on en fait ne pouvant en diminuer la quantité.

Les richesses sociales, au contraire, sont tout entières le fruit de la production, comme on le voit dans la suite de l’ouvrage ; elles n’appartiennent qu’à ceux entre lesquels elles se distribuent par des procédés très-compliqués et dans des proportions très-diverses ; enfin, elles s’anéantissent par la consommation. Tels sont les faits que l’économie politique a pour objet de décrire et d’expliquer. (Note de l’Auteur.)

 

Pour que les choses que vous avez désignées comme des richesses méritent ce nom, ne faut-il pas qu’elles soient réunies en certaine quantité ?

Suivant l’usage ordinaire, on n’appelle riches que les personnes qui possèdent beaucoup de biens ; mais lorsqu’il s’agit d’étudier comment les richesses se forment, se distribuent et se consomment, on nomme également des richesses les choses qui méritent ce nom, soit qu’il y en ait beaucoup ou peu, de même qu’un grain de blé est du blé, aussi bien qu’un boisseau rempli de cette denrée.

 

Comment peut-on faire la comparaison de la somme de richesses renfermée en différents objets ?

En comparant leur valeur. Une livre de café est, en France, au temps où nous vivons, pour celui qui la possède, une richesse plus grande qu’une livre de riz, parce qu’elle vaut davantage *.

*. L’idée de la valeur ne peut être séparée de l’idée d’une mesure des richesses ; car ce qui fait grande la richesse du possesseur d’un objet, rend petite la richesse de ceux qui ont besoin de l’acquérir. Ainsi quand le blé renchérit, la richesse de ceux qui en ont devient plus grande, mais la richesse de ceux qui sont obligés de s’en pourvoir diminue.

On ne peut donc pas dire : Tel objet est une grande ou une petite richesse, selon qu’il a beaucoup ou peu de valeur ; mais la richesse de telle personne ou de telle communauté est grande, quand les objets qu’elles possèdent ont beaucoup de valeur ; elle est petite dans le cas contraire.

C’est ce qui fait que les variations dans la valeur réciproque des produits, ne changent rien aux richesses d’une nation. Ce qui est gagné d’un côté est perdu de l’autre.

C’est ce qui fait en même temps que toute une nation est plus riche quand les frais de production baissent pour quelque produit que ce soit ; dans ce cas, la nation qui est l’acheteur de ce produit, le paie moins cher, sans que le vendeur y perde : car le vendeur, de son côté, acquiert à meilleur compte un objet qu’il produit avec moins de frais. (Ed.)

 

Comment se mesure leur valeur ?

En la comparant aux différentes quantités d’un même objet qu’il est possible, dans un échange, d’acquérir par leur moyen. Ainsi, un cheval que son maître peut, du moment qu’il le voudra, échanger contre vingt pièces d’or, est une portion de richesse double de celle qui est contenue dans une vache qu’on ne pourra vendre que dix pièces d’or *.

*. On sent que l’échange, ou tout, au moins la possibilité de l’échange, est nécessaire pour déterminer la valeur d’une chose qui sans cela serait arbitraire. Je peux estimer 10,000 francs un jardin que j’affectionne ; mais cette estimation est arbitraire si personne ne consent à m’en donner ce prix ; quand sa valeur échangeable n’est que de 5,000 francs, je ne suis, en réalité, riche que de 5,000 francs, à raison de ce jardin : c’est-à-dire que je peux, en le cédant, me rendre maître de toutes les jouissances que l’on peut avoir pour 5,000francs.(Note de l’Auteur.)

 

Pourquoi évalue-t-on plutôt les choses par la quantité de monnaie qu’elles peuvent procurer, que par toute autre quantité ?

Parce qu’en raison de l’usage que nous faisons journellement de la monnaie, sa valeur nous est mieux connue que celle de la plupart des autres objets ; nous savons mieux ce que l’on peut acquérir pour deux cents francs, que ce que l’on peut obtenir en échange de dix hectolitres de blé, quoique au cours du jour ces deux valeurs puissent être parfaitement égales, et par conséquent composer deux richesses pareilles.

 

Est-ce une chose possible que de créer de la richesse ?

Oui, puisqu’il suffit pour cela de créer de la valeur, ou d’augmenter la valeur qui se trouve déjà dans les choses que l’on possède.

 

Comment donne-t-on de la valeur à un objet ?

En lui donnant une utilité qu’il n’avait pas.

 

Comment augmente-t-on la valeur que les choses ont déjà ?

En augmentant le degré d’utilité qui s’y trouvait quand on les a acquises.

 

M. Ripley s'amuse