Foi.
Croyance. Confiance.
Cette
orthodoxie économique fut construite sur la superstition.
Il n’y a pas d’alternative, disait le mantra. Maintenant, cette
mythologie corrompue est mise en lambeaux, la crise de croyance est profonde.
The Guardian, lundi
6 Octobre 2008
(…)
Comment en sommes-nous
arrivés à ce gâchis, et comment pouvons-nous faire en sorte qu’il ne se
reproduise plus ?
Répondre à ces deux
questions ne nécessite pas un cours de finance de la City et d’économie [economics, stupids !],
parce que cette crise est tout autant celle de la politique et de l’idéologie
que de ce qu’on voudra. Si vous êtes pressé par le temps, la liste de lecture
peut être très courte. La clef est La Grande Transformation de Karl
Polanyi, publiée en 1944, une histoire économique qui vise à
expliquer 1929, La Grande Dépression et la montée du fascisme. Le livre de
Polanyi est sorti la même année qu’un autre influent économiste autrichien,
Friedrich Hayek, publiait le texte fondamental du néolibéralisme, La Voie de
la servitude.
Hayek est devenu le père
fondateur d’un modèle de gestion économique qui nous a amenés à la crise
actuelle ; Polanyi, avec une extraordinaire prescience, a mis en garde
contre la crise venir, il a rejeté l’idée que le marché est une mécanisme
« auto-régulateur » qui peut se corriger lui-même. Il n’y a pas de
«main invisible» comme le néo-libéraux l’ont soutenu, il n’y a donc rien
d’inévitable ou de «naturel» sur la façon dont les marchés fonctionnent ;
ils sont toujours façonné par des décisions politiques [« ne rien faire » est une décision politique
comme une autre].
Au moment où Polanyi écrivait, nombreux sont ceux qui ont
convenu avec lui que le libre-capitalisme de marché était chroniquement destructif et instable, avec de
terribles conséquences politiques. Mais dans les années 70 et 80, le
néolibéralisme de Hayek a commencé à prendre racine parmi les élites au
pourvoir aux États-Unis, Margaret Thatcher fut recrutée — et en temps voulu,
Tony Blair et Gordon Brown. « Faire reculer l’État, laisser l’économie [the economy, stupids !]
to run itself » a imposé son emprise depuis lors. Ainsi que le
souligne Ann Pettifor [j’en
profite pour stigmatiser l’anglicisme « pointer » et puis, pendant
que j’y suis « générer » (quoique figurant chez Littré, 1870, en tant
que néologisme scientifique), « émuler », le barbarisme sous
influence anglo-saxone « technologie » pour technique etc.]
sur son site Web, debtonation.org, Alan Greenspan, écrivit en août avec
enthousiasme que « la dernière décennie a vu les forces de traficotage
globales (la version internationale de la main invisible d’Adam Smith)
remplaçant tranquillement le contrôle gouvernemental des affaires
économiques » [quel TDC,
isn’t it ?]. Il a continué allègrement en soutenant que le plus
grand danger face à l’économie est que « certains gouvernements, en proie
à de nouvelles forces inflationnistes, s’efforceront de réaffirmer leur emprise
sur les affaires économiques ». La semaine dernière, Greenspan a fait un
gigantesque volte-face en plaidant pour que le gouvernement fasse exactement
cela — réaffirmer son emprise sous la forme d’un renflouage.
Nous savons maintenant ce
que les pays, dans le monde en développement, ont découvert pendant plus de
trois décennies : l’instable et inéquitable économie [economics, stupids ! That’s a
policy. Ils appellent ça économie, mais c’est une politique (Combemasle)] néolibérale
conduit à des niveaux inacceptables de désorganisation sociale et des
difficultés qui ne peuvent être contenues que par une répression brutale [Hayek et Fridman sont des imbéciles
criminels]. Ajoutons quelles sont les deux autres principales charges
contre le capitalisme dérégulé : premièrement, il peut créer de la
richesse, mais il ne la distribue pas de manière efficace, et, deuxièmement, il
ne tient pas compte de ce qu’il ne peut pas commercialiser — ni les relations
sociales de la famille et de la communauté, ni l’environnement, qui sont vitaux
pour le bien-être humain et, en fait, pour le fonctionnement du marché lui-même [ces TDC scient la branche sur
laquelle ils sont assis]. En fin de compte, le capitalisme néolibéral
est autodestructeur.
Nous assistons aujourd’hui à
l’effondrement de cette absurde orthodoxie économique qui a dominé la politique [parce qu’elle est une politique
elle-même (Combemasle)]
pendant près de 30 ans. Son arrogance triomphaliste, son insistance
sur l’orthodoxie, est comparable au communisme soviétique dans son ampleur.
Depuis deux décennies, on nous a dit : TINA [en français : « vas te faire foutre »]
— « Il n’y a pas d’alternative ».
Les économistes parlent de
confiance, de conviction, da foi, nous comprenons maintenant que, tout au long,
le capitalisme néolibéral fut une forme de mythologie. C’est pourquoi le
triomphalisme était nécessaire — on ne pouvait pas se permettre de tolérer que
quelqu’un contestât le système ou alors nous allions tous nous rendre compte
que nous étions à béer (bayer, bouche bée) devant un empereur nu [ou un maréchal Lefebvre nu, mais avec
son chapeau, ses bottes et son sabre, à la cour de Napoléon]. Rowan
Williams a raison de citer Marx : « le capitalisme sauvage devient
une sorte de mythologie, attribuant réalité, pouvoir et agencement à des choses
qui n’ont pas de vie en elles-mêmes ». Richard Dawkins devrait critiquer
ce système de croyances superstitieuses.
Heureusement, Thomas Frank
l’a fait dans son livre brillant, Un Marché sous le regard de Dieu (2001).
C’est le deuxième livre sur la liste de lecture, car il explique comment le
néolibéralisme a ancré son triomphalisme dans le système politique des
États-Unis, comment il a marginalisé et délégitimé toute oppisition et mis en
place une hégémonie dans le soi-disant monde libre [très très disant, en effet. Il est très bavard et content
de lui, officiellement, ce monde. La soi-disance est une véritable industrie
dans ce monde].
Maintenant, comme il est tout chancelant, nous pouvons faire le bilan [une seconde lueur d’espoir après celle du
11 septembre, donc]. Nous pouvons nous demander comment et pourquoi
la critique — de laquelle Frank fit partie et Polanyi fut la Bible — qui se
dégage à la fin des années 90 fut paralysée. Le mouvement
anti-mondialisation-néo-libérale a fait valoir que le capitalisme est injuste,
instable et destructeur pour l’homme et l’environnement. Cela sonne raisonnable
maintenant, mais alors il fut mystérieusement diffamé par association avec les
anarchistes qui avaient un penchant pour le smashing de fenêtres
Starbucks [ben merde ! ils
avaient bien raison ces « anarchistes ». Quelle proliférante
moisissure que ces Starbucks]. Le vaste réseau de mouvements sociaux de
base — syndicats US, paysans mexicains, indiens agriculteurs — ont été
calomniés, incompris, ridiculisés et ignorés. Il n’y a pas d’alternative,
entonnaient les politiciens dans une sorte de mantra.
Ensuite, 9/11 et pour les
sept années suivantes, un numéro de cirque fut offert comme une distraction
avec caricature des méchants et suspens dramatique. Alors que les yeux étaient
rivés sur la comédie absurde de la « menace du terrorisme islamiste sur la
civilisation occidentale », le véritable scénario apocalyptique qui
représente une menace bien plus grande de la civilisation occidentale (quelle
qu’elle soit) a proliféré juste à côté de Ground Zero, à Wall Street.
Comme dans toutes les
mythologies, la seule ressource, selon Timothy Garton Ash (qui n’est pas connu
pour sa foi religieuse) dans ses billets récents, est de prier. Ce qui
m’effraie, c’est qu’il s’agit d’une mythologie corrompue qui, comme celle des
Aztèques, peut demander beaucoup de sacrifices humains.