L’histoire
du Bilderberg racontée à Y. Calvi et J.- F. Khan
« Ceux qui ignorent l’histoire se condamnent
à la répéter » (Georges Langlois)
Par Laurence Kalafatides
Le 18 mai 2008
La nouvelle vient juste de tomber. Cette année, le
Bilderberg tiendra sa conférence annuelle du 5 au 8 juin, à Chantilly, près
de Washington. Cette information, venue des Pays-Bas, a peu de chance
d’intéresser les téléspectateurs français car, depuis le 4 mars 2008, ils
« savent » que le Bilderberg n’existe pas. En effet,ce soir là,
Yves Calvi, consacrait son émission C dans l’air — une de ces
cuistreries dont la télévision française est friande — à la question : “
Qui gouverne le monde “.
Yves Calvi, journaliste depuis 1986 (France Info,
FRI, Europe 1) recevait quatre éminents spécialistes du
sujet : Gérard Chaliand
(spécialiste des problèmes géopolitiques et stratégiques), Nicole Bacharan
(historienne et politologue franco-américaine), Jean-François Khan (historien, journaliste depuis 1964 — Europe 1, l’Express, le Monde — fondateur de l’Evénement du Jeudi puis
de l’hebdomadaire Marianne),et enfin Jacques
Rupnik (Directeur de recherches au
Centre d’études et de recherches internationales [CERI]. Comme à l’accoutumée, la fin de l’émission
fut dédiée aux questions des téléspectateurs. Yves Calvi se saisit d’un
message et posa la question à brûle-pourpoint : [1]
Y.
Calvi : Que savez-vous de l’organisation mondiale Bilder ... beurk, je
vais y arriver... Bilderberg, moi j’en avais jamais entendu parler, qui réunit
chaque année les personnages les plus influents du monde ? vous connaissez ça
vous ?
Réponse unanime des invités : NON
Y. Calvi : Ben
voilà, c’est un bide en direct
J-F Khan : Je
connais la Tricontinentale [2] , je connais Davos, mais je ne connais pas ...
N. Bacharan : Je
ne connais pas du tout cette organisation donc je n’en dirais rien
Y. Calvi :
c’est peut-être une invention d’un téléspectateur qui a de l’humour, qui nous
teste ?
N. Bacharan :
peut-être qu’il voulait vérifier...
G. Chaliand :
Je me méfie beaucoup de ces organisations mondiales qui dans l’ombre se
réunissent et distribuent en quelque sorte les dividendes et les rôles. C’est
une longue histoire.
Y. Calvi :
Vous êtes peut-être en train de répondre très habilement à une fausse
question, ce qui est très rare, et ce qui pour le coup est d’une grande
intelligence, enfin moi, ça m’arrange !
La suite de l’émission importe peu. Les
téléspectateurs auront retenu que le Bilderberg n’existe pas puisque cinq
journalistes et spécialistes de géopolitique n’en ont tout simplement jamais
entendu parler.
A la décharge de nos brillants “experts” il faut
reconnaître que le Groupe de Bilderberg n’existe QUE depuis 54 ans, et que ce
club ultra huppé ne reçoit QUE des têtes couronnées, des ministres, des
secrétaires généraux de l’OTAN, des PDG, des patrons de presse. On le voit,
il n’y a là rien qui puisse éveiller la curiosité des invités d’Yves Calvi.
Pourtant...
Le Bilderberg, ce fantasme de gauchiste [3]
Pourtant, la genèse du Groupe de Bilderberg est
une histoire fort instructive qui mérite d’être contée, car elle donne à voir
une réalité qui se situe à l’exact opposé de la démocratie. Depuis sa
création en 1952, le Bilderberg a largement contribué à construire le
condominium euro-américain, sous leadership US, que l’on voit à l’œuvre
aujourd’hui. Ce condominium transatlantique peut être considéré comme la clé
de voûte du nouvel « ordre mondial » que le président américain
Harry Truman a annoncé en 1947. Plan Marshall, OTAN et son réseau secret Stay-Behind,
Union Européenne, CIA , MI 6 et Bilderberg font partie des instruments
utilisés pour mettre en place cet » ordre mondial » et mener la
guerre froide.
Pour autant, façonner ce nouvel ordre mondial,
selon l’architecture décidée par Washington, implique la collaboration des
pays membres de l’Alliance Atlantique. Le Bilderberg a précisément pour
fonction d’assurer cette collaboration. La filiation OTAN/Bilderberg peut se
lire au travers des nombreuses sessions consacrées « aux questions
sur lesquelles un accord au sein de l’Alliance Atlantique peut s’avérer
difficile. » Sous couvert de débats, le Bilderberg exerce une
véritable diplomatie parallèle au prétexte que, selon ses propres termes,
« les dimensions et les possibilités des contacts officiels [ des
hommes d’État et des diplomates ] ont leurs limites et ne couvrent pas
tout le champ que les fondateurs de Bilderberg avaient en idée. »
Le Groupe de Bilderberg, dont l’objectif affiché
est de construire « l’unité du monde occidental » ne recrute
que « des gens importants et respectés et qui peuvent contribuer à la
réalisation des objectifs que le Bilderberg s’est assigné. [4] » Au début de chaque
conférence, une note distribuée aux participants indique que l’on attend
d’eux qu’ils usent de leur « influence afin que l’Alliance Atlantique
puisse fonctionner d’une façon plus efficace. » Quant à la diversité
des sujets débattus, elle découle, selon un document de 1957, de « l’intérêt
commun des membres de l’OTAN [ qui ] s’étend constamment au-delà de la sphère
d’application limitée du Traité Atlantique. [5] » Il va sans dire que
pour faire entériner cette « politique occidentale qu’il serait
peut-être plus exact bien que moins diplomatique d’appeler américaine » [6] la
plus grande quiétude est nécessaire. C’est la raison pour laquelle ces
conférences annuelles — qui regroupaient environ 50 personnes dans les
premières années et qui aujourd’hui en comptent 120 — se tiennent loin des
regards, dans des hôtels ultras sécurisés et ne donne lieu à aucune
communication externe.
Amitié
Transatlantique
Paris, 25 septembre 1952. Ce jour-là,
13 personnes se réunissent pour jeter les bases de ce qui deviendra deux
ans plus tard, le Groupe de Bilderberg. En plus du Baron François de Nervo, hôte de la
réunion, on note des personnalités venues de toute l’Europe :
Paul Van Zeeland, ministre belge des affaires étrangères
Bernhard De Lippe-Biesterfeld,
Prince consort des Pays-Bas, époux de la Reine Juliana
Ole Bjorn Kraft,
Ministre danois des affaires étrangères, président du Conseil de l’OTAN
Dr Rudolf Mueller, avocat
d’affaires allemand, ancien président de la German Economic Administration de
la zone anglaise.
Panagiotis Pipinelis,
représentant permanent de la Grèce à l’OTAN
Paul Rykens, président
de la firme multinationale Unilever
Hugh Gaitskell, ancien
chancelier de l’Echiquier, trésorier du parti travailliste
Guy Mollet, président
le la SFIO
Antoine Pinay,
Président du Conseil ; ministre des Finances et Affaires économiques
Et enfin les deux chevilles ouvrières du
Bilderberg en cours de constitution :
Sir Colin Gubbins,
ancien Général de l’armée britannique, qui durant la guerre fut chargé de la
planification des actions subversives et de sabotage au sein du S.O.E. — Special
Operation Executive — Démantelé en juin 1946, le SOE fut remplacé, à
l’intérieur du service de renseignement MI6, par une nouvelle section secrète
« Special Operations » dont Colin Gubbins prit le commandement. En
liaison avec Frank Wisner — directeur du bureau de coordination politique des
opérations spéciales de la CIA (OPC) Gubbins s’activa à créer les armées
secrètes de l’OTAN — Stay Behind — dans toute l’Europe
[7].
Joseph Retinger :
Cet ami intime de Gubbins fut conseiller diplomatique du Général Sikorski,
chef du gouvernement polonais en exil à Londres durant la Deuxième Guerre
mondiale [8]. Les
services secrets français le considéraient comme un agent du
contre-espionnage polonais passé au service de l’Intelligence Service de
Grande-Bretagne [9].
Lorsqu’en 1952, Retinger se lance dans la création du groupe de
Bilderberg, il occupe le poste de secrétaire général du Mouvement européen.
Sont excusés, Max Brauer, membre du parti socialiste allemand,
Maire de Hambourg et Lord
Portal de Hungerford, ancien maréchal de la Royal Air Force,
contrôleur pour la production de l’énergie atomique au ministère de
l’approvisionnement.
Pour Retinger et ses amis, la première tâche
consiste à redonner du dynamisme à la campagne antisoviétique en Europe, et à faire battre en retraite
les partis communistes jugés trop puissants. Mais pour ce faire, il s’avère
nécessaire de pacifier les relations euro-américaines. Il est vrai que de
nombreux nuages se sont accumulés sur l’ horizon transatlantique depuis la
fin de la guerre. Le comité européen pointe du doigt l’ingérence américaine
dans les affaires intérieures des pays européens, à ce point outrancière que
les élus peinent à la masquer à l’opinion publique. Problème amplifié par le
comportement « vulgaire et arrogant » de nombreux Américains
en postes en Europe et qui
alimente un certain « anti-américanisme » dans les
populations. Cette situation donne, selon les membres du Comité, des
arguments aux partis communistes qui dans certains pays engrangent de belles
victoires électorales. Le groupe échafaude alors un plan d’action destiné
à » attirer l’attention des autorités compétentes sur des mesures qui
puissent renforcer l’amitié et la confiance qui doivent régner entre
l’Amérique et l’Europe« et
décide, dans la foulée, de créer un Comité analogue aux États-Unis.
Peu de temps après, Joseph Retinger et le Prince
Bernhard, s’envolent pour les États-Unis où ils rencontrent Averell Harriman [10],
directeur de la Mutual Security Agency — agence chargée de coopération
économique — Walter
Bedell Smith [11],
directeur de la CIA et C.D.
Jackson [12],
Président du Comité pour une Europe Libre .
Le 1er octobre 1953 une lettre du directeur de la CIA,
informe Retinger que le Comité américain est constitué. 18 mois plus
tard, le 8 février 1954, Européens et Américains se réunissent, de
nouveau chez le Baron François de Nervo, et valident un rapport — N° 3 —
où se trouve également consignée leur stratégie : « Les membres
du Groupe, usant de leurs relations avec leurs autorités respectives,
s’assureront que les points de vue développés dans le rapport n° 3
seront soumis aux divers gouvernements ». Ils décident d’organiser
« dans un futur proche, une réunion restreinte de personnalités
triées sur le volet et d’environ cinquante personnes ; la conférence
discutera des problèmes mentionnés dans le document N°3 et si possible
conviendra que ses conclusions sont la meilleure voie possible pour réaliser
une entente parfaite entre l’Europe et l’Amérique.
Les participants seront des personnalités influentes et informées des sujets
débattus. »
La conférence dont il est fait mention est prévue
pour les 29-30et 31 mai 1954 à Oosterbeek (Pays-Bas) dans l’hôtel
Bilderberg. Les thèmes inscrits à l’ordre du jour sont les suivants :
a) L’attitude
générale envers le communisme et l’Union soviétique
b) L’unification de l’Europe
c) La Communauté européenne de Défense et la défense européenne
d) Le problème des colonies
e) Les problèmes économiques
Trouver un consensus qui permettrait d’adopter une
position communeenvers le communisme et l’Union Soviétique » n’est
pas chose aisée. Les États-Unis se montrent inflexibles envers »
l’ennemi » et reprochent à l’Europe de
s’orienter vers une politique de négociation avec l’URSS, voire même,
blasphème, une politique d’apaisement. Pour leur défense, les Européens arguent
d’un fort électorat communiste dans certains pays contre lequel la »
solution » américaine semble inadéquate. Déterminés à aller de l’avant,
les participants concluent que la réconciliation se fera grâce à un front
commun contre l’Ennemi, à savoir le communisme.
Au fait, en quoi consiste cette menace communiste contre laquelle on mobilise
tant de monde et tant d’argent ?
Le
capitalisme en danger
En 1945, le Reich à peine vaincu, la
Grande-Bretagne et les États-Unis envisagent sérieusement un revirement
d’alliance. Nombre de personnalités des deux nations considèrent que
l’ennemi » naturel » n’est pas le nazisme, mais le bolchevisme. Il
est, momentanément, question que les armées britanniques et américaine »
marchent sur Moscou ». Churchill donne l’ordre — secret — au Maréchal
Montgomery de ne pas désarmer les unités allemandes capturées et de les tenir
prêtes pour un possible emploi contre l’armée rouge. De son côté, le Général
Patton demande à réarmer deux divisions de la Waffen SS afin de les incorporer
dans la troisième armée américaine pour les diriger contre les Russes. Dans
le même temps, les services de renseignements américains recrutent des
espions nazis ainsi que des gradés SS et exfiltrent un nombre considérable de
criminels de guerre [13].
Toutefois, les opinions publiques ne sont pas
prêtes à un tel revirement de situation et sont loin de considérer l’URSS
comme une ennemie. En 1945, l’armée rouge jouit d’un grand prestige parmi les
soldats stationnés en Europe, et un
sondage indique que 55% des Américains déclarent vouloir conserver l’URSS
comme allié après la guerre [14]. Durant l’année 1946, John Strohm, président de
l’Association américaine des journalistes agricoles voyage plusieurs mois à
travers la Russie, de retour, il racontera dans un livre que partout où il
est allé, il a pu constater chez les Russes un profond sentiment d’amitié à
l’égard des USA. Le diplomate américain Summer Welles, quant à lui, affirme
publiquement que les véritables objectifs de la politique soviétique sont
« la sécurité, la reconstruction, l’industrialisation des républiques
soviétiques, et le développement des ressources naturelles comme partie
essentielle d’un programme visant à élever rapidement le niveau de vie des
Russes. » [15]
Ces prises de position s’avèrent extrêmement
contrariantes pour ceux qui se sont considérablement enrichis grâce à
l’économie de guerre et envisagent d’un mauvais oeil la baisse des carnets de
commandes. D’ailleurs, en 1946, des économistes sonnent l’alarme : une
crise de surproduction menace et le spectre de la récession n’est pas loin.
Pour l’administration américaine, l’urgence est de trouver des débouchés pour
les produits et les capitaux américains, et de remettre en selle la stratégie
de la » porte ouverte » [16]. Les regards se tournent vers l’Europe qui manque de tout, vers ses
colonies dans lesquelles les Américains veulent pouvoir s’implanter et enfin
vers les pays d’Europe sous
l’influence de l’URSS .
Mais en Europe de
l’Ouest, l’antifascisme radical se double d’une remise en cause du
capitalisme. Dans de nombreux pays, syndicats et partis de gauche acquièrent
une influence considérable. En Allemagne les ouvriers mettent en place des
« conseils d’entreprises souvent dirigés par des communistes » [17] y
compris dans les filiales allemandes des entreprises américaines Ford ou
General Motors. Ces conseils d’entreprises « inquiètent tous ceux qui
craignent que la Deuxième Guerre mondiale ne débouche sur une révolution
sociale, exactement comme la guerre franco-prussienne de 1870 et la Première
Guerre mondiale avaient engendré la Commune et la Révolution
d’Octobre. » [18] En Grande-Bretagne, le parti travailliste qui
remporta les élections contre Winston Churchill en 1945 développe une
politique qui répond aux aspirations d’une population extrêmement éprouvée
par la guerre. De grandes réformes sociales sont mises en place, telle que la
création de la sécurité sociale, ou la nationalisation des industries lourdes
et de la Banque d’Angleterre. En Italie, les élections communales de 1946
amènent une large victoire des partis de gauche, tandis qu’en France, le
général de Gaulle au pouvoir entreprend des nationalisations, et concède
quatre ministères aux communistes. Les élections législatives de novembre 1946, font du
PCF le premier parti politique en voix.
Quand
Harry Truman était « fatigué
de pouponner les soviétiques » [19]
Fort opportunément, en février 1946, un conseiller
de l’ambassade américaine en URSS, George Kennan, rédige un long document dans lequel il fait
part de ses réflexions sur le défi soviétique auquel est confronté l’Amérique.
Bien que convaincu qu’il n’existe pas de risque de conflit entre les
deux » grand », il préconise une grande fermeté vis-à-vis du
Kremlin ainsi qu’une politique offensive visant à réduire l’influence
soviétique sur les pays satellites. Ce » long télégramme » sera
utilisé, peu de temps après, par l’establishment américain pour agiter la
menace d’une agression militaire imminente de l’URSS.
Quelques mois plus tard, le sous-secrétaire d’Etat
Dean Acheson
réunit les principaux dirigeants du Congrès et leur présente la Russie comme
une nation » agressive et expansionniste » et conclut qu’un
gouffre idéologique infranchissable sépare l’URSS des États-Unis [20]. De
son côté, la CIA informe le Président américain que « le plus grand
danger pour la sécurité des États-Unis est la possibilité d’un effondrement
économique en Europe
occidentale et par conséquent l’accession au pouvoir d’éléments
communistes » [21]
Le 6 mars 1947 , le Président Harry Truman attaque
lors d’un discours à l’université Baylor le principe de l’économie
administrée, visant par là non seulement l’URSS, mais aussi des pays comme la
Grande-Bretagne ou la France. Truman décrit ainsi le « chemin pour
l’ordre mondial » : « Partout le futur est incertain. Les
politiques économiques sont fluctuantes. Dans cette atmosphère de doute et
d’hésitation, le facteur décisif sera le type de conduite que les États-Unis
donneront au monde... Le peuple [ américain ] est prêt à assumer le rôle de
guide qui lui revient ... Nous sommes le géant du monde économique... Que
nous le voulions ou non, la structure future des relations économiques dépend
de nous. Le monde attend et observe pour voir ce que nous ferons. Ce choix
est le nôtre. » Ce discours précède d’un mois le lancement du
« Plan Marshall ». Entre temps le sénateur Vandenderg, président du Comité des
Relations étrangères au Sénat, avait réussi à convaincre le président Truman
« d’épouvanter » l’opinion afin de la préparer à la nouvelle
politique antisoviétique [22]. Cette épouvante ira crescendo grâce à la
« Croisade pour la Liberté » destinée à présenter une image
apocalyptique de l’Union soviétique. Le général Eisenhower en personne, accuse Moscou de
chercher à « contrôler le monde » et à « détruire la
liberté humaine", dans la foulée il annonce que l’Amérique doit se
préparer à une bataille aux « conséquences mortelles » qui menacent
« l’existence même des États-Unis » [23] . En 1952, la « chasse
aux sorcières » du sénateur McCarthy ayant accompli son oeuvre, « une
véritable crise d’hystérie s’est emparée de l’Amérique et l’opinion croyant
la guerre proche s’inquiète de la construction rapide d’abris
antiatomiques. » [24]
De retour aux États-Unis, George Kennan, est nommé directeur du Policy
Planning Staff, division du Département d’État chargé d’élaborer la
politique étrangère américaine. Dans un mémorandum adressé au secrétaire
d’État Dean Acheson il expose ce que devrait être la position américaine
vis-à-vis du reste du monde « Nous disposons de près de 50% de la
richesse mondiale, mais seulement de 6,3% de la population... Notre véritable
tache dans la période à venir est de concevoir un modèle de relations qui
nous permettront de maintenir cette position de disparité... Notre attention
devra partout se concentrer sur nos objectifs nationaux immédiats. Nous
devons cesser de parler d’objectifs vagues et irréels tels que les droits de
l’homme, l’amélioration du niveau de vie, et la démocratisation. Le jour où
nous devrons raisonner en terme de concepts clairs de pouvoirs n’est pas si
loin. Moins nous serons entravés par des slogans idéalistes et mieux cela
sera » [25]
Mais l’agression militaire soviétique imminente
est un bluff. A la fin de la guerre, l’URSS est à genoux. Vingt millions de
Soviétiques sont morts au front, l’industrie a été dévastée par les armées
d’Hitler et partout dans le pays la nourriture manque. Contrairement aux
affirmations péremptoires des propagandistes, les « maîtres du
Kremlin » n’ont pas l’intention de lancer une nouvelle guerre. En 1945,
le ministre des affaires étrangères britannique, Antony Eden déclare devant
le parlement anglais, être absolument convaincu que les mesures prises par
les Russes en Europe
occidentale sont seulement destinées à empêcher une dangereuse résurrection
de la puissance allemande : « nous savons que les dispositions
russes ne sont pas dirigées contre nous » [26] . D’ailleurs, en 1957, George Kennan lui-même
prendra ses distances avec la position belliciste américaine et fera une mise
au point : « Je n’ai jamais cru que le gouvernement soviétique,
à aucun moment depuis 1945, ait désiré une guerre générale, ou qu’il aurait
été amené, pour quelque raison politique valable, à entamer une telle
guerre » [27]
Halloween
au Bilderberg
Dans les salons du Baron de Nervo, le Comité de
Bilderberg ne semble pas traumatisé par une quelconque attaque bolchevique.
En revanche ce qui inquiète l’assemblée réunie ce 8 février 1954, est le
manque d’enthousiasme évident des populations européennes pour la croisade
américaine contre l’Union Soviétique. Selon le Comité européen, le problème
est dû en partie, au Maccarthysme qui a créé de « très grands
dommages » dans l’opinion publique européenne surtout dans les pays
où existe un fort électorat communiste. L’inquiétude monte d’un cran vers la
fin de l’année lorsque C.D.
Jackson averti le Département d’État que « l’Europe occidentale veut la paix, le
relâchement des tensions internationales et la dissipation de la guerre
froide » [28].
La Conférence de Barbizon, en mars 1955, est l’occasion de relancer l’ardeur
au combat. Sur un ton mélodramatique, lors de la session consacrée à « l’infiltration
communiste dans les divers pays occidentaux », les conférenciers
jouent à se faire peur et relatent le « péril rouge » qui sévit
chez eux :En Grande-Bretagne, « les communistes ont dû agir par
voie d’infiltration pour tenter d’atteindre la position dominante qui leur
est nécessaire. » En Allemagne, « les activités
communistes se sont accrues...Il existe certains courants très sommaires au sein
des masses laborieuses qui... peuvent être exploitées par la propagande
communiste. » En France explique Guy Mollet [a-t-on déjà vu nom plus ridicule ?] « Il
existe une tendance profondément enracinée à penser que le progrès est à
gauche ... Ce que le terme gauche signifie exactement n’est pas très bien
saisi. Du fait que le communisme est ainsi baptisé, il n’y a rien là qui soit
de nature à alarmer une large fraction de la population ». Quant à
l’Italie : « on a pas réussi à isoler le communisme... La
gravité de la situation [ économique ] donne aux communistes une sorte de monopole
de l’espoir. » Les populations européennes, résume le Prince
Bernhard, sont vulnérables du fait que « le communisme a deux
attraits : l’égalité sociale ou la possibilité pour chacun de trouver sa
place dans le système, et
la sécurité économique qu’il offre à la partie non ambitieuse [tout est dit et
notre mini président simplifié ajoute : « Je veux faire du
pognon. » Voilà donc ce qu’est l’ambition dans ce monde] de la population, laquelle constitue la majorité. »
Heureusement, il existe des pays sains. La Suisse
par exemple où les communistes sont très peu nombreux et sont « principalement
des indigènes, pour la plupart ouvriers » auxquels s’ajoutent
« une partie d’étudiants qui traversent ce qu’on peut appeler une
crise de croissance. » A la fin de la session, les participants
parviennent à se mettre un peu de baume au cœur : « Au Portugal,
le communisme se présente sous un aspect largement négatif. Il est bon de
savoir qu’il existe au moins un pays du monde où le communisme ne joue pas de
rôle. » En effet, le Portugal est une dictature. En 1926, date du
coup d’État, le parti communiste, interdit, a dû entrer en clandestinité.
Après l’accession au pouvoir du dictateur Salazar, en 1933, les communistes
furent massivement arrêtés. Ceux qui n’ont pas été sommairement
exécutés furent torturés et déportés dans le camp de concentration de Tarafal
au Cap-Vert.
La deuxième séance voit l’assemblée s’enflammer
sur la question de la « défense de la démocratie » et la
manière de s’y prendre pour la sauver. Le problème, résume un intervenant,
est que « la guerre froide a quelque chose d’une guerre civile dans
la mesure où une partie de la population fait fonction d’agents de
l’étranger.". Des mesures doivent être prises. Certains envisagent
de faire appel à l’Église afin de contrer la « propagande
pseudopacifiste » des communistes. D’autres exhument une « vieille
loi néerlandaise de 1855 qui autorise la proscription des partis non
démocrates » et qui mérite d’être examinée de près pour
éventuellement servir de modèle aux autres. Impossible rétorque Alberto Pirelli —
industriel fasciste et ancien ministre de Mussolini [29] — car en Italie les « choses
sont devenues extrêmement difficiles depuis l’abrogation des lois
fascistes. »
A défaut de pouvoir utiliser des lois fascistes
pour sauver la démocratie, les conférenciers décident une « offensive
de propagande » pour laquelle il sera nécessaire d’utiliser « plus
particulièrement la presse ... spécialement en Italie et en France ».
En ce début des années cinquante,
la grande affaire transatlantique est incontestablement l’intégration
européenne. Celle-ci fit d’ailleurs partie intégrante du Plan Marshall pour
le relèvement de l’Europe. Pour
l’Administration américaine, l’Europe a
reconstruire s’envisageait d’abord comme un gigantesque marché à ouvrir aux
produits et aux capitaux américains, permettant ainsi à l’industrie US
d’échapper une crise de surproduction. Les conditions posées aux nations
européennes pour avoir accès à l’aide Marshall étaient claires : créer
une « union douanière »
et rendre les monnaies européennes convertibles entre elles et avec le
dollar. Afin de verrouiller ce nouveau marché, le Congrès américain vota tout
un arsenal juridique, empêchant de facto les pays d’Europe de l’Ouest de commercer avec le « bloc de l’Est » [30]. Mais le Plan Marshall fut
aussi un instrument d’ingérence dans les affaires de politique intérieure des
pays « aidés ». Le but
de l’ERP [ Plan Marshall ] est fondamentalement politique ... Il est
nécessaire de coordonner et d’intégrer le mieux possible toutes les phases de
l’effort du gouvernement américain, particulièrement la diplomatie, l’ECA
[ administration du plan Marshall ], l’aide militaire et les opérations
secrètes de guerre politique [ comprendre coups tordus de la CIA] »
[31]
Cette ingérence fut telle qu’elle finit par faire grincer des dents y compris
dans les rangs américanophiles.
Pour le Bilderberg, pas question de laisser les
choses s’envenimer. Lors de la réunion du 8 février 1954, la situation
est froidement analysée : « la pression exercée par les
Américains sur les Européens pour accélérer le processus d’unification
indigne l’opinion européenne, y compris les plus ardents amis de
l’Amérique. » De plus, les dernières nouvelles indiquent que l’on
s’achemine vers un rejet, par le parlement français, de la Communauté
européenne de Défense (CED), ce qui fera prendre un sérieux retard au
réarmement de l’Allemagne décidé par les USA. L’inquiétude des membres du
Bilderberg est d’autant plus vive que la plupart d’entre eux sont des figures
majeures de la construction européenne.
Le projet d’une Europe
fédérée sur les plans politique, économique et culturel fut le fruit de
réflexions et de concertations menées à Londres, en 1943, par un petit groupe
de personnalités. Edmond
Giscard d’Estaing, Paul
van Zeeland, Joseph
Retinger en furent les principaux acteurs [32]. Trois ans plus tard, Van
Zeeland, Retinger et son « vieil ami » Colin Gubbins créèrent la Ligue
Indépendante de Coopération Européenne (ILEC). Il s’agissait d’un groupe de
pression transnational composé d’hommes d’affaires, de banquiers et de
politiques européens dont l’un des objectifs était l’établissement d’un
marché commun européen et d’une monnaie unique. L’ambassadeur américain en
Grande-Bretagne, Averell
Harriman mit sur pied la section américaine de l’ILEC.
Au mois de septembre 1946 Winston Churchill appela
solennellement à « ériger quelque chose comme les États-Unis d’Europe » [33]. Cet appel fut relayé par le
Congrès américain qui exigea que les Etats bénéficiaires du Plan Marshall
s’engagent à participer à ces États-Unis d’Europe
[34]. Au
même moment se créait, autour d’ Alexandre Marc, de Denis de Rougemont et
d’Henry Frenay, l’Union Européenne des Fédéralistes (UEF) dont le rôle essentiel était de mobiliser
l’opinion publique. De leur côté, les socialistes fondèrent le Mouvement
Socialiste pour les États-Unis d’Europe,
tandis que les chrétiens démocrates s’agrégèrent dans les Nouvelles
Équipes Internationales. Afin de coordonner ces
mouvements, Duncan
Sandys — gendre de Churchill — et Joseph Retinger organisèrent un
grand Congrès, financé par des fonds du Plan Marshall, à La Haye en mai 1948.
Ce congrès donna naissance au Mouvement Européen dont Retinger devint le Président. Dès le début,
mouvements fédéralistes et unionistes furent financés par la CIA. Mais ce
nouveau Mouvement Européen, avait
besoin de beaucoup d’argent pour fonctionner. A cette fin la CIA créa une
organisation spécifique : l’ACUE (American Committee for United Europe) à la direction de laquelle
on trouvait Walter
Bedell-Smith, directeur de la CIA et Allen Dulles directeur des plans de la CIA.
D’autres fonds parvinrent via la Fondation Ford dont un des dirigeants, Shepard Stone, lança en
1951 une grande campagne de soutien au Mouvement Européen. En 1952, ce même Shepard Stone finança la création du Groupe de
Bilderberg dont il devint un membre du comité directeur.
L’Europe était
sur les rails. Tout le monde cependant ne partageait pas ce bel enthousiasme.
Le Général de Gaulle
fit connaître son opinion par voix de presse : » N’est-ce pas
tuer l’Europe que de fabriquer, à grand
renfort d’intervention américaine, ce monstre, ce robot, ce Frankenstein, que
pour tromper le monde, on appelle la Communauté ? » [35] Et de pointer un doigt
accusateur sur cette construction communautaire où l’on voyait » s’y
employer des synarques [36] qui rêvent d’un empire supranational, des
politiques qui croient tout perdu si l’on ne cède pas à l’étranger, enfin cette sorte de gens
qui sont toujours prêts à s’inscrire pour le voyage de la lune, en souhaitant
secrètement que le départ soit différé. Tous voulaient être les
prophètes de l’Europe. » [37]
Pas question cependant de laisser le Général de
Gaulle jouer les troublions dans cette Alliance Atlantique dont le but était
« d’établir un ordre mondial stable » [38]. Mais la France, « pierre
angulaire de l’Europe de
l’Ouest continentale » [39] était sous bonne surveillance, plusieurs
organismes américains étaient installés à Paris. L’ECA (Economic
Cooperation Administration) tout d’abord, dont le siège était situé dans
l’hôtel Talleyrand (!), était en charge de la coordination, au niveau
européen, de l’attribution des aides du plan Marshall. L’ECA était dirigé par
Averell Harriman
qui, de retour aux USA en 1952, supervisa la mise en place du Comité
américain du Bilderberg. Également présent dans la capitale française le Comité
France-Amérique administré entre autres par David Rockefeller et C.D. Jackson, tous deux membres du comité
directeur du Bilderberg. Quant à Radio Free Europe — officine de la CIA — elle avait ses bureaux sur
les Champs-Élysées, et était dirigée par C.D. Jackson. Dans ce contexte, il n’est pas
surprenant que les réunions constitutives du Bilderberg se soient tenues à
Paris.
Le
formatage de l’élite transatlantique
Le Bilderberg est un
club élitiste, ne sont convié aux conférences que « des personnes influentes dont les relations
personnelles avec les hommes placés à la tête des affaires publiques
pourraient contribuer ... a rechercher une attitude commune sur les terrains politiques,
culturels, économiques et social. » Ses fondateurs estiment « beaucoup plus fructueux d’obtenir une
compréhension et une bonne volonté mutuelles entre des hommes occupant les
positions-clés dans chaque pays que d’essayer d’influencer directement
l’homme de la rue par voie de publicité ou de propagande » [40]. La méthode du Bilderberg
pour embrigader les élites qui s’emploieront à manipuler l’opinion publique,
est identique à celle utilisée par le Congrès pour la Liberté de la Culture [41] : « La CIA faisait circuler les objectifs américains
de politique extérieure et en retour, elle écoutait attentivement un groupe
dont la connaissance de l’Europe de
l’Ouest pouvait faciliter ou même modifier les méthodes et les arguments
utilisés pour formuler les mêmes objectifs. » [42] La recette, concoctée par le
Conseil de Stratégie Psychologique — PSB — créé en 1951 par le Président Truman, était
basée sur le manuel d’instruction des stratèges de la CIA, qui préconisait de « contester la théorie politique égalitaire et de
montrer la persistance et le caractère incontournable du pouvoir de l’élite,
même en un âge d’égalité. » Le PSB proposait la mise en place d’un « mouvement intellectuel à long terme » afin de « briser les modes de pensées doctrinaires hostiles
aux objectifs américains. » Pour cela il suggérait de prendre appui sur une
élite définie comme étant « un groupe numériquement
limité ... Qui forme ou du moins prépare les attitudes et opinions de ceux
qui à leur tour dirigent l’opinion publique. » [43] Ce parallélisme entre le
Bilderberg et le Congrès pour la Liberté de la Culture n’est pas le fruit du
hasard et l’on retrouve les mêmes acteurs dans les deux instances. La
doctrine fut élaborée par le PSB à la demande du président du National
Committee for Free Europe
(officine de la CIA), C.D. Jackson, qui, au même moment, constituait le
Comité américain du Bilderberg. Nommé, en 1953, conseiller spécial pour la
guerre psychologique du président Eisenhower il devient, en 1954,
administrateur du comité américain pour la Liberté de la Culture et membre du
comité directeur du Bilderberg. Cinq autres personnalités sont liées aux deux
instances : Hugh
Gaitskell, chancelier de l’échiquier britannique, Denis Healey député
travailliste, Stone
Shepard directeur de la Fondation Ford et David Rockefeller président de la Chase
Manhattan Bank.
Le mode d’emploi [Je sais gré à
l’auteuresse de ne pas avoir écrit
« Bildeberg,
mode d’emploi » ]
Le fonctionnement du
Bilderberg est décrit dans la brochure de présentation du groupe : Le Prince
Bernhard des Pays-Bas est le président et dirige chacune des réunions. Il est
assisté par un secrétaire général pour l’Europe
— Joseph Retinger jusqu’en 1958 [44] — et un secrétaire général pour les USA —
Joseph E. Johnson [45]
— Le Prince centralise toutes les activités de Bilderberg, désigne les
membres du Comité directeur et après consultation de ces derniers décide des
personnes à inviter aux conférences annuelles. Le Comité directeur se réunit
au moins deux fois par an. Sa composition est variable à l’exception d’un
petit groupe d’hommes qui sont toujours présents. Si, au début des années
cinquante, les Conférences de Bilderberg comptent une cinquantaine d’invités,
on en dénombre, aujourd’hui environ cent vingt. Considérant que « les dirigeants réels d’un pays ne sont pas
seulement les politiciens [et que ] d’autres grands intérêts — religieux,
financiers, industriels, syndicaux, intellectuels — jouent également leur
rôle en matière de relations entre pays [46] », la répartition des conférenciers est la
suivante : environ 1/3 d’hommes politiques, 1/4 d’hommes d’affaires, le
reste étant des intellectuels, des syndicalistes, des diplomates, des
fonctionnaires et des représentants de la presse. Les conférences durent
trois jours, dans un hôtel entièrement réservé à cet effet et gardé par une
escouade de policiers. Ni les conjoints, ni les secrétaires ne sont acceptés.
Chaque participant aux conférences devient membre » de facto du
Bilderberg et même s’il n’est plus invité par la suite, il peut sur demande
recevoir les comptes rendus des réunions et ainsi continuer à user de son « influence » pour « contribuer à la réalisation des objectifs que
Bilderberg s’est assigné ». La relation à la presse est ainsi décrite pas la
brochure de présentation :
« La
presse en tant que telle n’est pas admise aux conférences, cela ne signifie
pas pour autant que les journalistes soient exclus des réunions. En fait,
d’éminentes personnalités de la presse ont assisté à la plupart des
conférences, mais ils ont participé, comme tous les autres en leur qualité
personnelle » [47].
Cette belle architecture
faillit toutefois s’effondrer en 1976 lorsque le Prince Bernhard fut pris
dans la tourmente d’un scandale financier. Il fut contraint de
reconnaître qu’il avait reçu 1 million de dollars de pots-de-vin de la firme
Lockheed afin d’influencer le gouvernement hollandais pour l’achat d’avions
de chasse F-16. Le Prince démissionna de la présidence du Bilderberg et il
n’y eu pas de conférence cette année-là.
Les
socialistes sont nos meilleurs amis
Depuis la fin de la
seconde guerre mondiale, aux États-Unis, le clivage politique dans le domaine
des affaires étrangères ne se fait plus selon une ligne
Républicains/Démocrates mais selon une ligne
isolationniste/interventionniste. Dès 1941, le courant interventionniste
— politique de la porte ouverte — était devenu majoritaire dans les deux
camps. En 1952, le président Harry Truman institua une règle visant à assurer
la continuité de la politique extérieure quelque soit la majorité au pouvoir
[48].
Situation dont se félicite le Comité américain lors de la Conférence de
Bilderberg à Barbizon en 1955 :
« Le
large soutien auquel le Président est maintenant en mesure de faire appel
pour sa politique étrangère, et qui couvre sans doute les deux tiers ou les
trois quarts du parti républicain et une part considérable du parti
démocrate, permet de traiter maintes questions importantes dans un climat de
modération et de responsabilité. » L’objectif de Washington est d’exporter ce modèle
en Europe afin que la ligne atlantiste soit
conservée quelque soit le gouvernement en place, autrement dit s’assurer que
si les partis socialistes viennent au pouvoir, ils adoptent une ligne
compatible avec les intérêts américains. A la fin de la guerre les Etats-Unis
organisèrent la Non Communist Left Policy — NCLP — (politique de
gauche non communiste) qu’Averell
Harriman, résuma en ces termes au Congrès : « Les socialistes sont nos meilleurs amis en Europe » [49]. Sur le terrain, les
Américains savaient pouvoir compter sur de nombreux soutiens afin de
développer cette politique. En Italie tout d’abord, où dès 1945 les « États-Unis érigèrent la Démocratie chrétienne
italienne
(DCI) — un ramassis de collaborationnistes, de monarchistes et de
fascistes — comme rempart au communisme » [50]. Son dirigeant, Alcide De Gasperi,
président du Conseil Italien et ministre des Affaires étrangères de 1946 à
1953, qui recevait secrètement de l’argent de la CIA, suggéra à celle-ci de
financer aussi le parti socialiste.
« Bonne
idée » qui fut immédiatement mise en pratique [51]. Sa mort inopinée en 1954
priva le Bilderberg de sa collaboration. [52] En France, autre pays fortement contaminé —
selon Washington — par les idéaux communistes, c’est l’ambassadeur américain Jefferson Caffery, qui
était chargé des relations avec les socialistes. En 1946, celui-ci fit savoir
à Washington que Guy
Mollet, qui s’apprêtait a devenir secrétaire général de la SFIO, « n’avait aucune sympathie pour les communistes et
souhaitait par-dessus tout entretenir avec Washington des rapports amicaux [53] » Une note du
21 janvier 1947, des services de renseignement français — SDECE —
indiquait par ailleurs que « la NCLP prenait forme et
que le soutien économique des partis européens de gauche non communistes a
été décidé
[54] »
Fort de cette relation de proximité, l’ambassadeur Caffery discuta avec les socialistes de
l’éviction des ministres communistes du gouvernement Ramadier. Éviction
réalisée en mai 1947. Lorsqu’en mars 1949 les élections municipales
montrèrent une forte poussée des conservateurs, Caffery, fit savoir au président du Conseil, Henri Queuille, que « pour les États-Unis, les socialistes devaient
continuer à participer à la coalition gouvernementale » et dans la foulée alla
trouver Guy Mollet
pour lui demander de soutenir Queuille [55] . Guy Mollet devint en 1952 membre fondateur du Bilderberg. De
l’autre côté de la Manche, l’affaire s’annonçait délicate. Il était question
de mettre le Labor Parti (Parti travailliste) dans le « droit chemin ». Un organisme crée
en 1948 par le premier ministre travailliste Clement Attlee fut utilisé à cet effet.
L’IRD — Information Research Department — sorte de ministère secret de
la guerre froide rattaché au Foreign Office était étroitement relié à la CIA
[56]. Sa
mission était de produire et de divulguer des documents de propagande
anticommuniste [57].
Pour parvenir à ses fins, l’IRD cherchait à se « concilier les gens et les institutions qui, dans la tradition
politique de gauche, étaient généralement perçus comme des opposants aux
centres de pouvoir. Le but d’une telle conciliation était de se rapprocher
des groupes “progressistes” afin de contrôler leurs activités en les
influençant de l’intérieur. » [58] L’aile droite du Labor, en lutte contre le
communisme était principalement conduite par Hugh Gaitskell et Denis Healey. C’est par ces
proches de l’IRD que « la CIA espérait réussir
à mettre la pensée politique britannique au service de ses projets pour l’Europe » [59]. Hugh Gaitskell fut nommé ministre de
l’économie en 1950, puis Chancelier de l’Échiquier. Membre fondateur du
Bilderberg, il prendra la tête du parti travailliste en 1955. Denis Healey , quant à
lui, dirigeait le Département international du Parti travailliste
depuis 1948. Élu député travailliste en février 1952, il rejoignit
le Comité directeur du Bilderberg en 1954.
Quand le
Bilderberg voulait rééduquer le tiers-monde
Au milieu des années cinquante, les États-Unis
opèrent un virage sur l’aile. Les activités paramilitaires [60] et les opérations de
propagande s’avérant contre-productive, ils décident d’adopter une politique
moins agressive. La « libération » des pays d’Europe de l’Est prendra un peu de
retard d’autant plus que l’occident ne semble pas au mieux de sa forme :
sur le plan militaire, « les Russes ont pris de l’avance en matière
d’armement » [61] quant à l’économie, « le taux
généralement élevé de croissance économique [ de l’URSS ] semble être
supérieur aux taux occidentaux. Ceci contraste péniblement avec la récession
et le chômage croissant aux États-Unis. » [62] En réalité l’urgence du
moment se situe du côté des anciennes colonies principalement en Asie et en
Afrique.
Sur la scène internationale ont émergé
d’importantes personnalités du tiers monde qui ne se laissent guère intimider
par la cupide et belliqueuse élite occidentale. Pourtant si les prises de
position de leaders politiques tels que Sukarno, Nerhu, Hô Chi Minh, Nasser,
irritent Washington elles constituent néanmoins une opportunité à saisir afin
de prendre la main dans des pays jusqu’ici dominés par l’Europe. Difficile exercice pour lequel
il s’avère nécessaire d’amadouer les alliés occidentaux que l’on s’apprête à
dépouiller. La tension entre l’Europe et les
États-Unis est vive sur la question coloniale, et la réunion de Bilderberg du
8 février 1954 est en partie consacrée à trouver un consensus entre les
membres. En première analyse, les Européens relaient le ressentiment des
gouvernements à l’encontre de l’attitude américaine en Birmanie, en
Indonésie, en Indochine, au Maroc et plus généralement dans les Territoires
de l’Union Française [63]. Face à cette mise en cause, le Groupe
américain se retranche derrière son opinion publique, laquelle est, dit-on,
en proie à une « réaction sentimentale » et « hautement
émotionnelle » sur la question
du colonialisme et se place résolument du « côté des aspirations
nationalistes des peuples des colonies » [Oh ! les braves gens
bons ! Heureusement, bientôt, un jour, boum ! boum ! dites-le
avec des avions]. Une fois encore le grand Satan communiste permet aux
deux rives de l’Atlantique de se rapprocher et d’adopter une position commune
ainsi résumée : « Dans presque tous les cas l’abandon du pouvoir par
les Européens a laissé les peuples des colonies dans une compréhension du
gouvernement démocratique inadéquate et un manque de maturité pour affronter
les tâches auxquelles ils sont confrontés. Dans la confusion économique et politique
qui en résulte, les communistes sont en position de prendre le contrôle du
gouvernement. Nous devons insister sur le fait que c’est précisément le but
recherché par Moscou ... Nous devons considérer que les troubles [
fomentés par la Russie ] vont croître et que le problème des pays
sous-développés va monter en importance. »
La question du colonialisme est d’autant plus
prégnante que trois mois plus tard, en avril 1954, à l’initiative du
président indonésien Sukarno, une conférence au sommet réunira à Colombo,
capitale de Ceylan, les présidents d’Indonésie, d’Inde, de Ceylan, du
Pakistan et de la Birmanie. L’objectif de cette conférence, qui mettra sur
les rails le courant des « non-alignés » est de proposer une action
commune pour mettre fin à la guerre d’Indochine, où la situation est des plus
confuse, et où français et Américains sont engagés dans un véritable bras de
fer.
A la fin de la 2e Guerre Mondiale,
le Département d’État considérait que parmi toutes les administrations
coloniales de l’Asie du Sud-Est, l’administration française en Indochine
avant la guerre avait été la pire. Il entendait malgré tout obtenir de la
France la liberté du commerce en l’Indochine ainsi que la possibilité
d’établir des bases américaines. En octobre 1948 les USA se donnèrent pour
mission de débarrasser l’Indochine de l’influence communiste d’Hô Chi Minh et
d’instaurer un État entretenant avec l’Amérique des liens d’amitié, tout en
étant formellement associé à la France. Si bien qu’en 1954, la guerre
d’Indochine menée par la France était encore financée à plus de 80% par les
États-Unis [64].
Mais la cuisante défaite de Diên Biên Phu change la donne.
Les accords de Genève de juin 1954, signés pour la
France par Pierre Mendès France, prévoient la partition du Vietnam en deux
entités, le retrait des troupes occidentales, et des élections générales dans
les deux pays, en 1956. A la Maison Blanche, ces accords sont qualifiés de
« désastre » et l’on décide, premièrement de les saboter et deuxièmement
de prendre la place des Français. Un accord secret conclu entre Paris et
Washington en septembre 54 engage la France à soutenir Ngô Dihn Diêm, le
candidat des américains — profondément anti-français — pour les futures
élections. Un nouvel accord, militaire celui là interviendra quelques
semaines plus tard. Tandis que négociateurs européens et Américains mènent
leurs discussions, sur le terrain, au Vietnam, services secrets français —
défenseurs des puissants intérêts financiers en place — et CIA se livrent une
guerre souterraine faite de coups tordus, de sabotages, de manipulations et
de tentatives d’assassinats. [65]
Cette guerre souterraine n’empêche pas, toutefois,
le ministre français des Affaires étrangères, Antoine Pinay [66], de consacrer trois jours de son précieux temps
à la Conférence de Bilderberg qui, en cette année 1955, est hébergée à
Barbizon. En parallèle du conflit larvé franco-américain, une autre guerre se
dessine. Il s’agit, et la conférence de Bilderberg y consacre une session
entière, de se mettre en ordre de bataille afin de lutter contre le
neutralisme, problème déclaré par le président Eisenhower comme étant encore plus préoccupant
que le communisme. La question des « peuples non engagés » ainsi
définis : « nationalistes d’Asie, d’Afrique et du Moyen
Orient qui ne sont pas
pleinement ralliés aux idéaux et aux idées de l’Occident » est
longuement débattue et se voit conférer le statut d’ « urgence
politique". Urgence liée au calendrier, car nous sommes au mois de mars
et le 18 avril, 29 pays se réuniront à Bandung [67] pour une Conférence dont le
programme est, d’ores et déjà, considéré par le Bilderberg comme un catalogue
de « déclarations
anti-occidentales fondées sur l’anticolonialisme le plus superficiel et le
plus mal digéré. »
A Barbizon, les conférenciers se livrent alors à
une séance de psychanalyse d’où il ressort que ces peuples « encore
pauvres et inefficaces
(!) » n’ont pas opté pour l’Ouest dans sa lutte contre le
communisme du fait d’une « psychose » qui prend racine dans le
« ressentiment et
la jalousie » vis –à-vis de pays occidentaux dépeints comme
étant des « boucs émissaires ». L’assemblée décide de trouver des
« remèdes à cet état morbide qui peut nous faire perdre militairement
et politiquement l’Afrique et l’Asie » et conclu à la nécessité de « persuader ces
peuples d’accepter nos idées de société démocratique comme étant la seule
solution équitable des problèmes de l’humanité. » Une
première piste se dégage qui fait l’unanimité, et la Conférence se prononce
pour un programme visant à établir des « relations franches avec les
chefs de ces pays » dont la principale tâche doit-être de « rééduquer leurs
peuples ». [Heureusement,
bientôt, boum ! boum ! Insupportables canailles]
Pour renforcer les nouveaux liens avec ces peuples
« incapables de se rappeler que l’existence humaine est une vallée de
larmes » [je croyais
que c’était un long fleuve tranquille] une solution de
nature économique, cette fois, est envisagée. Mais il faudra, auparavant, que
l’occident se soit « débarrassé de sa complaisance passive pour la bonté et la perfection
de son système » et ce, d’autant plus rapidement, que jusqu’à
présent il n’a pas « subi d’agression de la part des Russes sur le
champ de bataille de l’économie ». A leur grand étonnement, les
conférenciers observent que jusqu’à présent, les Russes n’ont fait « aucune
tentative pour détraquer l’économie du monde libre par l’usage de leur propre
puissance ». Cette situation devra être exploitée au plus vite, car
« lorsque les peuples comparent ce qui s’est produit dans un pays qui
a été pris en main par le communisme et dans un pays qui est demeuré libre de
celui-ci, nous nous trouvons en face d’un immense défi. »
Pourtant, cet allant novateur ne portera pas ses
fruits et la conférence du Bilderberg réunit à Fiuggi du 4
au 6 octobre 1957, constatera que la « pénétration de la
civilisation, de l’éthique et des idéaux de l’Occident dans les pays non engagés »
a échoué et que la classe dirigeante des pays neufs manque toujours « d’admiration
pour nos standards techniques » et tarde à adopter « nos
standards politiques et moraux. » La crise de Suez n’avait sans
doute pas laissé que de bons souvenirs.
Nous
sommes tous des américains [68]
Aujourd’hui, la guerre froide est terminée,
l’Union Soviétique a disparu ainsi que le Pacte de Varsovie. En revanche,
l’OTAN est toujours là, le Bilderberg aussi.
Des protagonistes de la première heure seuls sont
toujours vivants, et assidus aux conférences, David Rockefeller (92 ans) et Henry Kissinger (83
ans). La principale fonction des conférences n’a pas changé, à savoir tester
et affiner la propagande que les « élites » au service de l’empire
américain utiliseront pour manipuler l’opinion publique, notamment lors des guerres de prédation
menées au nom de la Liberté [oui, comme le rappelle dans son recueil Le Pavé de l’ours,
Vincent Descombes nous rappelle qu’une guerre de prédation au nom de
l’oppression n’offre aucun attrait pour personne. Comment voulez-vous mener
une guerre au nom de l’oppression ?].
Depuis sa création, le Bilderberg, présidé depuis
l’an 2000 par le Vicomte
Etienne [du pont] Davignon, a monté en
prestige et aujourd’hui, l’on se flatte « d’en être ». La reine
Béatrix des Pays-Bas, fille du Prince Bernhard, honore de sa présence les
conférences depuis de nombreuses années.
En plus des ministres en exercice, des députés,
des journalistes, des banquiers et des PDG, sont régulièrement invités, la
plupart des commissaires européens (leur voyage est payé par la Commission
européenne [alors qu’ils sont
invités à titre privé, selon la doctrine]), les présidents du FMI et
de la Banque Mondiale, ainsi que le directeur général de l’OMC. Pour assurer
la sécurité de ces VIP, le gouvernement du pays hôte déploie une armada
policière, armada rétribuée cela va sans dire, par les contribuables [bien fait !]. Et l’on
nous dit, depuis 54 ans, que tout ceci est de nature strictement
privée [69]. Il
serait peur-être temps de rappeler à cette pseudo élite la sentence du
Président Roosevelt : « La liberté dans une démocratie n’est pas
assurée si le peuple tolère que la puissance privée grandisse au point
qu’elle devienne plus forte que l’état démocratique lui-même. Ce qui,
fondamentalement est le fascisme".
[2] La Tricontinentale est une
organisation qui fut crée en janvier 1966 à La Havane dans le cadre d’un
forum du tiers monde, révolutionnaire. Il s’agit pour les combattants
anti-impérialistes du tiers-monde de coordonner leur stratégie, axée sur la
priorité à la lutte armée et l’unité d’action entre les différents groupes
révolutionnaires se réclamant du marxisme-léninisme. La Tricontinentale
cessera d’exister deux plus tard peu après la mort d’Ernesto Guevara.
[3] Selon l’expression de Patrick
Devedjian, qui se flatte d’avoir été invité deux fois aux conférences
[4] Les citations en italiques de
ce paragraphe sont extraites de différents comptes rendus des réunions du
Bilderberg de 1952 à 1957
[5] Le secrétaire d’Etat Dean
Acheson fit valoir au Congrès américain en 1949 que « le Traité de l’Atlantique Nord est beaucoup plus
qu’un dispositif de défense. C’est l’affirmation de nos valeurs morales et
spirituelles communes » . Affirmation basée en partie sur l’Article 2 de
l’OTAN qui stipule entre autre :
« les
parties s’efforceront d’éliminer toute opposition dans leurs politiques
économiques internationales et encourageront la collaboration économique
entre chacune d’entre elles ou entre toutes. »
[6] Pietro Quaroni, membre du
Comité directeur du Bilderberg — Conférence de Fiuggi 4-6 octobre 1957
[7] Daniel Ganser — Les armées
secrètes de l’OTAN. Éditions Demi lune — 2007. Sont également liés aux Stay
Behind et membres du comité directeur du Bilderberg, le Prince Bernhard et
Jens Christian Hauge ministre de la défense norvégien
[8] Retinger the grey eminence —
John Pomian — Sussex University Press — 1972
[9] Frédéric Charpier — La CIA en
France, 60 ans d’ingérence dans les affaires françaises — SEUIL 2008
[10] Averell Harriman fut
ambassadeur US en URSS (1943-46) ambassadeur US au Royaume-Uni (1946)
secrétaire d’Etat au Commerce (1946-48) administrateur en Europe pour le Plan
Marshall (1948-50) Assistant spécial du président Harry Truman (1950-52)
Harriman fut également un homme d’affaire : Il fonde en 1922 la banque
W.A. Harriman qui aidera Fritz Thyssen à créer une banque à New York afin de
financer le parti nazi en Allemagne. Harriman s’associe avec Pescott Bush
(grand père de l’actuel président des États-Unis) qui préside l’Union Banking
Corporation. En 1941, les prisonniers du camps de concentration d’Auschwitz
sont soumis au travail forcé dans les usines de l’IG Farben et de la
Consolidated Steel. Cette dernière, rebaptisée Silesian American Cooproration
après son rachat par l’UBC est totalement contrôlée par Averell Harriman et
Prescott Bush
[11] Bedell Smith directeur de la
CIA — de 1950 à 1953 — puis sous secrétaire d’État
[12] chef adjoint de la Division
de la guerre psychologique durant la guerre, C.D. Jackson devient en 1951
directeur « externe » des
opérations secrètes de la CIA à travers le Comité pour une Europe Libre
l’objectif principal du Committee for a Free Europe était de financer
et d’organiser les intellectuels anticommunistes favorables à une démocratie
sociale. En janvier 1953, le président Eisenhower en fait son conseiller
spécial pour la guerre psychologique
[13] Jacques Pauwels — Le mythe
de la bonne guerre — Édition Aden 2005
[14] Jacques Pauwels op.cit.
[15] Fred J. Cook — Les vautours
de la guerre froide — Éditions Julliard 1964
[16] Yves Durand — Naissance de
la guerre froide — Édition Messidor 1984
[17] Jacques Pauwels op.cit.
[18] Jacques Pauwels op.cit.
[19] Lettre du Président Truman
au secrétaire d’État James Byrnes, in Justine Faure, L’ami américain — la Tchécoslovaquie
enjeu de la diplomatie américaine — Éditions Tallandier 2004
[20] Fred J. Cook . Op. Cit.
[21] Justine Faure. Op. Cit.
[22] Yves Durand. Op. Cit.
[23] Justine Faure. Op. Cit.
[24] Robert Bradley, attaché de
presse de l’ambassade US à Paris. Cité in Bernard Lefort — Mes carnets
secrets de la IV° République — Seuil 1996
[25] PPS/23 : Review of
Current Trends in U.S. Foreign Policy FRUS 1948, Volume I
[26] Fred J. Cook. Op. Cit.
[27] Fred J. Cook. Op. Cit.
[28] Justine Faure. Op. Cit.
[29] En 1937 Alberto Pirelli
dirigea la délégation de la confédération des industriels fascistes qui fut
reçue par Hitler à la Chancellerie. Source : Fabrice d’Almeida — La vie
mondaine sous le nazisme — Éditions Perrin 2006
[30] Annie lacroix-Riz — Plan
Marshall et commerce est/ouest — 1991
[31] Réponse du Département
d’État à un questionnaire d’Averell Harriman. FRUS III 1948 Western Europe 3
décembre 1948
[32] Thierry Grosbois — Chaire
Jean Monnet d’histoire de l’Europe contemporaine — Université Catholique
Louvain la Neuve
[33] L’ancien Premier ministre,
alors leader de l’opposition conservatrice, avait pris la parole à
l’Université de Zurich en ces termes : « Si les pays européens parvenaient à s’unir, leurs 300 à 400 millions
d’habitants connaîtraient, par le fruit de leur commun héritage, une
prospérité, une gloire, un bonheur qu’aucune borne, qu’aucune frontière ne limiterait
[...]. Il nous faut ériger quelque chose comme les États Unis
d’Europe. »
[34] Réseau Voltaire — Histoire
secrète de l’Union européenne — 28 juin 2004
[35] Charles de Gaulle — Oeuvre
complètes — Discours et messages — T II -Conférence de presse du 12 novembre
1953
[36] La Synarchie, ou Mouvement
Synarchique d’Empire est un courant de pensée qui se développe dans l’entre
deux-guerre. Son objectif est d’exercer le pouvoir au nom des compétences
techniques de ses membres, en dépassant le clivage droite-gauche. Selon les
Renseignements Généraux en 1941 (Rapport Chavin) les synarques se recrutaient
principalement à l’inspection des finances, polytechnique, école centrale,
sciences-po, conseil d’État, mais aussi dans le haut patronat (comité des
houillères). L’un des 12 fondateurs de la Synarchie est le Baron Léon de
Nervo, dont le Groupe abrita en 1937 la société secrète fasciste « France 1950 » à laquelle appartenait Edmond
Giscard d’Estaing.
Selon l’Ambassadeur
américain Biddle (1943) « ces hommes avaient dès
l’origine soutenu Pétain ... Et étaient d’aussi bons fascistes que leurs
homologues européens. » La Synarchie fonctionne selon les principes
suivants : société secrète avec ciment idéologique
Division en plusieurs
équipes et jeu sur tous les tableaux afin d’assurer la permanence du pouvoir
des membres de la Synarchie quelles que soient les tendances politiques de
régime ou de gouvernement Paravent de technicité afin d’échapper aux bagarres
politiques lors des changements de gouvernements ou de régime.
La Synarchie était
principalement financée par les Banques Worms, D’Indochine, de Paris et des
Pays-Bas. Mais à la fin de la guerre, en 1945, les renseignements Généraux
indiquent que la Synarchie, qui compte entre 1500 et 2000 membres, a pour
principal bailleur de fond, le Groupe de Nervo. D’après Annie Lacroix-Riz —
Le choix de la défaite — Armand Colin 2006
[37] Conférence de presse du 7 avril
1954
[38] Lors de l’ouverture de la
Conférence du Bilderberg à Wiesbaden en 1966, le Prince Bernhard défini ainsi
l’Alliance Atlantique : « L’Alliance Atlantique a
combiné deux objectifs. But primordial en 1949 : faire face à la menace
directe que les Soviets faisaient peser sur l’Europe. Mais l’Alliance
reflétait également une ambition plus large :
tisser
des liens solides de diverses nature entre les USA et l’Europe
édifier
par étape une Europe forte et unie
faire
échec aux menaces communistes en établissant un ordre mondial stable »
[39] FRUS 1948, Volume I
[40] Joseph Retinger « Le Groupe de Bilderberg » 1956
[41] Organisme chargé d’enrôler
des intellectuels pour mener la guerre froide culturelle.
[42] Frances Stonor Saunders —
Qui mène la danse — Editions Denoël 2003
[43] Frances Stonor Saunders. Op.
Cit.
[44] Il sera remplacé par Ernst
H. Van der Beugel Assistant du Ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas,
responsable des questions de l’OTAN et de l’Europe
[45] Président de 1950 à 1971 de
la Carnegie Endowment for International Peace.
[46] Joseph Retinger « Le Groupe de Bilderberg » 1956
[47] Ont participé à la
Conférence de 2007, en Turquie, les journalistes suivants :
Nicolas Beytout, rédacteur en chef du Figaro
Donald E. Graham
PDG du Washington Post
Josef Joffe,
rédacteur en chef du journal allemand Die Zeit
Anatole Kalestsky,
éditorialiste au Times
Fehmi Koru,
journaliste à Yeni Safek (Turquie)
Matthias Nass,
éditorialiste à Die Zeit
Toger Seidenfaden,
rédacteur en chef du journal danois Politiken
John Vinocur,
journaliste en chef à l’International Herald Tribune
Martin H. Wolf,
journaliste économique au Financial Times
Adrian D.
Wooldridge, journaliste du magazine The Economist
[48] En 1952, le président Harry
Truman institua une règle — non écrite — en vertu de laquelle la CIA devait
informer les deux candidats — républicain et démocrate — en lice pour les
élections présidentielles, de l’exacte situation des relations
internationales. Le premier objectif de Truman était d’assurer la continuité
de l’Etat en matière de politique étrangère durant la période de passation de
pouvoir et de mise en place de la nouvelle administration. L’autre objectif
était d’établir des liens étroits entre la CIA et le nouveau président et ses
conseillers. Jusqu’à aujourd’hui, aucun président n’a dérogé à cette règle.
Source : John L. Helgerson. CIA briefings of presidential candidates.
Central Intelligence Agency
[49] Diner and evening discussion
with Averell Harriman — Archive Truman Library 1 octobre 1952
[50] Daniel Ganser — Les armées
secrètes de l’OTAN — Editions Demi-lune 2007
[51] Franck Daninos — CIA une
histoire politique — Tallandier 2007
[52] « Mon cher président, Comme vous le savez, notre
groupe a toujours regretté l’absence d’un membre italien. J’ai maintenant le
plaisir de vous faire savoir que Mr De Gasperi, avec lequel j’ai eu une
longue conversation à la Haye, a accepté d’être des nôtres. » Extrait d’une lettre de
Retinger à Guy Mollet du 22 octobre 1953
[53] Irwin Wall — L’influence
américaine sur la politique française 1945-1954 — Balland 1989
[54] Annie Lacroix-Riz — Le choix
de Marianne — Editions Messidor 1986
[55] Irwin Wall. Op. Cit.
[56] En 1941, Roosevelt et
Churchill définirent des objectifs politiques communs à la Grande-Bretagne et
aux USA. Cette initiative est connues sous le nom de Relation Spéciale. Sur
le plan militaire une étroite collaboration fut mise en place, quant à la CIA
elle sera organisée selon le modèle britannique des services de
renseignements. La plus célèbre collaboration du tandem CIA/ MI6 est le renversement
du premier ministre iranien Mossadegh en août 1953.
[57] L’IRD élabora des rapports « factuels » sur toute sorte de sujets afin de
les distribuer parmi les membres de l’intelligentsia britannique, dont il
était alors attendu qu’ils recyclent les faits dans leurs propres travaux.
Ralph Murray , le premier chef de l’IRD écrit : « il est important qu’au Royaume-Uni, comme
ailleurs, on ne donne pas au public l’impression que le Foreign Office
organise une campagne de propagande anticommuniste ». In Frances Stonor
Saunders
[58] Frances Stonor Saunders. Op.
Cit.
[59] Frances Stonor Saunders. Op.
Cit.
[60] Ces activités paramilitaires
sont ainsi définies : Inciter à des actions et des attitudes de
résistance dans le but de mettre la pression sur les autorités communistes,
de discréditer ces autorités et de provoquer une intervention soviétique ...
Organiser, entraîner,et équiper des organisations clandestines capables de
lancer des raids sur une grande échelle et d’être disponibles en cas de
guerre . Directive du National Security Council du 29 juin 1953 (N° 74 NSC
158) : Objectifs des Etats-Unis et actions pour exploiter le malaise
dans les Etats satellites / Dwight D Eisenhower Library
[61] Conférence de Bilderberg à
Barbizon 1955
[62] Ibid
[63] De fait à la fin de la guerre
les USA ont élaboré un vaste programme d’exportation de capital. En décembre
1952, Eisenhower considérait comme une priorité d’assurer aux Etats-Unis un
approvisionnement permanent en matières premières bon marché des pays
sous-développés. Annie Lacroix-Riz, Les protectorats d’Afrique du Nord entre
la France et Washington — L’Harmattan 2005
[64] Irwin.Wall. Op. Cit.
[65] Frédéric Charpier — La CIA en
France, 60 ans d’ingérence dans les affaires françaises — SEUIL 2008
[66] Ancien membre du Conseil
National sous Pétain et décoré par lui de l’Ordre de la francisque. Dans le
cadre du « Plan Cloven »
destiné à liquider le PCF, Antoine Pinay travailla en étroite collaboration
avec David Bruce, ambassadeur américain à Paris. Le Département d’Etat lui
rendit hommage pour son efficacité dans la lutte anticommuniste.
[67] Du 18 au 24 avril 1955 à
Bandung (Java) Cette conférence réunie 29 pays : seize pays d’Asie
(Afghanistan, Birmanie, Cambodge, Ceylan (l’actuel Sri Lanka), République
populaire de Chine, Inde, Indonésie, Japon, Laos, Népal, Pakistan,
Philippines, Soudan, Siam (l’actuelle Thaïlande), République populaire du
Vietnam, État du Vietnam), neuf du Moyen-Orient (Arabie saoudite, Égypte,
Iran, Irak, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie et Yémen) et quatre pays
africains (Côte-de-l’Or (l’actuel Ghana), Éthiopie, Libéria et Libye) La
conférence conceptualise le « neutralisme
positif » fondé sur le droit à l’indépendance, la revendication à
l’égalité, la coexistence pacifique, le refus des alliances étrangères,
l’indépendance dans la gestion des problèmes internationaux, le droit au
développement économique, le désarmement général et complet.
[68] C’est à Nicole Bacharan,
invitée d’Yves Calvi du 4 mars, que l’on doit (le 11 septembre 2001), le
célèbre slogan « nous sommes tous des
américains ». Slogan qui sera repris le lendemain, avec le succès que
l’on sait par l’éditorialiste du Monde.
[69] « Les réunions de Bilderberg revêtent un caractère
strictement privé, de telle sorte que les participants peuvent s’exprimer
librement dans une atmosphère absolument confidentielle ... Il serait
totalement erroné d’en déduire que les réunions de Bilderberg sont
enveloppées de mystère : ni les sujets traités, ni les échanges de vues
ne sont“ secrets”par nature ; les discussions sont tout simplement
privées et de ce fait confidentielles. » Extrait de la brochure
de présentation du Bilderberg — 1966.
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