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Brentano est un con

Lors de la vision d’un ours polaire le seul phénomène ‑ le seul apparaissant ‑ c’est l’ours polaire et non la vision qui n’est pas un phénomène ‑ un apparaissant ‑, et ne paraît donc jamais. De ce fait, il n’y a pas de phénomènes psychiques ‑ apparaissant psychique ‑ à opposer aux phénomènes physiques ‑ apparaissant physique ‑. Quand personne ne daigne voir l’ours, il ne paraît pas et il cesse d’être un phénomène ‑ un apparaissant ‑ ce qui ne l’empêche pas de demeurer ours polaire. Quand on daigne voir l’ours polaire, l’ours polaire daigne apparaître là ou il est et tel qu’il est. Apparaître, vu, être vu, apparaissant ne sont pas des qualités de l’ours mais des qualités d’une mauvaise rencontre si celle-ci a lieu hors d’un zoo. Ce n’est pas la vision de l’ours qui est un phénomène mais l’ours. La vision n’est pas un phénomène. La vision a lieu puisque l’ours paraît mais la vision ne paraît pas pour autant, elle n’est pas un phénomène, elle n’est pas un apparaissant, elle n’est pas ce qui paraît. Il n’y a pas d’inexistence mentale de l’ours mais le concept « ours polaire » n’en a pas moins un sens patiemment appris, bien mieux, ce concept n’est que sens, il est pure signification, car il ne dénote rien. S’il y avait des phénomènes là où Brentano le dit, ces phénomènes ne seraient pas psychiques ; phénomène certes mais non pas phénomène psychique, phénomènes comme n’importe quel phénomène. C’est la thèse que soutient Sartre dans « De la transcendance de l’ego ».

Psychologie du point de vue empirique

Livre II

LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES EN GÉNÉRAL

CHAPITRE PREMIER

DIFFÉRENCE ENTRE PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES ET PHÉNOMÈNES PHYSIQUES

§5 Quel caractère positif pourrions-nous proposer ? Ou bien n’existerait-il aucune définition positive, valable pour tous les phénomènes psychiques (psychische Phänomene) ? A. Bain pense que c’est bien le cas. Des psychologues de l’Antiquité n’en ont pas mains noté la parenté et l’ analogie particulière qui existent entre tous les phénomènes psychiques, tandis qu’on ne la rencontre pas dans les phénomènes physiques.

Ce qui caractérise tout phénomène psychique, c’est ce que les Scolastiques du Moyen Âge ont appelé l’inexistence intentionnelle (ou encore mentale) d’un objet [3] et ce que nous pouvons appeler nous-mêmes ‑ en usant d’expressions qui n’excluent pas toute équivoque verbale ‑ la relation à un contenu, la direction vers un objet (sans qu’il faille entendre par là une réalité (Realität)) ou objectivité (Gegenstcindlichkeit) immanente. Tout phénomène psychique contient en soi quelque chose à titre d’objet (Objekt), mais chacun le contient à sa façon. Dans la représentation, c’est quelque chose qui est représenté, dans le jugement quelque chose qui est admis ou rejeté, dans l’amour quelque chose qui est aimé, dans la haine quelque chose qui est haï, dans le désir quelque chose qui est désiré et ainsi de suite [1].

Cette inexistence intentionnelle appartient exclusivement aux phénomènes psychiques. Aucun phénomène physique ne présente rien de semblable. Nous pouvons donc définir les phénomènes psychiques en disant que ce sont les phénomènes qui contiennent intentionnellement un objet (Gegenstand) en eux.

3. Ils emploient également l’expression « exister à titre objectif (objective) dans quelque chose ». Si nous voulions nous servir da la même expression, ce serait pour désigner une existence effectivement réelle en dehors de l’esprit. C’est ce que nous rappelle l’expression « exister à titre d’objet immanent », que l’on utilise parfois dans le même sens et où le terme « immanent » est destiné à lever tout malentendu.

1. Aristote parle déjà de cette inhabitation psychique. Dans son traité De l’âme, il dit que le senti est, comme tel, dans le sentant, que le sentant contient immatériellement l’objet senti, que le pensé est dans l’intellect pensant. Chez Philon nous trouvons également la doctrine de l’existence et de l’inexistence mentales. Mais en les confondant avec l’existence au sens propre du mot, il aboutit à sa doctrine contradictoire du Logos et des Idées. Il en est de même pour les Néo-platoniciens. Augustin, dans sa doctrine du Verbum mentis et de son origine interne (innerlicher Ausgang), fait allusion à la même réalité. Anselme s’y réfère également dans son célèbre argument ontologique; et l’on a fait souvent observer que sa considération de l’existence mentale comme existence véritable est à la source de son paralogisme (Cf Überweg, Geschichte der Philosophie, II). Thomas d’Aquin enseigne que l’objet pensé est intentionnellement dans le sujet pensant, l’objet de l’amour dans le sujet aimant, l’objet désiré dans le sujet qui désire, et il utilise toutes ces remarques à des fins théologiques. Quand l’Écriture Sainte parle d’une inhabitation du Saint-Esprit, Thomas nous explique qu’il s’agit d’une inhabitation intentionnelle dans un acte d’amour. Et c’est aussi dans l’inexistence intentionnelle telle qu’elle se révèle dans l’acte de penser et dans l’acte d’aimer qu’il essaye de trouver une certaine analogie pour le mystère de la Sainte Trinité et la procession ad infra du Verbe et de l’Esprit.

§2 (…) Toute représentation sensorielle ou imaginative peut fournir des exemples de phénomènes psychiques. Et par représentation j’entends ici non pas ce qui est représenté, mais l’acte de représenter. L’audition d’un son, la vision  d’un objet coloré, la sensation de chaud et de froid ainsi que tous les états analogues de notre imagination sont des exemples au sens où je prends ce terme ; mais également l’acte de penser une notion générale, si tant est que cet acte existe effectivement. En outre, n’importe quel jugement, n’importe quel souvenir, n’importe quelle attente, n’importe quel raisonnement, n’importe quelle croyance ou opinion, n’importe quel doute constituent des phénomènes psychiques. De même tout ce qui est émotion joie, tristesse, crainte, espoir, courage, découragement, colère, amour, haine, désir, volonté, intention, étonnement, admiration, mépris, etc.

Comme exemples de phénomènes physiques nous citerons une couleur , une figure, un paysage que je vois, un accord que j’entends, la chaleur, le froid, l’odeur que je sens et toutes les images du même genre qui apparaissent dans mon imagination.

 Nous lisons donc que la vision d’un quelque chose est un phénomène et plus bas que le quelque chose aussi est un phénomène. Or la vision n’est pas un phénomène puisque la vision est invisible, de même l’audition n’est pas audible, le son, seul, est audible, le toucher n’est pas tangible etc. La chute d’un arbre occasionne des ondes de matière dans l’air et dans la terre et l’on peut grâce à un manomètre enregistreur constater que les ondes ont lieu même quand il n’y a pas audition ; mais sans audition, il n’y a pas de son. La stupide question « Un arbre qui tombe dans la forêt alors que personne n’est là fait-il du bruit ? » revient à demander s’il y a audition quand il n’y a pas audition.

 

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                        M. Ripley s’amuse                       

 

2 mars 2015