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Benny Morris

La vision des choses de BM en 1999 dans Righteous Victims.

 

La naissance du problème des réfugiés palestiniens

 

Outre l’émergence de l’État d’Israël, la guerre de 1948 eut comme conséquence notable l’anéantissement de la société palestinienne et la naissance du problème des réfugiés. Environ 700 000 Arabes — ce chiffre deviendrait une pomme de discorde, car les Israéliens parleraient officiellement de quelque 520 000 Arabes, tandis que les Palestiniens avanceraient le chiffre de 900 000 à 1 000 000 — s’enfuirent ou furent expulsés des régions qui devinrent l’État juif et s’établirent dans les territoires connus aujourd’hui sous le nom de « Cisjordanie » et de « bande de Gaza », ainsi qu’en Transjordanie, en Syrie et au Liban ; certaines petites communautés se fixèrent également en Égypte, en Irak et dans les États de la péninsule arabique. À la fin de la guerre, moins de la moitié des Palestiniens habitaient encore chez eux : il en restait à peine 150 000 en Israël, quelque 400 000 en Cisjordanie et 60 000 dans la bande de Gaza.

La raison de l’exode de 700 000 personnes suscita par la suite d’âpres discussions entre Israël et ses défenseurs d’une part, et les Arabes et leurs partisans d’autre part. Les porte-parole israéliens — parmi lesquels des historiens et auteurs de manuels reconnus » — soutinrent que les Arabes avaient fui « volontairement » ou parce que les dirigeants palestiniens et ceux des pays arabes leur avaient vivement conseillé ou ordonné de le faire, afin d’évacuer le terrain en vue de l’invasion du 15 mai et de pouvoir ainsi prétendre qu’ils avaient subi une expulsion systématique. Les porte-parole des Arabes affirmèrent pour leur part qu’Israël avait planifié l’expulsion systématique de ces Palestiniens maintenant réfugiés. Les très nombreux documents retrouvés dans les archives israéliennes et occidentales au cours des années quatre-vingt ont prouvé qu’aucune des versions « officielles » n’est exacte ou suffisante.

L’apparition du problème était presque inévitable, étant donné l’enchevêtrement géographique des populations, l’histoire de l’antagonisme judéo-arabe depuis 1917, le rejet par les deux parties d’une solution binationale, la profondeur de l’animosité arabe envers les Juifs et leur crainte d’être soumis à l’autorité sioniste.

Les faiblesses structurelles qui caractérisaient la société palestinienne à la veille de la guerre la prédisposaient particulièrement à la désintégration et à l’exode. Son organisation était en effet médiocre, sa cohésion sociale et politique très faible. De profonds clivages divisaient les populations rurale et urbaine, les musulmans et les chrétiens et les divers clans de l’élite ; en outre, il n’existait aucun dirigeant représentatif et aucune institution nationale efficace.

Sous l’effet des processus économiques et sociaux qui avaient vu le jour au milieu du XIXe siècle, une grande partie de la population rurale se retrouva sans terre dès les années quarante. Dès lors, un flux croissant de population se déversa régulièrement dans les bas quartiers et les bidonvilles des zones urbaines ; ce phénomène mena, dans une certaine mesure, à un divorce d’avec la terre, tant physique que psychologique. De plus, quelque 70 à 80 % de la population était analphabète, ce qui, d’une certaine manière, engendrait et reflétait un très faible degré de conscience et d’activisme politique. La classe défavorisée des villes et la paysannerie partageaient très peu, voire pas du tout, le « nationalisme » de l’élite urbaine. Enfin, contrairement au Yishouv, les Arabes de Palestine n’étaient pas parvenus à dépasser le stade d’une économie primitive basée sur l’agriculture et à atteindre une économie préindustrielle. Il convient aussi de souligner que dans les villes, très peu de travailleurs arabes étaient syndiqués ; hormis les quelques Palestiniens au service du gouvernement britannique, aucun ne bénéficiait d’une assurance contre le chômage. Véritablement refusés d’embauche dans les entreprises et les fermes juives lorsque les usines et les bureaux arabes fermèrent, ils perdirent dès lors leurs moyens de subsistance. Pour certains, l’exil apparut peut-être comme une solution séduisante, tout au moins jusqu’à ce que la situation en Palestine s’apaise.

Un autre facteur décisif fut la tendance parmi les dirigeants du Yishouv à considérer le transfert comme une solution légitime au « problème arabe ». Des documents sionistes récemment déclassifiés démontrent qu’un consensus presque parfait s’était formé parmi les dirigeants sionistes : dans le sillage des recommandations de la Commission Peel publiées en juillet 1937, ils s’étaient entendus sur le bien-fondé du transfert d’au moins quelques centaines de milliers d’Arabes palestiniens, voire de tous les Arabes de Palestine, hors de la zone potentiellement réservée au futur État juif. Ben Gourion lui-même donna le ton en juin 1938 : « Je suis pour un transfert obligatoire ;je n’y vois rien d’immoral. »

Il resta sur ses positions — bien qu’il eût conscience de la nécessité de rester discret, pour des raisons tactiques. En 1944, au cours d’une réunion de l’Exécutif de l’Agence juive consacrée à la ligne de conduite qu’il convenait d’adopter face à la décision du Parti travailliste britannique de recommander le transfert des Arabes de Palestine, Ben Gourion déclara :

Lorsque j’ai appris cette décision… il m’a fallu réfléchir longuement et sérieusement à la question. … [mais] j’en suis arrivé à la conclusion [qu’il vaudrait mieux] que cette idée reste [dans le programme du Parti travailliste]. … Si l’on me demandait ce que serait notre programme, il ne me viendrait pas à l’esprit de parler de transfert… parce qu’en parler pourrait [nous] faire du tort... dans l’opinion internationale; cela risquerait en effet de donner l’impression qu’il ne peut y avoir de place sur la Terre d’Israël sans en évincer les Arabes [et] ... ceux-ci s’inquiéteraient et se monteraient contre nous. ...

Il ajouta :

Transférer des Arabes est plus facile qu’avec n’importe quel autre [peuple]. Il y a d’autres États arabes tout autour. ... Et il est clair que si les Arabes [de Palestine] sont transférés, leur situation n’en sera que meilleure.

Aucun membre de l’Exécutif ne s’opposa à ce point de vue ni ne douta de cette affirmation ; la plupart se prononcèrent même en faveur de cette ligne de conduite. Moshé  Sharett, directeur du Département politique de l’Agence juive, déclara :

« Le transfert pourrait constituer l’ultime réalisation, le stade final du déploiement de [notre] politique, mais certainement pas en être le point de départ. En [en parlant publiquement et prématurément] nous mobiliserions de vastes forces contre ce scénario et, d’emblée, le mènerions tout droit à l’échec. »

Et de poursuivre :

Lorsque l’État juif sera établi... le résultat pourrait fort bien en être le transfert des Arabes.

Le 7 février 1948, trois mois après le début de la guerre, Ben Gourion dit au Comité central du Mapaï que, dans les quartiers ouest de Jérusalem, d’où les Arabes avaient fui ou avaient été expulsés, il n’avait vu

aucun étranger [arabe]. Jérusalem n’a plus été aussi juive depuis sa destruction au temps des Romains. ... Je présume que cela ne changera pas. ... Et ce qui s’est passé à Jérusalem... pourrait bien survenir ailleurs dans le pays... si nous tenons bon, il est tout à fait possible que dans les six, huit ou dix mois de guerre à venir, d’importants changements se produisent. ... Il y aura certainement de grands bouleversements dans la composition de la population du pays.

Ces « importants changements » se déroulèrent en quatre étapes. La première eut lieu entre décembre 1947 et mars 1948, lorsque le Yishouv était encore dans sa phase défensive et que les Arabes des classes moyennes et dirigeantes — jusqu’à soixante-quinze mille peut-être — s’enfuirent, principalement des villes à population mixte, ou envoyèrent leur famille en Cisjordanie, au Liban, en Égypte, en Syrie ou en Transjordanie. Dans ce contexte, on ne soulignera jamais assez l’effet néfaste que produisit sur le moral des Arabes la série d’attentats à la bombe perpétrés par l’Irgoun et le Lehi dans les grandes villes.

Ces familles avaient les moyens de s’installer confortablement au Caire, à Naplouse, à Amman ou à Beyrouth, et la plupart considéraient en tout cas cet exil comme temporaire. Comme lors de l’exode de 1936-1939, tous pensaient rentrer chez eux à la fin des hostilités. Beaucoup de grandes familles craignaient également et supportaient mal l’idée d’une domination des Husseini et, de fait, appréhendaient peut-être autant l’avenir dans une Palestine dirigée par les Husseini que sous la coupe des Juifs. C’est à ce moment que la plupart des dirigeants politiques et/ou leur famille quittèrent le pays ; ce fut notamment le cas de presque tous les membres du HCA [Haut Comité Arabe] et du Comité national de Haïfa. Les hostilités entre Juifs et Arabes ne constituaient en réalité qu’un aspect de l’effondrement général de l’ordre public depuis la résolution des Nations unies adoptant le plan de partage de la Palestine : en effet, les services publics s’écroulaient petit à petit et l’autorité britannique se faisait moins palpable ;les irréguliers arabes affluaient, tant dans les régions urbaines que dans les campagnes, extorquaient de l’argent aux familles prospères et s’attaquaient occasionnellement aux passants.

Les Arabes abandonnèrent aussi un certain nombre de villages dans les régions à majorité juive destinées à l’État juif, telles que la plaine côtière. Dans les villages à la périphérie des centres urbains hébreux, ce fut la crainte des Juifs, combinée à une réelle intimidation (principalement l’œuvre de l’Irgoun et du Lehi), qui provoqua la fuite. Dans un cas au moins, il y eut aussi expulsion pure et simple par la Haganah le 20 février à Césarée, à mi-chemin entre Tel-Aviv et Haïfa.

La fuite des classes moyennes et dirigeantes entraîna la fermeture des écoles, des cliniques et des hôpitaux, celle des entreprises et des bureaux, qui à son tour engendra chômage et appauvrissement. Telle fut la toile de fond de la deuxième phase, l’exode massif des quartiers urbains et des régions rurales envahis par les forces juives au printemps 1948. La fuite précoce de l’élite avait sapé le moral de la population et fait figure d’exemple.

Les attaques militaires juives, ou la crainte de tels assauts, constituèrent la cause première de l’exode massif d’avril à juin 1948. Dans presque tous les cas — qu’il s’agisse de l’exode frappant Haïfa du 21 avril au 1er mai, de celui de Jaffa fin avril et début mai, de Tibériade les 17 et 18 avril ou de Safed le 10 mai — l’exode fut la conséquence directe et immédiate d’attaques lancées contre des quartiers et villes arabes ainsi que de leur conquête. Jamais la population palestinienne n’abandonna ses maisons avant qu’une attaque ait eu lieu ; dans la très grande majorité des cas, elle le fit le jour même de l’attaque et au cours des quelques jours suivants. Et la fuite s’avéra contagieuse. La chute des grandes villes, telles Haïfa et Jaffa, et l’hémorragie humaine qui s’ensuivit contaminèrent les villages voisins, rapidement frappés du même pessimisme et du même désespoir. Dans les campagnes, la fuite d’un clan mena à celle des clans voisins, la fuite d’un village, à celle des villages proches.

Les documents de la Haganah décrivent « une psychose de la fuite » s’emparant de la population palestinienne au cours de cette période. Les échos du massacre des villageois de Deir Yassine, le 9 avril, amplifiés par la propagande arabe relatant avec emphase les atrocités commises en cet endroit, renforcèrent et symbolisèrent cette psychose. La crainte de subir le même sort poussa les villageois à fuir rapidement, et d’autres massacres commis par les Juifs vinrent régulièrement renforcer ce « facteur d’atrocité » pendant les mois de guerre, particulièrement au mois d’octobre. Les habitants de quelques villages (plus d’une douzaine) furent expulsés par des troupes juives avant le début de la première trêve (le 11 juin), et d’autres furent intimidés par la propagande des agents de la Haganah. Dans la plupart des régions, l’expulsion directe ne s’avéra pas nécessaire : villageois et citadins abandonnèrent généralement les foyers dès les premiers coups de canon.

Dans certaines régions, les commandants arabes ordonnèrent l’évacuation des villageois pour laisser le champ libre à l’une ou l’autre intervention militaire ou pour éviter toute reddition. Plus d’une demi-douzaine de villages [sur 418 détruits] — aux abords nord de Jérusalem et en basse Galilée — furent abandonnés durant ces mois de guerre à la suite de tels ordres. Ailleurs, à Jérusalem-Est et dans de nombreux villages du pays, il arriva aussi que les commandants décrètent la mise à l’écart des vieillards, des femmes et des enfants pour leur propre sécurité. En effet, les Arabes avaient commencé dès 1946-1947 à se préparer psychologiquement à évacuer leurs familles des champs de bataille, puisque le HCA et la Ligue arabe évoquaient parfois cette manoeuvre lorsqu’ils envisageaient la possibilité d’une guerre en Palestine. En tout, quelque deux cent à trois cent mille Arabes fuirent leurs maisons au cours de cette deuxième vague d’exode.

Durant la première phase, il n’y eut, chez les sionistes, aucune politique d’expulsion ou d’intimidation dans le but de se débarrasser des Arabes, bien que beaucoup de Juifs, parmi lesquels Ben Gourion, se soient réjouis d’assister à une fuite qu’ils espéraient la plus massive possible. Toutefois, les mesures de rétorsion exercées par les Juifs, qu’il s’agisse de la Haganah ou de l’Irgoun, ainsi que les attentats à la bombe perpétrés par l’Irgoun et/ou le Lehi précipitèrent indubitablement cet exode [mais pas du tout la sainte Hagana, ni saint Ben Gourion. Il se déplaça en personne sur les lieux, à Haïfa, pour décider de la destruction et de l’expulsion]. En outre, hormis quelques tentatives sporadiques du HCA, les dirigeants arabes ne prirent aucune mesure pour freiner l’émigration des classes moyennes et dirigeantes.

Au cours de la seconde phase, en l’absence de toute politique globale d’expulsion [en petit comité, ils ne parlaient que de ça depuis 1930], le plan D de la Haganah se solda sans conteste [enfin quelque chose de non contestable] par un exode massif. Les commandants avaient reçu l’autorisation [non pas l’autorisation mais l’ordre écrit  d’expulser ou l’autorisation écrite de détruire selon leur humeur. Sur certains ordres écrits était expressément mentionnée, sous euphémisme, la recommandation de détruire] d’évacuer la population des villages ainsi que de certains districts urbains et de raser les localités s’ils le jugeaient nécessaire pour atteindre les objectifs militaires. Nombre d’entre eux adhérèrent sans hésitation à l’idéal que représentait la création d’un État juif pourvu d’une minorité arabe aussi réduite que possible. Certains généraux, tel Allon, agirent manifestement comme s’ils poursuivaient ce but [donc ils le poursuivait, il n’y a pas d’effet sans cause. Quelle rhétorique sinueuse, ondulante même. C’est la danse des sept voiles].

Du côté arabe, une grande confusion régnait à ce moment quant à l’exode et à ses péripéties. Les gouvernements semblaient simplement ne pas comprendre ce qui était en train de se produire [comme d’habitude] et, au début, ne firent rien pour s’y opposer. En effet, les représentants du HCA enjoignirent à la population de Haïfa de continuer à fuir, après que le mouvement eut déjà commencé. Mais cet exode, à en juger par les documents, ne fut pas amorcé par un ordre émanant du HCA, contrairement à ce que les porte-parole juifs affirmèrent par la suite. Il est tout à fait possible que les dirigeants palestiniens et ceux des États arabes aient été heureux d’assister à ce phénomène, car il leur fournissait un prétexte pour justifier une intervention dès le départ des Britanniques. Toutefois, dès le début du mois de mai, le HCA et certains États arabes commencèrent à réagir. À plusieurs reprises, la Transjordanie, le HCA et l’Armée de Libération arabe avertirent les habitants de rester sur place et tentèrent de faire pression sur ceux qui avaient déjà quitté le pays afin qu’ils reviennent, mais en vain. Pendant ce temps, et certainement à partir de la mi-mai, la Haganah adopta une politique visant à empêcher les réfugiés de revenir dans leurs foyers, en tirant de vraies balles si nécessaire [mais aussi en détruisant deux cents villages avant le 15 mai, sur les terres « juives ». Pourquoi, s’il n’y avait pas d’intention, avoir détruit 200 villages avant le 15 mai ? Un autre mensonge (n’appelons pas cela mythe, c’est insulter les mythes en général) veut que ne furent détruits que les villages qui avaient résisté. Or, d’une part, il y eut 418 villages détruits, donc 418 village résistants ; ce qui est d’autre part nier que les villageois fuirent d’eux-mêmes, effrayés ou non, pour quelque motif que ce soit et ceci avant ou après le 15 mai ; puisqu’ils résistèrent dans 418 villages. Ou bien ils fuient d’eux-mêmes, ou bien ils résistent. Pappé nous apprend que les villages qui demeurent, en Galilée, ont demeuré parce qu’ils ont résisté, de même pour le Wadi Ara].

L’invasion panarabe [c’est beaucoup dire, étant donné, notamment, l’accord secret avec le roi Abdallah] du 15 mai affermit sans aucun doute la résolution israélienne quant au sort des populations civiles palestiniennes, pour des raisons militaires et politiques bien compréhensibles. Sans passer par un vote formel, le Cabinet décida le 16 juin d’interdire le retour des réfugiés. L’état-major général des FDI ordonna à ses unités d’écarter les réfugiés qui tenteraient de revenir par des tirs à balles réelles [après la destruction systématique des villages, voici le tir à balles réelles sur des gens qui fuyaient d’eux-mêmes prétendument et subissait une psychose de fuite ! Les voilà affublés d’une psychose de retour]. Parallèlement, l’armée, les colonies et le Département de la terre du Fonds national juif prirent une série de mesures destinées à prévenir le retour des réfugiés [le crime de déplacement de population est donc caractérisé]. Les villages abandonnés [parce que leurs habitants furent expulsés. Il y a là un sévère problème chronologique] furent rasés, minés ou repeuplés de nouveaux immigrants juifs, à l’instar des quartiers urbains abandonnés [après trois semaines de siège, comme à Jaffa ?] ; des champs furent brûlés et les propriétaires encore présents furent poussés à vendre et à s’en aller ; de nouvelles implantations furent établies sur les terres des Arabes, et leurs habitants commencèrent à cultiver les champs abandonnés.

Lors de la troisième et de la quatrième vague de l’exode palestinien, en juillet et pendant les mois d’octobre et de novembre 1948, environ trois cent mille réfugiés vinrent s’ajouter à la liste, en ce compris les soixante mille habitants de Lydda [avec massacre ; la routine, quoi !] et Ramleh, expulsés par les troupes des FDI. Cependant, la plupart des Arabes de Nazareth furent autorisés à rester, vraisemblablement pour éviter toute réaction négative de la part des États chrétiens d’Occident [exactement , comme je le relate, preuves à l’appui. Ben Gourion faisait ses coups en douce et envoyait des lettres pleurnichardes au général De Gaulle. Pourquoi d’ailleurs, qu’avait-t-il à craindre alors ? Était-ce sa mauvaise conscience (Lady Macbeth !) Mais non, cet homme n’a jamais eu mauvaise conscience de sa vie. A part ça, il était d’une grande compétence dans ses entreprises criminelles, hélas ! Bien plus compétent que Hitler. Hitler était un hystérique, ce que n’était pas Ben Gourion. Ben Gourion a toujours fait preuve d’un parfait à propos].

L’empressement israélien à expulser les Arabes fut, dans une certaine mesure, contrebalancé par la volonté nouvellement affichée par ces derniers de rester en place. Dès le mois d’octobre, les villageois de Galilée avaient eu vent de la misère et du manque de logements dont souffraient ceux qui étaient déjà partis, et ils comprirent que leur retour était loin d’être imminent. Ainsi, au cours de la seconde moitié de la guerre, les fuites « spontanées » se firent beaucoup plus rares. Des causes claires et directes, telles que les expulsions brutales et le harcèlement délibéré, furent à l’origine de la plupart des départs enregistrés à cette période.

De toute évidence, Ben Gourion voulait que demeurent à l’intérieur de l’État juif le moins d’Arabes possible [ça, c’est certain ! Le seul principe de Ben Gourion était : le plus de terre possible avec le moins de rats possible. D’où sa déception en 1953 à Nazareth]. Mais il n’y avait toujours pas de politique systématique d’expulsion [il n’y a aucunement besoin d’une politique puisqu’on vient de nous apprendre qu’il y avait un con sans suce pour l’expulsion. Les choses se font tout seules, comme par enchantement. C’est l’enchantement du con sans suce. Le con sans suce rend la politique inutile, comme au USA, par exemple] ; pour autant que nous sachions, jamais le Cabinet ni l’état-major général des FDI ne discutèrent ni ne décidèrent d’une telle politique lors de leurs réunions [cela dit, Pappé montre le contraire. Pendant les moments épineux de la discussion, ces messieurs demandaient aux sténographes de prendre un peu de café à la cafétéria]. En tout cas, au cours des « Dix jours » de juillet et pendant les opérations « Yoav » et Hiram » au mois d’octobre et de novembre 1948, les troupes israéliennes s’avérèrent bien plus enclines à expulser des Palestiniens qu’elles ne l’avaient été au cours de la première moitié de la guerre [non de Dieu ! qu’est-ce que cela devait être alors !]. Pendant l’opération « Yoav », Ygal Allon prit soin de ne laisser quasiment aucune communauté arabe derrière lui. Dans le nord, lors de l’opération « Hiram », alors que les forces israéliennes étaient commandées par Moshé Carmel, la situation apparut confuse et ambivalente. Malgré la directive donnée par Carmel le 31 octobre « d’assister les Arabes dans leur exil », certaines unités expulsèrent les villageois, tandis que d’autres leur permettaient de rester. Et alors qu’en règle générale, c’est envers les villages musulmans que l’attitude s’avérait la plus sévère, on assista à des expulsions et des massacres de chrétiens, tandis que de nombreux villageois musulmans étaient autorisés à rester, comme ce fut le cas à Majd al-Kouroum. Au mois de novembre, lorsque  les Forces de défense d’Israël dégagèrent une bande large de cinq à quinze kilomètres le long de la frontière libanaise pour des raisons de sécurité [peu importe les raisons : il y a déplacement de population et destruction de leur maison pour interdire leur retour], chrétiens et musulmans furent transférés sans distinction.

Néanmoins, s’il est vrai que les attaques militaires et les expulsions constituèrent le principal catalyseur de la fuite des Palestiniens, l’exode fut plus généralement le résultat d’un processus cumulatif et d’une série de facteurs. Les marchands de Haïfa ne partirent pas seulement en raison des mois passés sous les tirs des snipers et les bombes ; ils ne partirent pas uniquement parce que leur commerce périclitait ; ni simplement parce qu’ils voyaient leurs voisins fuir ; et pas exclusivement non plus en raison des extorsions pratiquées par les irréguliers arabes ou de l’effondrement de l’ordre public, ou encore du retrait progressif des Britanniques, des attaques de la Haganah ou parce qu’ils appréhendaient la vie sous domination juive ; ils partirent à cause de tous ces facteurs réunis. Dans les campagnes aussi, de nombreux éléments se combinèrent souvent: l’isolement au milieu d’un agglomérat de colonies juives, l’impression d’être coupés des centres arabes, l’absence de gouvernants nationaux capables de les orienter, le sentiment d’avoir été abandonnés par les frères arabes, la crainte des assauts lancés par les Juifs, les rapports et les rumeurs concernant les massacres perpétrés par ceux-ci, ainsi que leurs attaques et tueries effectives [tout cela n’explique pas pourquoi 418 villages furent détruits. Quand mes parents et moi-même partîmes en exode sur les routes, les Boches ne détruisirent pas la maison de mes parents, ni la ville où ils habitaient. Ils se contentèrent d’occuper cette belle maison (et de la saccager, c’est toujours Mlle Fifi) à l’ombre de la motte féodale des Martel de Fontaine].

À partir d’avril 1948, le Yishouv subit des pressions afin de permettre le retour des réfugiés. Des dirigeants arabes et des porte-parole issus de divers groupes (les habitants de Jaffa, les maronites de Galilée, par exemple) exigèrent le rapatriement, au même titre que certaines personnalités internationales, tel le comte Bernadotte, et que les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Les pressions occidentales aboutirent à deux offres israéliennes qui auraient permis certaines mesures de rapatriement dans le cadre d’un accord de paix global. En juillet 1949, Israël se déclara prêt à accepter le retour de « 100 000 » réfugiés (en réalité 65 000, en déduisant ceux qui étaient déjà rentrés chez eux ou étaient en train de le faire), si de leur côté, les pays arabes acceptaient d’intégrer le reste sur leur propre sol [donc, il s’agit bien d’un déplacement de population, ce qui, en 1948, constituait un crime. Nous ne sommes plus à l’époque des grandes invasions. Le but de tout cela était bien un déplacement de population] et de conclure un accord de paix. L’État juif proposa aussi, comme solution alternative, d’incorporer la bande de Gaza à son territoire et d’en absorber la population, soit 60 000 habitants autochtones et 200 000 réfugiés. De cette manière, l’État hébreu aurait rempli plus que sa part [!] d’obligations dans la recherche d’une solution au problème — dont il n’était pas responsable, comme s’évertuaient à le répéter ses représentants. (Ou encore, comme Ben Gourion se plaisait à dire à ses interlocuteurs occidentaux, « Israël n’a pas expulsé un seul Arabe. ») [l’auteur est-il ironique ? Je ne suis plus bien le fil : se moque-t-il de Ben Gourion ou se moque-t-il de moi ?]

Les Arabes estimèrent l’offre tout à fait insuffisante [tu m’étonnes !], et la plupart des pays arabes insistèrent sur le fait qu’Israël devait réintégrer la totalité des réfugiés. L’Égypte n’avait pas l’intention de céder la bande de Gaza — son seul butin de guerre —, même si une telle mesure aurait déchargé Le Caire du fardeau constitué par cette importante population, appauvrie et subversive. Au cours des années suivantes, les réfugiés eux-mêmes ignorèrent tous les efforts accomplis pour tenter de les réinstaller dans les pays arabes [c’est la moindre des chose ! ils se foutent bien des pays arabes : ils veulent rentrer chez eux. Point final !]. Ils voulaient « rentrer chez eux » [quelle outrecuidance !] et, à l’exception de la Jordanie, qui leur octroya la nationalité, les États arabes ne s’efforcèrent guère de les intégrer, car ils voyaient en ces réfugiés et en leur misère une arme non négligeable contre Israël. L’État hébreu refusa de les laisser rentrer, d’une part parce qu’il avait besoin des terres [quelle surprise ! Autrement dit de Lebensraum. Vous savez désormais ce qu’il faut faire si vous avez, vous aussi, besoin de terre] et des maisons abandonnées pour les nouveaux immigrants et, d’autre part, parce qu’il craignait la force déstabilisatrice de ces réfugiés... Ainsi, le problème demeura le fléau du Moyen-Orient et la plaie du monde entier. [La faute à qui ? Selon les agents de l’État juif de Palestine à l’étranger, en France notamment, ce seraient les antisionistes, c’est à dire ceux qui militent pour la disparition bienfaisante de l’État juif de Palestine, comme d’autres militèrent pour la disparition bienfaisante de l’État colonial, raciste, ségrégationniste des Afrikaner]