Champ Libre à Jean-Pierre Voyer
(Correspondance, vol. 1, Éditions Champ Libre, Paris, 1978, p. 167)

Gérard Lebovici à Jean-Pierre Voyer


Le 25 mai 1978

Cher Voyer,


Vous m'avez demandé mon avis sur un certain nombre de documents que j'ai reçus sous le titre Mises au point, relatifs à une petite arnaque-exposition de non-art antipictural avant-gardiste.
Il y a heureusement aujourd'hui beaucoup d'individus qui savent comment "ramasser un peu d'argent sans fatigue", mais les auteurs de cette mauvaise plaisanterie l'ignorent totalement. Afin d'éviter de s'engager plus loin dans un projet condamné à l'échec, il leur aurait été certainement profitable de s'adjoindre un bon conseiller en marketing.

Cette banale affaire ne mériterait pas que je la relève si mon nom ne se trouvait mentionné d'une façon qui pourrait laisser croire à une sorte d'approbation muette sur un texte que je désapprouve.
J'avais compris d'après Grégoire que vous aviez collaboré à la rédaction de cette méchante affiche [Le Tapin de Paris] qui constituerait la raison principale de la dispute entre ces nourrissons de la théorie critique. Préalablement et à côté de vérités habilement développées sur quelques points de détail, les anonymes rédacteurs dudit texte nous annoncent que la pensée de Marx et celle de Hegel n'ont pas été critiquées jusqu'à aujourd'hui et que c'est probablement à eux, auteurs de cette découverte, que reviendrait cette grandiose tâche.

Ce genre d'affirmation à l'esbroufe et à l'épate gauchistes ne peut qu'accroître la confusion que s'efforcent d'entretenir les spécialistes et récupérateurs de tout poil.

Il appert des documents cités que vous seriez le seul rédacteur de ce texte: mon jugement critique ne peut que s'en trouver sensiblement renforcé.

Cordialement.


Gérard Lebovici

Les notes entre [ ] ont été rajoutées par M. Voyer en 1991. (K. von N.)

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