Réponse à M. Voyer, Première Partie (la vraie)


Posted by Tomás Rosa Bueno sur le Debord off on July 03, 1997


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Cher Monsieur :

(...)

Comme chacun peut le constater, vous dites n’importe quoi, et vous fondez votre argumentation sur ce qui vous semble plus convenable à chaque instant. Maintenant, selon vous, « pour Debord le concept de spectacle devait être celui de l’usage spectaculaire de la marchandise », dans le sens de la notoire marchandise prestigieuse, comme la nouvelle cuisine que Mme. Lévy achète pour faire enrager Mme Sollers ou la nouvelle cuisine que le con sans sens de goût affirme aimer pour montrer qu’il est au courant des nouveautés. Surpris dans la tentative journaputiste de réduire le spectacle aux mass media, vous jouez maintenant au sous-vaneigemisme. Dans le cas de Vaneigem, qui a poussé ce concept à des extrêmes ludicres dans son manuel de style, au fond le pauvre vieillard n’était qu’un barde de la construction de situations qui à la fin il a été écrasé par toutes les Rolls-Royce qu’il essayait d’écarter de son chemin. Dans le cas des journaputes, c’est normal qu’ils essayent de réduire le monde à une place dont on suppose qu’ils sont les maîtres, ou au moins les grand prêtres, et d’ailleurs c’est pour ça qu’ils sont payés. Dans le vôtre, même si j’essaye de l’éviter, il n’y a qu’un mot qui me vient à la tête: mauvaise foi. En réalité, ce sont deux mots, mais vous voyez ce que je veux dire.

La réduction du point de vue de son adversaire à quelque chose de risible ou de réfutation facile est un artifice pauvre, surtout quand cet adversaire, voilà plus de vingt ans, n’est plus là pour répondre. J’espère qu’on n’arrivera pas à dire de vous ce qui a été dit de quelqu’un d’autre il y a très longtemps: "Cette mauvaise foi délirante révèle assez bien la jalousie misérable qui ravage Front Noir. Et sa seule compensation est justement d’adopter, à l’échelle microscopique de son monologue, le langage même du pouvoir, qui dénonce ses adversaires sans dire exactement qui ils sont, et naturellement sans préciser leur véritable position". Funny. C’est exactement ce que Debord fit avec moi. Le « sans préciser leur véritable position » est assez savoureux après ce qui s’est passé. Ce « sans préciser » ne donne qu’une faible idée des faits de dissimulation de ma véritable position — une habitude chez Debord — qui ont eu lieu. ] Mais personne n’est ici pour défendre Debord, qui a très bien su se défendre lui-même avant d’avoir sa cervelle piclée en alcool.

On sait très bien, et vous êtes mieux placé que quiconque pour le savoir, que (1) Debord n’a jamais dit une pareille sottise; [ Tiens donc ! « Le capitalisme parvenu au stade de l'abondance des marchandises disperse ses représentations du bonheur, et donc de la réussite hiérarchique, en une infinité d'objets et de gadgets exprimant, réellement et illusoirement, autant d'appartenance à des stratifications de la société de consommation. Le spectacle des objets multiples qui sont à vendre invite à tenir des rôles multiples parce qu'il vise à obliger chacun à se reconnaître, à se réaliser, dans la consommation effective de cette production répandue partout. N'étant que réponse à une définition spectaculaire des besoins, une telle consommation demeure elle-même essentiellement spectaculaire en tant qu'elle est pseudo usage : elle n'a de rôle effectif qu'en tant qu'échange économique nécessaire au système. Ainsi la nécessité réelle n'est pas vue; et ce qui est vu n'a presque pas de réalité. L'objet est d'abord montré, pour qu'on veuille le posséder; puis il est possédé pour être montré en réponse. Des ensembles d'objets admirables sont donc constitués, qui ont pour fonction de signifier un standing précis, et même une pseudo personnalité, exactement identique aux objets qui la représentent. » I.S. N° 10, mars 1966, page 45. J-P Voyer. ] (2) même s’il l’avait dite, ça ne voudrait pas dire que le spectacle serait seulement l’usage spectaculaire des marchandises — rien ne pourrait nous empêcher d’essayer d’améliorer une théorie si instigante(*) [ Eh bien vas-y mon gars, qu'est-ce qui t'en empêche en effet ? Cela dit, l’usage spectaculaire des marchandises est la seule définition que Debord ait pu produire et qui ne soit pas celle de mass média. Le crétin Bueno en demande une autre ! C’est la seule qui ait un intérêt, la seule qui ne soit pas triviale, le crétin Bueno en demande une autre ! Si Debord est un homme qui ne se corrige jamais, c’est parce qu’il en est incapable. Le voudrait-il qu’il ne le pourrait pas. Il n’avait rien à dire sur cette question ] ; et (3) cet aspect "pyramide d’ignames" Des ensembles d'objets admirables sont donc constitués à Kirivina aussi ] de la consommation n’est qu’une manifestation du coté pain et cirque du spectacle, où le pain prend la place du lion et vice-versa, si l’on considère qu’un monde qui devient toujours plus rond il y a plus de quatre siècles puisse avoir des cotés [ Je pense exactement le contraire, évidemment, c'est la seule partie intéressante et qui demeure toujours autant mystérieuse, la question du prestige. Elle est intéressante du fait de ce mystère non résolu, justement. C'est Bueno, pas moi, qui pense que c'est une sottise. J-P Voyer ] — et l’élégance de vos ethnologismes ne change rien à cela. Très bien, c’est un atavisme d’époques plus heureuses et moins misérables, mais, et alors ? On n’est pas ici pour parler de ce que ceci ou cela a été, mais de ce qui est et à quoi ça sert [ Eh bien vas-y mon gars, qu'est-ce qui t'en empêche ? Le prestige est toujours de ce monde et il est ce qui est le plus recherché dans ce monde ]. Et la consommation spectaculaire est un phénomène du genre femme-barbue-chien-à-deux-têtes, très voyant et très bien sonnant dans les débats à la télé ou à la oueb, mais essentiellement secondaire, mineur, facile à comprendre [ Ça c'est la meilleure ! M. Bueno ne nous a jamais fait part de ses lumières. Quel cachottier ! Il est facile de comprendre pourquoi le prestige est prestigieux ] et encore plus facile à répéter comme perroquet.


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(*) Même si on arrivait a me prouver que le concept de spectacle, chez Debord, chez vous et chez tous ceux qui remplissent la bouche pour en parler, est bien ce concept réduit et banal de mass media et de posséder des objets pour les montrer aux voisins, je serais forcé à admettre que tout continue, et que j’ai cru voir dans La société du spectacle une chose qui n’était pas là [ Je suis exactement dans le même cas que M. Bueno ; mais contrairement à lui je ne me suis jamais contenté, ni jamais résigné. ] ; et donc que je n’ai rien compris de toutes mes lectures. Et, redonc, c’est moi qui sait ce qu’il est, ce fameux spectacle. [ Qu'attend-il pour le dire ? Une seule petite définition et je serais réfuté. ] Veuillez vous adresser à moi la prochaine fois que vous voudrez en parler.

[Sous-note du 3 juillet]
C'est vous qui faites le malin, vous savez très bien ce qu’est le spectacle. Mais si vous tenez absolument à que je vous le dise quand même, voilà : le spectacle n’est rien d’autre chose que le discours de la marchandise, et ce discours est une encyclopédie. Le spectacle est ce qui nous parle à tout instant de tout ce qui existe, comme en d’autres temps Marco Polo nous parlait de ce qui existait en Chine. Sous les yeux de l’homme ébahi se déroule, sans qu’il y soit convié, l’humanité essentielle. Le spectacle moderne est le devenir monde de la marchandise, la substantialisation du monde ; il est vraiment la religion matérialisée. Comme Dieu autrefois, de nos jours le développement des rapports entre les marchandises médiatisés par les hommes ne laisse aucun endroit où le regard puisse se poser sans y rencontrer le spectacle à l’œuvre. [ Voilà donc ce qui n'est pas une série de phrases bien cousues qui vont du rien au déjà dit avec "beaucoup d’élégance et très peu de substance" ! Qu'est-ce que c'est alors ? M. Bueno se contente vite et de peu. Mais comme d'habitude, la question n'est pas là. Comme d'habitude Bueno répond à côté de la question en bon gauchiste. La question porte sur les définitions données par Debord et non sur celles que j'ai tenté de donner vu l'insuffisance de celles données par Debord. Et je récuse toute ces définitions que j'ai tenté de donner. Où peut-on constater dans le monde une seules de ces prétendues choses que j'énumère ci-dessus et que cite Bueno ? Où, notamment peut-on voir le spectacle à l'œuvre ? J-P Voyer ]

Précisément.

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M. Ripley s'amuse