Posted by Tomás Rosa Bueno on August 08, 1997
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Cher M. Voyer,
Je ne vais pas essayer de
répondre à la substance de vôtre réponse parce-que je crois qu'au fond elle
n'en a pas. Vous pratiquez une sorte de fuite en avant : tout d'abord,
vous dites que le spectacle est la manipulation des mass media [ je ne dis pas que le spectacle est la manipulation des
mass média, je dis que malgré ses prétentions affichées Debord n’a jamais pu
dépasser cette conception ] ; ensuite, après avoir été surpris
flagrante delictu dans ce genre très peu élégant de journaputisme, vous
dites que non, que le spectacle est bien la consommation spectaculaire [ encore une fois non : je ne dis pas que le
spectacle est la consommation spectaculaire, je dis que Debord l’a dit ] ;
maintenant vous affirmez, citation à l'appui, qu'il est l'usage spectaculaire
des marchandises, ce qui est presque la même chose, mais très différente [ j’affirme seulement que Debord l’a dit et je le cite
pour le prouver ]. Si l'on insiste beaucoup, si l'on vous instigue
suffisamment, vous arriverez peut-être à avoir du spectacle la même opinion que
vous aviez quand vous et le vieux pédé étiez encore de bons amis. Mais je crois
qu'il vaut mieux dédier le peu de temps et d'énergie que nous avons encore à
des choses plus importantes. Comme, par exemple, essayer de partir d'où vous
vous êtes arrêté voilà presque un quart de siècle. Toute une vie, enfin.
Je n'étais pas seul à croire
qu'il vaudrait la peine d'essayer de comprendre ce qui se passe avec vous. Mais
je vois que le nombre de ceux qui pensent le contraire ne fait qu'augmenter
tous les jours, et je suis forcé à admettre que tout continue, même pour vous.
(Et, hélas, aussi pour moi.) Vous vous enfoncez toujours plus dans les
conséquences de votre querelle personnelle avec le duo Debord/Lebovici,
et les résultats de cette plongée ne sont pas du tout intéressants. On m'a déjà
dit au sujet de toute cette discussion que la vraie question est ailleurs, et
je suis d'accord.
Ceci dit, passons aux trivialités.
(1) Je n'ai jamais rien lu
de Weber, mais je l'ai toujours entendu dans la bouche de ceux qui n'ont jamais
su quoi faire de l'aliénation. Vous imaginez ma surprise quand je l'ai entendu
aussi de vous. Vous avez bien raison, l'essence des choses ne paraît jamais, et
être capable d'écrire une introduction à la science de la publicité ne vous
empêche pas de citer le sociologue Weber vingt ans plus tard.
(2) Quand un imbécile est
célèbre et prestigieux, je laisse aux imbéciles le soin de s'occuper de lui.
Vous imaginez ma surprise quand j'ai vu que vous vous occupez de cette nullité
de Lévy avec tant de passion. Le côté récursif de vôtre choix d'adversaires
apparaît en pleine lumière. Les gens célèbres sont célèbres parce qu'ils sont
célèbres, c'est à dire, parce qu'on trouve toujours quelqu'un pour en parler.
Dites ce que vous voulez, pourvu que ce soit sur moi, voilà le fin mot de tous
les imbéciles prestigieux.
(3) Je ne tiens absolument
pas à ce que vous m'écrivez personnellement, je ne sais pas d'où vous avez tiré
cette fausse impression. Tout ce que j'ai fait c'est dire que ce Debordel
n'est pas l'endroit pour parler sérieusement et je suis toujours plus convaincu
d'avoir raison, mais je n'ai jamais dit que ma boîte postale serait cet
endroit.(*) Et si je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, ça ne veut
pas dire que je ne vous comprend pas, sauf si vous avez la prétention de faire
de la quéquettologie exacte.
(4) Tout comme Debord, vous
êtes trop convaincu d'être l'objet des attentions des services de renseignement
de l'état; il faudrait dire à M. Von Nichts de ne jamais rentrer tout seul
dans les parkings souterrains de Strasbourg. Maintenant, il ne vous manque
qu'écrire vôtre propre Panégyrique, avec beaucoup de citations de Weber
et très peu de lumière frisante.
Ce n'est pas moi qui ai écrit à propos de la pub (ou de la propagande, comme
vous voudrez) qu'elle parle de ce qu'elle ne vend pas pour vendre ce dont elle
ne parle pas. Il m'est tout à fait impossible de croire que vous ne savez pas
de quoi vous parlez ; donc, si vous dites n'importe quoi, c'est parce-que
vous avez des raisons dont nous, pauvres mortels, ne savons rien. Et
franchement, en vue de ce que vous dites, vos raisons ne m'intéressent plus.
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Et, d'une fois pour toutes, si vous tenez à me répondre ici, vous avez bien le
droit de choisir vos compagnies. Quant à moi, hay que ser coherente: c'est la
dernière fois qu'on me verra signer des messages dans cette assemblée d'idiots
à diodes, comme dirait Bartolucci.