MAJ
12 mars 2006
Posted by Jean-Pierre Voyer sur le Debord off on May 09, 1997
Comment,
après 13 ans de recherches et d’aventures,
j’ai compris la grammaire du mot « valeur »
Sans
même la connaître, j’ai appliqué la méthode du Dr Wittgenstein à la
métaphysique (à la pathologie) développée autour du mot « valeur »
depuis plus de deux millénaires. C’est une découverte palmaire.
Ce
n’est pas la grammaire qui doit être corrigée, mais la compréhension de la
grammaire. La grammaire n’est ni vraie ni fausse, elle est constituée des
règles d’un usage plurimillénaire. La métaphysique, la pathologie, n’apparaît
que lorsqu’on s’avise de penser ce qui allait tranquillement de soi. La
pathologie résulte du fait que la grammaire n’est pas comprise. C’est pourquoi
la méthode du Dr Wittgenstein est de regarder l’usage parce que c’est
dans l’usage que des règles plurimillénaires sont appliquées. C’est ce que j’ai
fait dans ce texte, et l’on pourra voir que les errements du raisonnement
aboutissent progressivement à la compréhension de la grammaire. Penser, c’est
comprendre la grammaire.
Ainsi,
quand vous dites : « ces arbres sont nombreux » vous dites une
sottise car il est impossible que des arbres soient nombreux (des hopplites,
oui, car leur nombre leur appartient et agit en chacun d’eux).
« Nombreux » n’est pas une qualité des arbres mais une qualité de
leur ensemble. L’expression correcte mais assomante serait : l’ensemble
de ces arbres est doté d’un grand cardinal. Le nombre est une qualité de
l’ensemble et non pas une qualité des éléments de l’ensemble. C’est une autre
façon de dire qu’un ensemble consiste dans son concept et non dans ses
éléments. C’est à l’ensemble d’être nombreux, unique ou vide.Plus
simplement « Il y a un grand nombre d’arbres » plutôt que « Il y
a de nombreux arbres ». Comme vous le constatez, et comme Wittgenstein le
répète à l’envi : la grammaire cache la logique. [17-04-2015]
Notez
encore qu’en grec ancien c’est le même mot systema qui désigne un
ensemble et un bataillon de soldats. L’ensemble, comme tout ensemble, a un
cardinal et le peloton a un nombre. La différence est que les éléments d’un
ensemble ne possèdent pas le cardinal tandis que les soldats possèdent leur
nombre. Les éléments d’un ensemble n’existent pas ensemble, les soldats si.
Quant aux éléments des multitudes, ils sont écrasés par leur nombre :
seuls parmi tous que voulez vous qu’ils fassent ? [17-04-2015]
Commentaires des derniers
raisonnements qui conduisirent à l’idée ici et là :
"La valeur est un échange effectué en pensée".
Les commentaires sont dans les cadres blancs.
En 1975 j’aboutis à la conclusion
que l’on (et notamment Marx) confond communément la loi de l’échange
marchand qui est une loi avec le fait de la valeur qui est un
fait. La loi de l’échange marchand est que deux marchandises qui ont
le même prix ont demandé la même quantité de travail pour leur production (je
ne discute pas l’ombre d’un instant la validité de cette loi car là n’est pas
la question pour moi. La question est seulement celle d’une confusion entre une
loi et un fait. Personnellement, je considère que cette loi est valable
ce qui est sans importance pour notre sujet). Le fait de la valeur est
que lorsque les choses deviennent des marchandises, elle ne portent pas
seulement un nom, mais qu’à chacune est aussi associé un échange effectué en
pensée et cette association est un fait, un fait social total dirait
Durkheim. Le nom de cette association est « valeur ». Une expression
comme « loi de la valeur » est parfaitement impropre et dénuée de
sens de même que l’expression « valeur d’échange » ou celle employée
par Smith et Ricardo « valeur échangeable ». La question de
l’établissement de ce fait est la même que pour tout autre fait social tel que
tabou etc. : c’est un fait accompli mais personne ne sait qui a accompli
ce fait, ni quand il le fut. Comme les sauvages répondent à Malinowski :
il en a toujours été ainsi, nous devons aussi répondre : il en a toujours
été ainsi, ou bien : il en fut ainsi à partir de telle époque (évaluée en
millénaires). Aristote traitait déjà de cette question (Cf. Conclusion).
Manuscrit de 1975, page 1688. 25 août 1975. Supercherie
[1688] Certes la valeur est sans dimension. Ce n’est pas
une grandeur mais le rapport de deux grandeurs. La valeur ne saurait donc
être mesurable. C’est à dire qu’elle ne saurait être accumulée ou soustraite.
Le fait que l’échange soit
caractérisé dans notre pays par le rapport des quantités dans lesquelles les
produits du travail s’échangent provient simplement de ce que ce rapport est
déterminé ailleurs que dans l’échange lui-même.
Il [En fait elle, c’est la détermination des quantités qui
revêt un caractère nécessaire et indépendant] a
un caractère nécessaire et indépendant. Il [elle] est déterminé dans la totalité des échanges
sans que cette totalité se connaisse [pour
parler comme Barwise, personne ne connaît la situation], se rapporte directement à elle-même. La valeur
est comme une loi de l’échange.
Et cette loi est la loi
d’un certain phénomène, le phénomène de ce qui détermine cette loi, le
phénomène de la totalité des échanges.
[1689] Le mot « Valeur » désigne donc plus
qu’un simple rapport.
Il désigne que ce rapport
est déterminé et déterminé ailleurs que dans l’échange.
La valeur signifie que le
rapport dans lequel les quantités des produits du travail s’échangent préexiste
à l’échange, existe en dehors et indépendamment de l’échange à la fois comme
une loi et comme un savoir
« Valeur »
signifie que tout échange existe en apparence, en idée, indépendamment de
toute existence réelle, indépendamment de tout échange particulier.
« Valeur »
signifie que tout paraît dans tout, que les contraires s’embrassent en
idée, indépendamment de l’acte réel et efficace d’apparence, en dehors de
tout dialogue réel, pratique, en dehors de tout échange. [1690] « Valeur »
signifie seulement que les carottes paraissent dans les radis, dans les
chaussettes, dans le boudin etc. « Valeur »
signifie suppression [de l’indépendance] généralisée universelle du travail [Non], mais
en idée, indépendamment de l’acte pratique, réel, de la suppression [de l’indépendance] du
travail, indépendamment de l’échange.
« Valeur »
désigne en fait une idée. [Oui] « Valeur » désigne (de même que mana)
l’idée universelle de l’échange [Non] [2]. « Valeur »
c’est l’idée de l’échange quand elle est dans toutes les têtes. [Non, je m’éloigne.] « Valeur » est
une idée et seulement une idée.
Il s’ensuit que la
suppression [de l’indépendance] du travail n’appartient plus à l’échange
particulier, n’appartient plus au travail particulier. [1691] L’échange
particulier n’est plus qu’une ratification d’un accord qui existe
ailleurs et indépendamment de l’échange. L’échange est devenu quelque chose
d’inessentiel face à quelque chose d’essentiel.
Adam Smith a montré que la
valeur, ce rapport des quantités [Non, le
rapport des quantités est l’échange lui-même et la valeur est seulement l’idée
de cet échange.] selon lesquelles
s’échangent réellement les produits du travail est comme le rapport des temps
de travail nécessaires à la production de ces produits.
Ricardo a précisé que cela
ne signifie pas pour autant que la valeur soit du temps de travail [sur ce point, Marx a régressé par rapport à
Ricardo.] [...] [1692] Notes : (*) « Toute la vision
des Modernes repose sur l’illusion que les prétendues lois de la nature sont
des explications des phénomènes ». Carnets. Je suppose que W. ne
veut pas dire que ces lois sont de prétendues lois ; mais qu’elles sont
des lois prétendument naturelles. (**) A vrai dire ce n’est
plus tout à fait le même phénomène,
car on ne le regarde plus du même œil, si je puis dire, à moins, même, que
les lois n’aient cessé de s’appliquer justement parce qu’on avait déjà
commencé à le regarder d’un autre œil. |
Valeur [1704] Ce qui est rapproché et déclaré équivalent, échangeable,
ce sont non seulement des matières différentes, tissus et vin, fonte, mais
des dimensions différentes de ces matières, mètres (longueur) et litres
(volume, longueur au cube) et kilogrammes-force (combinaison de masse
longueur et temps). Certes,
sous certaines précautions, il est possible d’exprimer le vin en mètres, le
tissus et kilogrammes-force et la fonte en litre. Ce
qui importe, c’est que les produits quelconques, exprimés en grandeurs
quelconques sont rapportés les uns aux autres, sont supprimés comme de
simples apparences. Il
est erroné de dire que la valeur est le rapport des quantités dans lesquelles
s’échangent les produits du travail puisque ces quantités sont
incommensurables.
La
valeur est le rapport pratique, réel, pratique de ces produits quelconques.
La
valeur n’est pas rapport de choses mais un rapport social, pratique,
effectué.
La
valeur désigne le fait que l’échange de ces produits peut avoir lieu sans
obstacle,
...
puisque justement les obstacles que sont l’hétérogénéité des produits sont
supprimés, pratiquement supprimés.
La
fonte n’est qu’en apparence de la fonte mais en vérité aussi du tissus et du
vin.
[1705] La valeur n’est rien d’autre que ce phénomène
naturel, ce phénomène météorologique.
La
valeur ne signifie rien d’autre que les produits du travail s’échangent en
dehors de la production,
sans
aucune pensée et surtout sans aucun obstacle.
Ces
minutieux échanges qui demandent des jours et des jours de palabre chez de
plus heureuses peuplades sont ici pré-échangés. Ouvrez, sentez, c’est déjà du
vomi.
Une définition non
triviale du spectacle Tous
les échanges possibles sont déjà réalisés en pensée
et
cette pensée est une propriété de chaque produit du travail sur le marché.
Maintenant,
qui a dit que l’échange était égalité de deux choses. Chez des peuplades plus
heureuses, c’est à celui qui donnera non seulement plus, mais beaucoup plus.
Tous
ces obstacles que sont matière, grandeur et dimension quelconques sont
anéantis, supprimés, ils est fait pratiquement, avec effet pratique,
abstraction.
Voilà
ce qu’est la valeur ou équivalence (santé égale. Les produits sont de santé
égale. [Je ne me souviens plus de ce que je
voulais dire.]) La
valeur ne signifie rien d’autre. Le mot valeur ne désigne rien d’autre. Quand
on dit valeur, on dit cela. [1706] Valeur est le mot qui désigne ce qu’il y a de
magique dans la marchandise.
Valeur
désigne l’abstraction pratique, efficace, sociale de tout ce qu’il y a de
particulier dans les produits du travail.
Valeur,
cette abstraction, cette action mystérieuse, comme une propriété des produits
eux-mêmes. Les produits ont de la valeur. Les produits ont du mana.
Ils
ont cette propriété miraculeuse de faire eux-mêmes abstraction de toutes
leurs particularités, ils ont le pouvoir de produire eux-mêmes ce qu’il y a
en eux de général. Voilà ce que dit valeur. Voilà ce que dit mana. [1707] Evidemment, nous, hommes civilisés, nous savons
que tout ceci n’est qu’un mirage, une illusion. Nous savons que ce ne sont
pas les produits qui suppriment eux-mêmes tout ce qu’ils ont de particulier,
qui font eux-mêmes abstraction de leurs différences. Mais nous ne savons pas
dire qui ou quoi opère cette abstraction. Chacun
sait très bien que ce n’est pas lui puisqu’il trouve tous ces produits sur le
marché déjà dépouillés de toute leurs particularités.
Il
trouve sur le marché le produit déjà échangé en pensée à la fois différent et
identique, [1708] différent
(c’est du papier cul [cf. le Drame des
sans papiers par Vuillemin, l’Eternité hebdomadaire n°2.] ), identique, il vaut tant. Les
pensées sont une propriété des objets [Oui]. Valeur est le nom donné à cette pensée des
choses. Donc,
ce rapport pratique par excellence qu’est l’échange s’effectue non pas par la
volonté, la science, la pensée des échangistes, mais parce que les objets de
l’échange sont échangeables! Ils existent tout échangeables dans la nature
marchande. On peut même imaginer que l’échangiste n’est plus qu’un rouage
subalterne de ce rapport et qu’avec un peu d’invention, la marchandise peut
aller elle-même au marché. Ceci
nous montre enfin ce [1709] qu’est la marchandise : c’est un produit du
travail devenu par l’opération du saint esprit marchand, échangeable.
C’est
un produit du travail qui a fait lui-même abstraction de tout ce qui pourrait
faire obstacle à l’échange. C’est
un produit du travail doué d’esprit. C’est un produit échangeable, c’est à
dire un produit qui effectue lui-même l’échange en pensée. Valeur
ne désigne rien d’autre que l’esprit de la marchandise. La valeur est le
discours de la marchandise, ce qu’elle nous raconte. Il est juste de dire que
les produits du travail ont de la valeur au sens où l’on dit d’un
représentant de commerce qu’il a du bagout. Marchandise ne désigne rien
d’autre qu’un objet qui pense et qui parle. Certains chantent et dansent,
font pschitt, ne s’usent que si l’on s’en sert, mais tous parlent : ils
disent je ne suis qu’en apparence du pain, je suis aussi en vérité du vin, du
fer, du coton. En fait ils ne disent pas cela, ils disent : je ne suis
qu’une apparence de pain. Je suis en vérité de l’argent. [1710] L’échangiste marchand ne fait que ratifier cet
accord, réaliser cette pensée. Encore
n’est-ce pas tout. C’est encore une chose qui a seule pouvoir de réaliser la
pensée de la marchandise. Cette chose est l’argent. Voilà
ce qui se passe quant aux phénomènes. Voilà ce que verrait un ethnographe
papou. On
ne prête jamais attention à cela que dans le monde de la marchandise, il est
dans la nature des objets d’être échangeables, d’avoir de l’esprit, d’être de
simples apparences au même titre que dans le monde de la physique les choses
ont une masse et les champs, des forces. De même qu’il est dans la nature des
symboles d’être symboliques, il et dans la nature de la valeur de valoir. La
valeur est bien une propriété des objets marchands. Dire qu’ils ont de la
valeur, c’est dire qu’ils valent. Le monde de la marchandise est le monde de
la Scholastique. Et chacun le sait, ce monde a une propriété dormitive
prononcée. Il n’aspire qu’à dormir et que l’on ne trouble pas son sommeil.
[1712] D’ou vient que cette propriété naturelle de la marchandise
échappe à l’observateur autochtone (et scandalise tout observateur Papou qui
se respecte) ; c’est que l’observateur autochtone est si bête et si
borné, [c’est un youpi, que le plutonium et
le gaz l’emportent] il a tellement oublié
ce qu’est l’acte générique, la reconnaissance pratique, il est tellement
habitué à lire le Nouvel Observateur, qu’il ne peut même pas remarquer que
cette propriété naturelle de la marchandise est une propriété essentiellement
humaine. Quelqu’un tellement esclave qu’il est totalement dénué d’esprit ne
peut évidemment pas remarquer que les choses ont de l’esprit. [1713] Voilà un nouvel élément de réponse à la question
fondamentale. Comment les gens pourraient-ils se parler dans un monde
où : 1) les choses ont de l’esprit (et non pas une
partie de l’esprit, mais tout l’esprit comme nous allons le montrer) 2) les gens ne peuvent pas voir que les choses ont
de l’esprit parce que pour cela il faut de l’esprit et que les choses ont
pris tout l’esprit.
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