Marx lit Aristote

 

Éthique à Nicomaque

Livre V

Traduction Gauthier-Jolif

 

Une propriété de la langue, néfaste pour la fiabilité de l’action de penser, est sa propension à créer des noms propres auxquels nul objet ne correspond. (…) Ainsi, une grande part du travail du philosophe consiste — ou devrait du moins consister —  en un combat avec la langue.

Frege. Écrits posthumes

 Traduction Tricot → 

Édition Tricot, format .DOC, Académie de Montpellier → 

Traduction Paulette Taïeb → 

Traduction Ross (anglais)  → 

Traduction Bodéüs → 

Traduction anonyme annotée  → 

Traduction de J. Voilquin  → 

 

Quel est le sujet ? J’applique à Aristote ce que j’ai appris dans La Mesure des grandeurs du Pr Henri « Tarababoum » Lebesgue. Je montre que le nombre longueur du boudin est bien une grandeur pour le boudin mais que le  nombre « prix du boudin » n’est pas une grandeur pour le boudin. Il est une grandeur seulement pour les corps en or ou en argent, car il viole l’unique théorème de La mesure des grandeurs du Pr Lebesgue. La conséquence est que l’argent n’est pas la mesure de toute chose et que cette expression est un pur non sens répété par des perroquets. Meuh ! Autre conséquence, le problème n’est pas que les marchandises doivent devenir commensurables, ni égales (ni receler quelque chose d’égal ou qui les rend égales) ; mais… échangeables. Le problème est donc : qu’est-ce qui rend les marchandises échangeables, car les marchandises ne deviennent pas commensurables, ni égales, mais bien échangeables. Ce problème n’a jamais été traité quoi qu’ait pu en penser Marx. Le seul rapport dans le rapport marchand, c’est l’échange. Dans l’échange, il n’y a ni égalité, ni équation, ni rapport au sens de quotient, ni mesure. Il n’y a que des prix. C’est la thèse de Jorion (spécialiste de la formation des prix). Aristote n’a jamais traité de la valeur comme le croit Marx, mais seulement des prix. La valeur chez Marx est une vertu dormitive.

Le prix du boudin n’étant pas une grandeur pour le boudin, le prix ne peut pas être une mesure d’une grandeur du boudin ; cependant le prix du boudin est bien un nombre attaché au boudin, mais par une étiquette ! tandis que le nombre prix du boudin est attaché à un corps en or par une mesure. Plus simple, tu meurs.

C’est ma troisième découverte palmaire, la première étant que « Le phénomène comme phénomène n’est pas un phénomène, mais le supra sensible et le seul supra sensible. Autrement dit : l’apparition comme apparition ne parait jamais (1959) et la deuxième étant : « La valeur est un échange effectué en pensée » (1975).

 

Aristote, Éthique à Nicomaque, V, 6

Comparaison des traductions

Anachronismes

Marx lit Aristote

Symmetrias

Le Capital, Zambèze de non sens

« Ça me troue le cul »

Un extrait de Lebesgue

Le tarababoum du cercle

Une autre discussion

Précisions sur l’éminente question du prix du boudin

De la théorie des proportions…

par Éliane Cousquer (format PDF)

Le prix comme proportion chez Aristote par Paul Jorion

 

Chapitre 6

<PREMIÈRE ESPÈCE DE JUSTICE PARTICULIÈRE
L
A JUSTICE DISTRIBUTIVE>

<La justice implique à la fois égalité et milieu.>

[1131 a 9] Si 1’homnme injuste, c’est l’inégal, et si d’autre part la notion d’injuste correspond à celle d’inégal, il saute aux yeux qu’il existe aussi un certain milieu par rapport à l’inégal, et c’est précisément I’égal ; car en toute action où il y a du plus et du moins il y a aussi de l’égal.

[12Donc, s’il y a correspondance, entre les notions d’injuste et d’inégal, il en va de même pour les notions de juste et d’égal. C’est là justement ce que l’on admet communément, sans avoir besoin de recourir au raisonnement.

[14Mais si, par ailleurs, la notion d’égal implique celle de milieu, le juste doit être, lui aussi, un certain milieu.

<La notion de juste implique un certain rapport, car elle requiert quatre termes...>

[14] Or, la notion d’égal ne peut se réaliser que s’il y a au moins deux termes. Mais il est nécessaire, — cela ne fait pas de doute, — que le juste soit à la fois milieu et égal, d’une part, et, d’autre part, relatif, c’est-à-dire juste pour certains individus.

[16] Pour autant qu’il est milieu, il se situe entre certaines choses /129/ (qui représentent le plus et le moins), et, en tant qu’égal, il implique deux choses.

[18Pour autant qu’il est juste, d’autre part, il suppose certaines personnes,

[18] Le juste requiert ainsi nécessairement quatre termes au moins, car les personnes pour lesquelles le juste est juste sont au nombre de deux, et les choses en quoi le juste se concrétise [les objets distribués] sont aussi au nombre de deux.

<... entre lesquels se réalise une certaine proportion>

<Cette proportion peut être induite des contestations qui surgissent dans les partages mal faits>

[20] Il faut de plus que la même égalité soit réalisée entre les personnes d’une part et les objets d’autre part ; autrement dit, le rapport qui existe entre les premières doit se retrouver entre les seconds : si les individus ne sont pas égaux, ils ne recevront pas des parts égales. C’est bien de là que viennent les querelles et les récriminations, quand des individus égaux possèdent ou se voient attribuer des parts inégales, ou que des individus qui ne sont pas égaux reçoivent des parts égales.

<C’est elle aussi qui est à la base du principe du mérite>

[24] Que cette proportion doive exister, c’est ce qui ressort aussi du principe de la distribution conformément au mérite. Tout le monde reconnaît en effet que, dans les distributions, la motion de ,juste doit se définir par rapport à un certain mérite, encore que tous ne définissent pas de la même façon ce mérite : pour les membres d’une démocratie, c’est la condition libre ; pour les membres d’une oligarchie, c’est la richesse (ou pour certains d’entre eux, la bonne naissance) ; pour les membres d’une aristocratie, c’est la vertu.

[29] Concluons donc que la justice réalise un certain type de proportion. Conclusion légitime, car le fait d’être proportionnel n’est pas un caractère propre au nombre abstrait, mais une propriété du nombre en général.

 

<NATURE DE LA PROPORTION
QUE DOIT RÉALISER LA JUSTICE DISTRIBUTIVE
>

<La notion, de proportion en général>

[31La proportion est une égalité de rapports, qui ne requiert pas moins de quatre termes. /130/

[32] Que la proportion discrète comporte quatre termes, cela saute aux yeux. Mais il en va de même pour la proportion continue elle-même :  dans ce dernier cas, eu effet, un terme unique joute le rôle de deux et apparaît deux fois. Exemple : la longueur A est à la longueur B comme la longueur B est à la longueur C ; la longueur B, on le voit, apparaît deux fois de sorte que, en posant deux fois cette longueur B, on obtient quatre termes proportionnels.

<Application de ces notions à  la justice distributive>

[1131 b 3] Or, la notion de juste implique elle aussi quatre termes et quatre au moins, et le rapport est le même dans chaque groupe de deux termes ; en effet les longueurs représentant les personnes et les parts sont divisées de façon semblable . Par suite, le terme A est au terme B comme le terme C est au terme D ; en permutant, on obtient A est à C comme B est à D, et par conséquent : la somme A + C et la somme B + D  sont encore dans le même rapport. {2/4 = 3/6 ; k = 0,5 ; 2= k4 ; 3= k6 ; 2+3/4+6 = 5/10 ; k = 0,5 ; 5 = k10}

[7] Mais c’est précisément cette sommation que réalise la distribution, et la combinaison est juste si les termes sont ainsi réunis. [Chapitre 7] C’est donc l’accouplement du terme A au terme C et du terme B au terme D qui représente le juste dans la distribution, et le juste ainsi entendu est un milieu par rapport aux extrêmes qui violent 1a proportion (le proportionnel est en effet milieu, et le juste, d’autre part, est proportionnel).

<Cette proportion est une proportion géométrique>

[12] C’est à ce type de proportion que les mathématiciens donnent le nom de proportions géométrique. Dans la proportion géométrique, rappelons-le, la somme du premier et du troisième termes est à la somme du deuxième et du quatrième comme un terme de l’un des deux rapports est à l’autre terme. . {2/4 = 3/6 ; 2+3/4+6 = 5/10}

<Elle ne peut être une proportion continue>

[15]  La proportion qui caractérise la justice distributive n’est pas une proportion continue. On ne peut en effet avoir un terme numériquement un { « un terme unique » cf. supra [32] } pour désigner la personne qui reçoit et la part qui est distribuée . 

La version donnée par Jorion et parfaitement claire : « … la justice distributive n’est pas une proportion continue, car son deuxième et son troisième terme, le bénéficiaire d’une part et une part en soi, ne constituent pas un terme unique. »

<Conclusion sur la justice distributive>

[16] Tout cela nous permet de conclure que le juste, — au sens où nous l’entendons ici, — c’est le proportionnel, et que l’injuste, à l’inverse, c’est ce qui détruit la proportion. Dans l’injustice, /131/ l’un des termes devient donc trop grand et l’autre, trop petit. Et c’est bien ce qui se passe en fait : s’il s’agit du bien, celui qui commet l’injustice possède une part trop grande, et celui qui la subit, une part trop petite. Inversement s’il s’agit du mal (comparé à un mal plus grand, le moindre mal prend raison de bien, car on choisit le moindre mal de préférence au plus grand ; or, ce qui est digne de choix, c’est le bien, et il est un bien d’autant plus grand qu’il est plus digne de choix).

Fin de l’examen de la première espèce de justice.

 

<seconde espèce de justice particulière :
la justice corrective>

[25] Reste une seconde espèce de justice, la justice corrective, qui trouve place dans les rapports mutuels, qu’ils se réalisent de plein gré ou contre le gré de l’une des parties.

<Dans la justice corrective, le juste correspond à la proportion arithmétique, différant ainsi du juste distributif>

[26] Ce type de justice est une espèce différente de celle dont nous venons de parler. En effet, le juste qui préside à la distribution des biens communs est toujours conforme à la proportion susdite, — car à supposer même que la distribution porte sur les bénéfices d’une société commerciale, elle se fera encore selon le rapport des capitaux engagés {que voilà des termes bien modernes}, — et l’injuste opposé à ce type de juste, c’est ce qui viole la proportion.

[32] Par contre, dans les rapports entre individus, le juste est sans doute un certain type d’égal, et l’injuste, un certain type d’inégal ; mais, au lieu. de se déterminer selon la proportion que nous avons mentionnée, il se détermine selon la proportion arithmétique. Peu importe, en effet, que ce soit un honnête homme qui ait 1ésé un coquin, ou un coquin qui ait fait tort à un honnête homme, qu’un adultère ait été commis par un honnête homme ou par un coquin : la loi n’a d’égard qu’à la nature du dommage ; elle regarde les par­ties comme égales et ce qui l’intéresse, c’est de savoir si celui-ci a commis une injustice et si celui-là l’a subie, si celui-ci a causé un  dommage et si celui-là a été lésé. /132/

 

<NATURE DU JUSTE CORRECTF>

<Un exemple concret : la façon dont  procède le juge>

 [1132 a 6] C’est parce que l’injuste est ici identique à l’illégal {l’ill-égal dirait le crétin Lacan, c’est l’effet yau d’poële auquel recourt aussi l’illustre Aristote, cf. infra [30]} que le Juge s’efforce de rétablir l’égalité. Même dans le cas, en effet, où un tel reçoit une blessure que provoque un tel, où un tel donne la mort et un tel succombe, il s’ensuit, encore, de l’action accomplie par l’un et subie par l’aube, une division inégale ; et le juge, lui, tente de rétablir l’égalité en faveur du perdant, et, pour ce faire, il enlève quelque chose au gagnant.

<Remarque sur l’emploi des termes « perte » et « gain »>

[10] On peut, en pareils cas, parler en général, — même si les mots ne  s’y appliquent pas au sens propre, — de gain (par exemple pour celui qui porte les coups) et de perte (par exemple pour celui qui les reçoit). Encore est-il que c’est seulement quand le dommage a été apprécié {de precium, « prix »} que le résultat de l’action est appelé perte, d’une part, et gain, de l’autre.

<Définition du juste correctif>

[14] Ainsi, c’est l’intermédiaire entre le plus et le moins ; le gain et la perte, au contraire, sont à la fois et en sens opposés plus et moins : plus de bien et moins de mal, c’est un gain ; inversement, moins de bien et plus de mal, c’est une perte. Or, l’égal, — que nous posons identique au juste, — c’est, disions-nous, l’intermédiaire. Par conséquent, le juste correctif est l’intermédiaire entre [1132 a 19] le perdant et le gagnant.

(autre rédaction)

[1132 b 11-20]

<Origine des termes « perte » et « gain »>

[1132 b  11] Ces ternes de perte et de gain ont leur origine dans l’échange fait de plein gré. En effet, posséder plus qu’il ne nous revient, c’est ce qu’on appelle faire un gain, tandis que posséder moins qu’on n’avait en commen­çant, c’est subir une perte. Ainsi en va-t-il dans l’achat et dans la vente et dans toutes les autres opérations où la loi laisse aux individus la possi­bilité de régler les termes de l’échange. Par contre, quand les parties n’ont ni plus, ni moins mais exactement ce qu’elles avaient en commençant, on dit que l’on a sa part et que l’on ne gagne ni ne perd. /133/

<Définition du juste correctif>

[1132 b 18] Par conséquent, le juste dans les rapports qui ne sont pas établis de plein gré, c’est l’intermédiaire entre ce que l’on peut appeler un gain et une perte ; il consiste à posséder après l’échange un bien égal à celui que l’on possédait auparavant.

<La définition proposée peut être confirmée par la conception que l’on se fait couramment du juste>

[1132 b 19] Voilà pourquoi, lorsque surgit une contestation, on a recours juge. Aller devant le juge, c’est se mettre en face de la notion même de juste, car l’idéal du juge, c’est d’être le juste personnifié. Et de plus on recherche le juge comme un intermédiaire, et certains font appel à des médiateurs, montrant par là qu’en parvenant à l’intermédiaire on croit parvenir au juste. On peut donc conclure que le juste est en quelque sorte un intermédiaire, s’il est vrai que le juge, lui aussi, en est un. [29a] 

 

<LA NOTION DE JUSTE CORRECTIF
IMPLIQUE ELLE AUSSI UNE PROPORTION
>

<Examen plus approfondi de l’opération accomplie par le juge>

[24] Le juge, donc, restaure l’égalité. Ce faisant, il agit comme si, une longueur donnée étant divisée en segments inégaux, il ôtait au plus grand segment pour l’ajouter au plus petit la longueur dont le premier dépasse la moitié. Et c’est lorsque la longueur totale est divisée en deux parts égales que l’on dit que l’on a sa part, — c’est-à-dire lorsqu’on a obtenu l’égal.

<Remarque sur l’étymologie dit mot « dikaion » (juste)>

[30] Telle est aussi la raison pour laquelle on emploie le mot « dikaion » (juste) : c’est qu’il signifie dicha {étymologie fantaisiste, mais jeu de mot burlesque. Dika : règle, usage, coutume ; dicha : doublement ; dichê : en deux (Bailly), d’où dichotomie. Ainsi, le jugement de Salomon qui propose de couper l’enfant en deux serait injuste parce que l’enfant n’est pas coupable} (division en deux parts égales) c’est comme si on disait « dichaion » ; de même le juge (dikastès) est un diviseur en moitiés (dichastès).

<Le juge ne fait donc que prendre la proportion arithmétique>

[29b] Or, l’égal est intermédiaire entre le plus grand et le plus petit selon la proportion arithmétique.

[32] Soient en effet deux longueurs égales. Si on enlève à la première un segment que l’on ajoute à la seconde, celle-ci dépasse l’autre de deux fois la longueur de ce segment (cela se comprend facilement, /134/ car si l’on enlève à la première un segment sans l’ajouter à la seconde, la différence entre les deux sera égale à un seul segment). La seconde longueur dépasse donc la moitié d’une longueur égale à un segment, et la moitié à son tour dépasse d’une longueur égale à un segment la longueur à laquelle on a ôté ce segment.

<L’application de la proportion arithmétique permet de résoudre
les problèmes posés par la
notion de juste correctif>

[1132 b 2] Ainsi donc saurons-nous à la fois ce qu’il. faut enlever à celui qui a trop et ce qu’il faut ajouter à celui qui n’a pas assez : à celui qui a en moins, il faut ajouter la quantité dont la moitié dépasse sa part ; à celui qui a la plus grande part, nous devons enlever la quantité dont cette part dépasse la moitié.

Soient AA, BB et CC trois longueurs égales entre elles. Enlevons à AA le segment AE et ajoutons à CC le segment CD, de telle sorte que la longueur totale DCC dépasse EA d’une longueur CD + CZ ; il s’en suit que DCC dépassera BB de la longueur CD.

{d’après la note des traducteurs : passage [1132 b  11] à [1132 b 19] reporté plus haut dans le cadre jaune soutenu. Il s’agit d’un doublet du passage 1132 a 10-18}

 

Chapitre 8

<Le juste et le réciproque>

<Ce qui a été dit sur les deux sortes de justice, à savoir qu’elles impliquent une proportion, se heurte à une opinion courante>

[21] Il semble aller de soi, pour certains, que le réciproque à lui seul épuise purement et simplement la notion de juste, ainsi que l’affirmaient les Pythagoriciens ; ceux-ci en effet définissaient le juste, sans plus, comme le fait de subir en retour ce que l’on a fait subir.

 

<CETTE OPINION EST FAUSSE,
car la justice ne se ramène pas à la réciprocité>

[23] En fait, cette définition du juste par le réciproque ne s’applique ni au juste distributif ni au juste correctif, encore que 1’on veuille interpréter en faveur de cette identification la justice de Rhadamante : « Que l’on souffre ce que l’on a fait, ce sera bonne justice ». /135/

<Deux preuves de la distinction nécessaire entre juste et réciproque>

[28] En bien des cas en effet le juste et le réciproque sont en désaccord par exemple si c’est le détenteur d’une magistrature qui donne des coups, il ne doit pas être frappé en retour ; mais si l’on a frappé un magistrat, on doit non seulement être frappé, mais encore recevoir une punition.

[30] Ajoutons à cela que la différence est grande entre celui qui agit de son plein gré et celui qui ne le fait que malgré soi.

 

<CETTE OPINION RECÈLE POURTANT UNE PART DE VÉRITÉ :
LA réciprocité bien comprise est UN TYPE DE JUSTICE>

<Toute communauté suppose une certaine réciprocité>

[31] Il n’est est pas moins vrai que dans les associations d’échanges, ce qui maintient la communauté, c’est ce type de juste, le réciproque, entendu il est vrai selon la proportion et non sur la base d’une stricte égalité. Car ce qui fait subsister la cité, c’est que chacun rend l’équivalent de ce qu’il a reçu : nous a-t-on fait du mal ? on cherche à le rendre et, si l’on n’y peut mais, on se sent dans la situation d’un esclave ; est-ce du bien ?si on ne le rend pas, il n’y a plus d’échange, et pourtant c’est l’échange qui nous lie inébranlablement les uns aux autres.

<Le symbole des Grâces>

[1133 a 2] Voilà, aussi pourquoi on élève un temple des Grâces en un lieu il soit bien en vue : c’est pour apprendre à rendre les bienfaits reçus. C’est cela le propre de la grâce : il faut, non seulement payer de retour celui qui a fait preuve de gracieuseté, mais encore prendre soi-même l’initiative d’un geste gracieux.

<La réciprocité bien comprise doit réaliser une égalité proportionnelle>

[5] Ce qui fait cet échange conforme à la proportion, c’est l’addition des termes diamétralement opposés.

Ce passage est clairement expliqué par Jorion 

[7] Prenons un exemple ; soient A un architecte, B un cordonnier, C une maison et D une paire de chaussures. Le problème est donc celui-ci : l’architecte doit recevoir du cordonnier le travail de celui-ci et lui donner en échange son propre travail. En établissant /136/ d’abord l’égalité proportionnelle de ces différents produits {ici travail=produit, j’aimerai bien voir le texte grec. Cf. plus bas} et en réalisant ensuite la réciprocité, on obtiendra le résultat susdit. Sinon le marché ne sera pas égal et la communauté ne subsistera pas. Rien n’empêche en effet que le travail de l’un ait plus de valeur que le travail de l’autre, et, dans ce cas, i1 faut les ramener à l’égalité.

[14] (Ceci vaut aussi bien pour les autres arts : ils périraient si ce que le consommateur consomme n’était pas, en quantité et en qualité, ce que le producteur produit.)

[16] Car ce ne sont pas deux médecins qui constituent une communauté, mais un médecin et un cultivateur, — disons en général des individus différents et non égaux ; et c’est justement ces individus qu’il faut ramener à l’égalité.

 

<La monnaie est une mesure qui permet de comparer

 commodément la valeur relative des marchandises

 et d’établir la réciprocité proportionnelle>

<Les marchandises échangées doivent être commensurables>

[19] Aussi tous les biens qui sont matières à échanges {un mot comparable à « marchandises » paraît-il dans le texte d’Aristote ?} doivent-ils être comparable, d’une façon ou d’une antre.

<Cette nécessité a fait inventer la monnaie>

[20] C’est pour cela qu’a été mise en circulation la monnaie, qui est devenue en quelque sorte un moyen terme : elle mesure en effet toutes choses et aussi, par conséquent, l’excès et le défaut ; elle permet ainsi d’établir combien de paires de chaussures sont nécessaires pour faire l’équivalent ♦♦ d’une maison ou d’une quantité donnée de nourriture.

♦ Cf. plus bas.

♦♦ Il s’agit en fait de l’équivalence des prix et non pas de l’équivalence d’une maison ou d’une quantité de nourriture.

<Comment il faut égaliser les différents produits échangés>

[22] Il faut donc que 1e rapport qui existe entre un architecte et un cordonnier  se retrouve entre tant de paires de chaussures et une maison [ou une quantité donnée de nourriture] : sinon, en effet, il n’y aura ni échange ni communauté. Or cela ne pourra avoir lieu que [1133 a 25] si les produits sont égaux d’une certaine manière ♦♦.

 Il n’y a d’autre rapport entre l’architecte et le cordonnier que l’échange, dans ce cas. L’architecte et le cordonnier ont à part ça un statut différent, statut qui peuvent être identiques ou différents. Mais ces statuts n’ont aucun rapport numériques. L’un peut être supérieur à l’autre mais cette supériorité n’est pas quantifiable.

♦♦  Non, pas les produits mais les prix des produits. Les prix sont là pour ça.

 

(2ème rédaction)

<Les marchandises échangées doivent être commensurables>

[1133 a 25] Ainsi donc, il faut que tous les produits puissent être mesurés par une seule unité [Ainsi que nous l’avons dit plus haut]. /137/

<Cette commune mesure, c’est le besoin>

[26] Or, cette commune mesure, c’est en fait le besoin {expression incompréhensible}, qui assure la permanence de toutes les communautés. À supposer en effet que l’on n’eût aucun besoin, ou que les besoins ne fussent pas identiques {il y a là une affirmation qui entre en contradiction avec le sens du passage}, il en résulterait que l’échange serait nul, ou qu’il s’effectuerait d’une façon différente {comme aux îles Trobriand par exemple}.

<La monnaie représente fictivement le besoin>

[28] Mais par convention la monnaie est devenue le substitut du besoin. Si elle porte le nom de monnaie (nomisma), c’est justement qu’elle n’existe pas de nature, mais par coutume conventionnelle (nomos) {« coutume conventionnelle » est un pléonasme ou une contradiction dans les termes selon le sens donné à convention}, et qu’il nous appartient de changer sa valeur ou de la retirer de la circulation.

<Comment il faut égaliser les produits échangés>

[31] Il y aura donc réciprocité lorsque les marchandises auront été égalisées , de sorte que le rapport ♦♦ qui existe entre un paysan et un cordonnier se retrouve entre le travail ♦♦♦ du paysan et celui du cordonnier.

 Ce n’est pas les marchandises qui sont égalisées, mais les prix des marchandises.

♦♦ Le seul rapport entre le paysan et le cordonnier dans le cas qui nous occupe est l’échange.

♦♦♦ Ce n’est pas le travail au sens abstrait moderne, longuement commenté par Marx (j’y reviendrai) mais le produit de l’activité et la figure de rhétorique qui consiste à donner l’activité pour le produit de l’activité. Certains traducteurs traduisent d’ailleurs par « produit ». Plus haut, 1133 a 22, il est question de produits.

<Remarque sur la façon de procéder pour éviter les litiges>

[33] Toutefois, il ne faut pas mettre les termes en proportion une fois l’échange effectué (sinon l’un des termes extrêmes aurait double avantage), [1133 b] mais lorsque chacun possède encore ce qui lui appartient. De cette façon, les deux parties sont à égalité et capables de former une association, parce que dans leur situation, l’égalité peut être réalisée (exemple : soit A un paysan, C une certaine quantité de nourriture, B un cordonnier et D le travail de celui-ci ramené à l’égalité). S’il était impossible d’effectuer ainsi la réciprocité, il n’y aurait aucune association possible.

<Dernière remarque sur le rôle du besoin et l’utilité de la monnaie>

[6] C’est le besoin qui, en fournissant en quelque sorte une unité commune , — assure la permanence des associations. Cela saute aux yeux du fait que, si le besoin réciproque vient à disparaître, — que les deux parties ou seulement l’une d’entre elles n’aient aucun besoin, — il n’y a pas non plus d’échange. Tel est le cas si quelqu’un a besoin de ce que l’on ne possède pas soi-même, — disons par exemple du vin, — et propose en échange un privilège d’exportation pour du blé. Il faut donc, parvenir ici à l’égalisation des besoins.

Expression incompréhensible : comme le besoin pourrait-il être une unité commune ? Un motif peut-être, mais une unité, certainement pas. Ainsi le besoin de vengeance peut-il être le motif du bombardement de New York, mais il ne peut pas être une unité commune.

[10] Il faut par ailleurs envisager les échanges à venir. Si l’on n’a pour le montent aucun besoin, le jour viendra où on en aura et où l’échange sera possible : il faut donc que la monnaie en soit pour nous la caution, car celui qui apporte de la monnaie doit recevoir ce dont il a besoin.

[13] Sans doute est-elle elle-même sujette à des fluctuations, en ce sens  qu’elle ne possède pas toujours le même pouvoir d’achat ; du moins tend-elle à une plus grande stabilité. [1133 b 14] /138/

 

 

(3ème rédaction)

<Les marchandises échangées doivent être commensurables>

[1133 b 14] Il faut donc que toutes choses soient appréciées  : c’est par là qu’on rendra possible en tout temps l’échange, et, par suite, l’association,

 Exactement, bien vu : c’est seulement quand les choses ont un prix, qu’elles sont appréciées, stricto sensu, que leur échange devient possible en tout temps.

<Cette commune mesure, c’est le besoin>

[18] À la vérité, il est impossible, de rendre commensurables des choses aussi différentes  ; mais on peut le faire convenablement si l’on a égard au besoin.

 Exactement, il est impossible de rendre commensurables, non seulement des choses différentes mais des choses semblables. Seules les grandeurs attachées à ces choses peuvent être commensurables et même incommensurables.

<La monnaie, représentation fictive du besoin>

[20] Il nous faut donc une certaine unité, et cette unité ne peut être établie que par convention. Aussi l’appelle-t-on monnaie (nomisma). La monnaie rend toutes choses commensurables , étant donné que l’on mesure tout [23a] en fonction de la monnaie ♦♦.

 La monnaie ne rend pas les choses commensurables, ni égales, mais échangeables.

♦♦ On ne mesure pas tout en fonction de la monnaie

[16] La monnaie peut donc tout égaliser , comme une mesure qui rend toutes choses commensurables ♦♦. Pas d’association en effet sans échanges ; pas d’échanges sans égalité ♦♦♦ ; pas d’égalité sans commensurabilité .

 La monnaie ne peut pas tout égaliser, elle ne peut pas tout rendre égal, mais seulement les prix puisque les prix, précisément, sont des quantités de monnaie et que la valeur est la mention de ces prix, la mention de ces quantités de monnaie. Seuls les prix peuvent être égalisés dans le cas où l’on voudrait échanger directement deux marchandises entres elles, cas qui n’est pas la règle générale, mais qui a lieu cependant entre commerçants.

♦♦ Du temps d’Aristote : une commune mesure. Seule une commune mesure permettait de rendre toutes choses commensurables (impropre) du temps d’Aristote. (Voir plus bas symmetrias). Mais là n’est pas la question cf. plus bas : ça me troue le cul.

♦♦♦ Aristote ne considère ici que l’échange direct de marchandises qui n’est pas la règle de l’échange marchand, mais une exception. La règle de l’échange marchand est au  contraire qu’il peut y avoir échange sans égalité des prix. Pour qu’il y ait échange, il suffit qu’il y ait un prix et un seul et non pas l’égalité de deux prix puisque la règle de l’échange marchand est que l’on n’échange pas directement les choses entre elles mais les choses et l’argent et l’argent et les choses. Les erreurs de Marx sont déjà présentes chez Aristote. Deux marchandises équivalentes sont deux marchandises qui ont le même prix. Il est absurde de dire qu’une marchandise et son prix sont équivalents car c’est dire qu’une marchandise et son prix ont le même prix.

 Cf. plus bas : ça me troue le cul.

<Comment  il faut égaliser les produits échangés>

[23b] Soient A une maison, B dix mines ; C un lit. A est la moitié de B, si nous supposons que la maison est d’une valeur de cinq mines, c’est-à-dire égale à cinq mines, et le lit, C est le dixième de B. Combien faut-il de lits pour obtenir une valeur égale à celle de la maison ? I1 saute aux yeux qu’il en faut cinq. Il est manifeste que c’est de cette façon que s’opérait l’échange avant que ne fût instituée la monnaie . De fait, donner contre [1133 b 28] une maison cinq lits ou le prix que valent cinq lits, cela revient au même).

 Absurdité. C’est le fait que les choses ont un prix qui permet d’égaliser les prix afin d’échanger directement les choses sans passer par l’échange intermédiaire avec l’argent. Remarquons en passant que la maison « n’est pas d’une valeur » de cinq mine, « elle a une valeur » de cinq mines. L’usage est de demander : « Quelle est la valeur de la maison » et non pas « De quelle valeur est la maison ? » La métaphysique commence avec la réflexion sur l’usage, usage qui va, lui, très bien tout seul. Quant à Lebesgue, il dit que les mathématiques sont une science expérimentale et que les définitions doivent être effectuée à partir de ce qui a lieu dans la pratique qui les précède. Lui aussi regarde l’usage à sa manière. Une définition qui ne suit pas bien ce qui est fait pratiquement est une mauvaise définition, pire, elle est fausse.

 

Comparaison de six traductions et du grec

Traduction de J. Voilquin et un grand merci à M. Remacle [Traduction Thurot / Texte grec]. Quand j’ai commencé cette étude, le chapitre V de l’Éthique n’était pas encore disponible sur son site.

[1133b] C’est lorsqu’ils viennent à échanger leurs produits que ce rapport doit s’établir sous la forme de proportion [analogia] : autrement, l’un des extrêmes pécherait par un double excès (20). Mais quand chacun d’eux obtient ce qui lui appartient, alors il y a égalité, et il peut y avoir commerce entre eux, parce qu’il dépend d’eux que cette égalité puisse s’établir. Soit A le laboureur, C la quantité d’aliments, [5] B le cordonnier, D la quantité de son travail égale à la quantité d’aliments ; [il faudra que B soit à A, comme D est à C]; au lieu que, s’il n’était pas possible de régler ainsi la réciprocité, le commerce ne pourrait pas avoir lieu.

Ce qui prouve que le besoin est comme le lien unique qui maintient la société, c’est que, quand deux hommes n’ont aucun besoin l’un de l’autre, ou au moins l’un des deux, ils ne font point d’échange ; il en est de même lorsque l’un ne manque pas de ce que l’autre possède, par exemple, de vin, ce qui donnerait la possibilité à l’autre de proposer son blé. [10] Il faut donc qu’il s’établisse une sorte d’égalité, [entre les besoins comme entre les produits]. Mais en supposant qu’aucun besoin ne se fasse sentir actuellement, l’argent est pour nous comme un garant que l’échange pourra se faire à l’avenir, si l’on est dans le cas d’y avoir recours: car il est permis à celui qui le donne, de prendre ce dont il a besoin. Au reste, l’argent lui-même est sujet aux mêmes vicissitudes [que la denrée] ; car il n’a pas toujours une égale valeur : cependant il en conserve ordinairement une plus uniforme. //

//Voilà pourquoi il convient que toutes [15] les choses aient un prix déterminé : car de cette manière les échanges [allaghé] pourront toujours avoir lieu ; et ce n’est que dans ce cas qu’il y a commerce et société [koinomia].

La monnaie, étant donc comme une mesure [métron symmetra] qui établit un rapport appréciable entre les choses, les rend égales [isothétos]. car il n’y aurait point de société sans échange; point d’échange, sans égalité [isothès] ; point d’égalité, sans une commune mesure [symmetrias]. A la vérité [alhéteia], il est impossible de rendre commensurables [symmetra] des objets entièrement différents [bravo : exactement ! alors pourquoi s’entêter à vouloir le faire ? pourquoi s’entêter à chercher sous le réverbère sous prétexte qu’il y fait plus clair ?] ; mais on y réussit assez exactement pour les besoins [chreian] de la pratique. Il faut donc [20] qu’il existe quelque mesure commune [symmetra] ; mais elle ne l’est que par supposition ou convention. Voilà pourquoi on donne à la monnaie le nom de νόμισμα [de νόμος, usage, convention] ; c’est elle qui rend tous les objets commensurables [symmetra]  puisqu’ils peuvent être évalués  en monnaie [nomisma metreitai]

Soit A une maison, B une somme de dix mines, C un lit : il est évident que A sera la moitié de B, si la maison est du prix [axia] de cinq mines, ou égale à ce prix. Supposons que le lit, ou C, soit la dixième partie de B ; on voit dès-lors combien [25] de lits feront une valeur égale à celle de la maison, c’est-à-dire qu’il en faudra cinq. Il est même facile de voir que c’est ainsi que se faisaient les échanges [allaghè], avant que la monnaie existât ; car il importe peu qu’on échange les cinq lits contre la maison, ou contre toute autre chose qui aura la même valeur que cinq lits.

 

« c’est la monnaie qui rend tous les objets commensurables  puisqu’ils peuvent être évalués en monnaie. » Toute l’erreur est là, cette erreur qui a deux mille cinq cents ans d’existence : les objets ne deviennent pas commensurables parce que… évaluer n’est pas mesurer. Merde à la fin. Meuh ! Pour savoir ce qu’est « mesurer », direction professeur Lebesgue, SVP. Les objets ne deviennent pas commensurables, parce qu’ils deviennent… échangeables. Et pour devenir échangeables, ils n’ont pas du tout besoin de devenir commensurables, et c’est tant mieux parce que commensurables ils ne peuvent le devenir. Cette pathologie métaphysique provient d’une mécompréhension de la grammaire du mot mesure. Chercher à résoudre l’énigme de la valeur tel que cela fut fait pendant deux mille cinq cents ans c’est ce que fait l’ivrogne qui cherche sa clef perdue, il ne sait où, sous un réverbère parce qu’il y fait plus clair. S’il pouvait vivre deux mille cinq cents ans, il ne la trouverait jamais si elle n’a pas été perdue sous le réverbère. Vous ne trouverez pas la solution si vous regardez du côté de la mesure. Comprendre la grammaire, ce n’est pas regarder où il fait clair prétendument, c’est regarder ou il faut, c’est regarder l’usage : et l’usage de la mesure, et l’usage de l’évaluation.

Il me semble qu’en grec est écrit : « mesurés », mais le bon sens du traducteur a parlé : il a corrigé faisant apparaître toute l’absurdité de la chose. Cela m’étonnais de ne pas avoir remarqué cette contradiction qui me permet de mieux formuler ma pensée : les marchandises ne sont pas mesurées mais évaluées. Une évaluation n’est pas une mesure. Merci.

J’ai étendu cette citation par rapport aux autres pour monter combien périlleuse est la traduction qui abouti au mot français besoin. Il y a deux occurrences dans le texte grec du mot chreia. Il y a six occurrence du mot besoin dans le texte français. Dans le paragraphe qui précède et que je n’ai pas reproduit, c’est encore pire. Notez l’habileté du traducteur : « quand deux hommes n’ont aucun besoin l’un de l’autre, ou au moins l’un des deux, ils ne font point d’échange ». Voyez donc ma remarque plus bas

 

[1133b] (1) Εἰς σχῆμα δ’ ἀναλογίας οὐ δεῖ ἄγειν, ὅταν ἀλλάξωνται (εἰ δὲ μή, ἀμφοτέρας ἕξει τὰς ὑπεροχὰς τὸ ἕτερον ἄκρον), ἀλλ’ ὅταν ἔχωσι τὰ αὑτῶν. Οὕτως ἴσοι καὶ κοινωνοί, ὅτι αὕτη ἡ ἰσότης δύναται ἐπ’ αὐτῶν γίνεσθαι. Γεωργὸς α, τροφὴ γ, (5) σκυτοτόμος β, τὸ ἔργον αὐτοῦ τὸ ἰσασμένον δ. Εἰ δ’ οὕτω μὴ ἦν ἀντιπεπονθέναι, οὐκ ἂν ἦν κοινωνία.

Ὅτι δ’ ἡ χρεία συνέχει ὥσπερ ἕν τι ὄν, δηλοῖ ὅτι ὅταν μὴ ἐν χρείᾳ ὦσιν ἀλλήλων, ἢ ἀμφότεροι ἢ ἅτερος, οὐκ ἀλλάττονται, †ὥσπερ ὅταν οὗ ἔχει αὐτὸς δέηταί τις, οἷον οἴνου, διδόντες σίτου ἐξαγωγήν.† (10) Δεῖ ἄρα τοῦτο ἰσασθῆναι. Ὑπὲρ δὲ τῆς μελλούσης ἀλλαγῆς, εἰ νῦν μηδὲν δεῖται, ὅτι ἔσται ἂν δεηθῇ, τὸ νόμισμα οἷον ἐγγυητής ἐσθ’ ἡμῖν· δεῖ γὰρ τοῦτο φέροντι εἶναι λαβεῖν. Πάσχει μὲν οὖν καὶ τοῦτο τὸ αὐτό· οὐ γὰρ ἀεὶ ἴσον δύναται· ὅμως δὲ βούλεται μένειν μᾶλλον. Διὸ δεῖ πάντα (15) τετιμῆσθαι· οὕτω γὰρ ἀεὶ ἔσται ἀλλαγή, εἰ δὲ τοῦτο, κοινωνία.

Τὸ δὴ νόμισμα ὥσπερ μέτρον σύμμετρα ποιῆσαν ἰσάζει· οὔτε γὰρ ἂν μὴ οὔσης ἀλλαγῆς κοινωνία ἦν, οὔτ’ ἀλλαγὴ ἰσότητος μὴ οὔσης, οὔτ’ ἰσότης μὴ οὔσης συμμετρίας. Τῇ μὲν οὖν ἀληθείᾳ ἀδύνατον τὰ τοσοῦτον διαφέροντα σύμμετρα (20) γενέσθαι, πρὸς δὲ τὴν χρείαν ἐνδέχεται ἱκανῶς. Ἓν δή τι δεῖ εἶναι, τοῦτο δ’ ἐξ ὑποθέσεως· διὸ νόμισμα καλεῖται· τοῦτο γὰρ πάντα ποιεῖ σύμμετρα· μετρεῖται γὰρ πάντα νομίσματι.

Οἰκία α, μναῖ δέκα β, κλίνη γ. Τὸ α τοῦ β ἥμισυ, εἰ πέντε μνῶν ἀξία ἡ οἰκία, ἢ ἴσον· ἡ δὲ κλίνη δέκατον (25) μέρος, τὸ γ τοῦ β· δῆλον τοίνυν πόσαι κλῖναι ἴσον οἰκίᾳ, ὅτι πέντε. Ὅτι δ’ οὕτως ἡ ἀλλαγὴ ἦν πρὶν τὸ νόμισμα εἶναι, δῆλον· διαφέρει γὰρ οὐδὲν ἢ κλῖναι πέντε ἀντὶ οἰκίας, ἢ ὅσου αἱ πέντε κλῖναι.

Τί μὲν οὖν τὸ ἄδικον καὶ τί τὸ δίκαιόν ἐστιν, εἴρηται. (30) Διωρισμένων δὲ τούτων δῆλον ὅτι ἡ δικαιοπραγία μέσον ἐστὶ τοῦ ἀδικεῖν καὶ ἀδικεῖσθαι· τὸ μὲν γὰρ πλέον ἔχειν τὸ δ’ ἔλαττόν ἐστιν.

Copiez collez un mot grec ci-dessus. Hélas, la mise en ligne n’est pas terminée.

Dictionnaire Bailly abrégé  

Le même dictionnaire, complet 

 

Traduction Gauthier-Jolif

Sans doute est-elle elle-même sujette à des fluctuations, en ce sens  qu’elle ne possède pas toujours le même pouvoir d’achat  ; du moins tend-elle à une plus grande stabilité. Il faut donc que toutes choses soient appréciées  : c’est par là qu’on rendra possible en tout temps l’échange, et, par suite, l’association. À la vérité, il est impossible, de rendre commensurables des choses aussi différentes ; mais on peut le faire convenablement si l’on a égard au besoin . Il nous faut donc une certaine unité, et cette unité ne peut être établie que par convention. Aussi l’appelle-t-on monnaie (nomisma).

La monnaie rend toutes choses commensurables, étant donné que l’on mesure tout en fonction de la monnaie. La monnaie peut donc tout égaliser, comme une mesure qui rend toutes choses commensurables. Pas d’association en effet sans échanges ; pas d’échanges sans égalité ; pas d’égalité sans commensurabilité.

Soient A une maison, B dix mines ; C un lit. A est la moitié de B, si nous supposons que la maison est d’une valeur  de cinq mines, c’est-à-dire égale à cinq mines, et le lit, C est le dixième de B. Combien faut-il de lits pour obtenir une valeur  égale à celle de la maison ? I1 saute aux yeux qu’il en faut cinq. Il est manifeste que c’est de cette façon que s’opérait l’échange avant que ne fût instituée la monnaie. De fait, donner contre une maison cinq lits ou le prix  que valent cinq lits, cela revient au même).

 

Traduction Bodéüs

Certes, la monnaie subit aussi la même fluctuation que les besoins. Elle n’a pas en effet toujours un égal pouvoir d’achat . Mais malgré tout, elle tend à plus de stabilité. C’est pourquoi tout doit avoir un prix établi , car c’est la condition pour qu’il y ait toujours possibilité d’échange et, partant, d’association.

La monnaie donc constitue une sorte d’étalon qui rend les choses commensurables et les met à égalité. Sans échange en effet, il n’y aurait pas d’association, ni d’échange sans égalisation, ni d’égalisation sans mesure commune. À la vérité donc, il est impossible de rendre les choses commensurables vu qu’elles sont tellement différentes, / [20] mais en fonction du besoin , on peut y arriver de façon satisfaisante. Aussi doit-on disposer d’une certaine unité qui soit fixée par hypothèse (d’où l’appellation de monnaie), car c’est elle qui rend tout commensurable. Tout peut en effet se mesurer en monnaie :

si une maison correspond à A, dix mines à B et un lit à C, A est la moitié de D si la maison est évaluée à cinq mines, autrement dit, il est égal à cinq mines, tandis que le lit, c’est-à-dire C, est la dixième partie de B. On voit pourtant combien il faut de lits pour égaler une maison, c’est-à-dire cinq. Or de toute évidence, c’est ainsi que l’échange s’opérait avant l’existence de la monnaie car il n’y a aucune différence entre échanger cinq lits contre une maison et offrir pour elle le prix   de cinq lits.

 

Traduction Taïeb

Sans doute celle-ci éprouve-t-elle aussi des modifications ; car elle n’a pas toujours un pouvoir [d’achat] égal  ; mais cependant elle tend à être plus stable. C’est pourquoi il faut que toutes les choses aient été évaluées  ; car ainsi l’échange existera toujours (et), si ceci est, la communauté (aussi).

Dès lors la monnaie, comme un instrument de mesure qui rend les choses commensurables, égalise ; car la communauté n’existerait pas si l’échange n’était pas, ni l’échange si l’égalité n’était pas, ni l’égalité si la commensurabilité n’était pas. Sans doute en vérité il est impossible que des choses qui diffèrent autant deviennent commensurables, mais par rapport au besoin  cela est possible suffisamment. Il faut, dès lors, un(e) unité) quelconque, mais ceci par fondement ; c’est pourquoi elle est appelée « monnaie » ; en effet, celle-ci rend toutes les choses commensurables ; car toutes les choses sont mesurées en monnaie.

Soient une maison A, dix mines B, un lit C. Alors A est la moitié de B, si la maison vaut, ou est égale à cinq mines ; le lit C est la dixième partie de B combien de lits est égal à une maison est alors évident, soient cinq. Qu’ainsi l’échange ait existé avant que la monnaie existe est évident ; car cinq lits contre une maison ou contre autant que cinq lits  ne diffèrent en rien.

 

Traduction Tricot

La monnaie, il est vrai, est soumise aux mêmes fluctuations que les autre marchandises (car elle n’a pas toujours un égal pouvoir d’achat ; elle tend toutefois à une plus grande stabilité. De là vient que toutes les marchandises doivent être préalablement estimées en argent , car de cette façon il y aura toujours possibilité d’échange, et, par suite communauté d’intérêts entre les hommes.

La monnaie, dès lors, jouant le rôle de mesure, rend les choses commensurables entre elles et les amène ainsi à l’égalité : car il ne saurait y avoir communauté d’intérêts sans échange, ni échange sans égalité, ni enfin égalité sans commensurabilité. Si donc, en toute rigueur, il n’est pas possible de rendre les choses par trop différentes commensurables entre elles, du moins, pour nos besoins courants , peut-on y parvenir d’une façon suffisante. Il doit donc y avoir quelque unité de mesure, fixée par convention, et qu’on appelle pour cette raison νόµισµα, car c’est cet étalon qui rend toutes choses commensurables, puisque tout se mesure en monnaie.

Appelons par exemple une maison A, dix mines B, un lit Γ. Alors A est moitié de B si la maison vaut cinq mines, autrement dit est égale à cinq mines ; et le lit Γ est la dixième partie de B : on voit tout de suite combien de lits équivalent à une maison, à savoir cinq. Qu’ainsi l’échange ait existé avant la création de la monnaie cela est une chose manifeste, puisqu’il n’y a aucune différence  entre échanger cinq lits contre une maison ou payer la valeur en monnaie  des cinq lits.

 

Traduction Ross

Now the same thing happens to money itself as to goodsit is not always worth the same ; yet it tends to be steadier. This is why all goods must have a price set on them [une étiquette] ; for then there will always be exchange, and if so, association of man with man.

Money, then, acting as a measure, makes goods commensurate and equates them; for neither would there have been association if there were not exchange, nor exchange if there were not equality, nor equality if there were not commensurability. Now in truth it is impossible that things differing so much should become commensurate, but with reference to demand  they may become so sufficiently. There must, then, be a unit, and that fixed by agreement (for which reason it is called money); for it is this that makes all things commensurate, since all things are measured by money.

Let A be a house, B ten minae, C a bed. A is half of B, if the house is worth five minae or equal to them; the bed, C, is a tenth of B; it is plain, then, how many beds are equal to a house, viz. five. That exchange took place thus before there was money is plain; for it makes no difference whether it is five beds that exchange for a house, or the money value  of five beds.

♦ Ross évite les trois anachronismes : « pouvoir d’achat » (Adam Smith), « valeur » (Adam Smith), et « le besoin » (1840, Cf. Polanyi). Peut-être « demand » est-il aussi anachronique ? Il me semble que les Grecs ne connaissent « le besoin » que dans l’expression « être dans le besoin ». Le besoin, pour les Grecs, c’est la misère. Il faudra attendre 1840 pour que l’humanité tombe dans « le besoin » (c’est à dire, finalement, dans la misère) pour que règne « le besoin » (c’est à dire finalement la misère) et que les hommes aient des besoins. Les Grecs connaissent également « les besoins », c’est à dire « les nécessités de la vie », ainsi que « avoir besoin de ». « Les chiens », ce n’est pas du tout la même chose que « le chien ». Manifestement, dans le texte d’Aristote, ce n’est pas le besoin qui règne, mais le besoin des uns des autres et les nécessités de la vie. Le maçon a besoin du médecin, le médecin a besoin du maçon. Les Grecs savent encore ce que signifie vivre ensemble. Les Grecs ne sont pas encore des con-sommateurs. Le con-sommateur est un homme qui « a des besoins ». Voilà la véritable « grande transformation » et non pas le faux départ de 1929.

Alexandre, Planche et Defauconpret, Paris, 1885. BNF.

Bailly donne : χρεία : I. usage, emploi ; II. matière dont on fait usage ; III. profit qu’on retire de l’usage d’une chose, profit, avantage ; IV1. besoin, nécessité ; 2. résultat du besoin, pauvreté, nécessité. τα έπιτήδεια : les choses nécessaires à la vie. Maintenant, il faut que je trouve le texte grec bilingue (c’est fait).

χρεα, ας (

I usage, emploi, c. à d.

1 en gén. usage qu’on fait d’une chose:

πτὴν χρεαν νματα,  PLUT. mots usités ;
χρε
α τν νομτων,  PLUT. emploi des mots ;

p. suite, service, fonction:

χρ. ερηνικα,  PLUT. service en temps de paix ;
χρ. πολιτικα
  PLUT. services publics ;
τὴν χρε
αν πιτελεσθαι,  PLUT. arriver au terme de sa fonction ;

au plur.

αἱ  τοσματος χρεαι,  XEN. les emplois du corps, les fonctions pour lesquelles on se sert du corps

2 manière de se servir de qqe chose ou d’en user avec qqn, commerce habituel, relations : [Le Grand Bailly donne aussi : relations avec quelqu’un ; relations mutuelles ; relations intimes. JPV]

πρς λλλους,  PLAT. relations des hommes les uns avec les autres

II matière dont on fait usage, particul. : 

1 objet dont on se sert:

χρεαι ναυτικαEL. agrès d’un navire  

2 fig. matière à discussion, question ou sujet qu’on traite  

3 t. de rhét. sujet de développement, lieu commun  ;
p. suite
, maxime, sentence, d’où trait d’esprit, bon mot  

III profit qu’on retire de l’usage d’une chose, profit, avantage :

χρεας παρχεσθατινι,  DEM. παρχειν,  PLUT. procurer des avantages ou rendre des services à qqn  

IV besoin, nécessité : 

1 en gén. :

διχρεαν,  XEN. πχρεας,  PLUT. χρεας πο,  ESCHL. par nécessité  ;
ν’ σταμεν χρεας,  SOPH. (considérant) dans quel besoin nous sommes ;
πρός τι χρε
ας ;  SOPH. pour quel besoin ? en vue de quoi ?
χρε
ίᾳ πολεμεν,  SOPH. lutter contre la nécessité  ;
φορβ
ς χρείᾳ,  SOPH. par besoin de nourriture ;
χρε
αν ἔχειν τινς,  ESCHL. avoir besoin de qqn ;
αἱ  περ
τὸ σμα χρεαι,  PLUT. les besoins du corps ;
τ
ς χρεας πικειμνης,  PLUT. ou πιστσης,  LUC. le besoin s’imposant ;
χρε
α χει μτινος,  SOPH. j’ai besoin de qqe ch. ;
ἐν χρε
ίᾳ τινς γγνεσθαι,  PLUT. ou εναι,  PLAT. être dans la nécessité de qqe ch. ;

avec un gén. de pers. :

τοινδε σου χρεαν χω,  ESCHL. tel est le besoin que j’ai de toi, voilà le service que j’attends de toi, voilà ce que je désire de toi  

2 résultat du besoin, pauvreté, indigence.

 

 

Marx lit Aristote

Éditions socialiniennes, 1959

 

 

Livre premier

Première section

La marchandise et la monnaie

 

Chapitre premier

La marchandise

 

/72(…)  Troisième particularité de la forme équivalent : le travail concret qui produit l’équivalent, dans notre exemple, celui du tailleur, en servant simplement d’expression au travail humain indistinct, possède la forme de l’égalité  avec un autre travail, celui que recèle la toile, et devient ainsi, quoique travail privé., comme tout autre travail productif de marchandises, travail sous forme sociale immédiate. C’est pourquoi il se réalise par un produit qui est immédiatement échangeable avec une autre marchandise .

Sur ces points, lire plus bas Le capital, Zambèze de non sens.

Les deux particularités de la forme équivalent, examinées en dernier lieu, deviennent encore plus faciles à saisir, si nous remontons /73/ au grand penseur qui a analysé le premier la forme valeur, ainsi que tant d’autres formes, soit de la pensée, soit de la société, soit de la nature nous avons nommé Aristote.

D’abord Aristote exprime clairement que la forme argent de la marchandise n’est que l’aspect développé de la forme valeur simple, c’est-à-dire de l’expression de la valeur d’une marchandise dans une autre marchandise quelconque , car il dit :

« 5 lits = 1 maison » « ne diffère pas » de :

« 5 lits = tant et tant d’argent ».

 Il voit de plus que le rapport de valeur  qui contient cette expression de valeur ♦♦ suppose, de son côté, que la maison est déclarée égale au lit ♦♦♦ au point de vue de la qualité, et que ces objets, sensiblement différents, ne pourraient se comparer entre eux comme des grandeurs commensurables sans cette égalité d’essence. « L’échange, dit-il, ne peut avoir lieu sans l’égalité, ni l’égalité sans la commensurabilité ». Mais ici il hésite et renonce à l’analyse de la forme valeur. « Il est, ajoute-t-il, impossible en vérité que des choses si dissemblables soient commensurables entre elles », c’est-à-dire de qualité égale ♦♦♦♦. L’affirmation de leur égalité ne peut être que contraire à la nature des choses ; « on y a seulement recours pour le besoin pratique ».

♦ Sur ces points, lire plus bas Le capital, Zambèze de non sens.

♦♦

♦♦♦

♦♦♦♦ Absurdité car des qualités peuvent être identiques mais certainement pas égales.

 

 

 

* Symmetrias : réduction à une commune mesure (Bailly). Qu’est-ce que la réduction à une commune mesure ? C’était un problème pour les Grecs qui ne connaissaient pas les nombres décimaux, mais ce n’était plus un problème du temps de Marx. Le problème était le suivant chez les Grecs : ils ne savaient mesurer que grâce aux parties aliquotes (partie aliquote : partie d’un tout qui est contenue exactement un nombre entier de fois dans le tout). Mesurer deux segments de droite consistait pour eux à trouver une partie aliquote commune aux deux segments (dite improprement commune mesure plutôt que commune unité, la mesure étant, à proprement parler, le nombre de fois (soit, en latin : quŏtĭens, combien de fois (Gaffiot). quotiens tu me designatum, quotiens consulem interficere conatus es ! Cicéron. Catilinaires. 1, 15 : combien de fois, quand j’étais consul désigné, combien de fois, depuis que je suis consul, as-tu essayé de me tuer ?) ou raison, d’où rationnel. Est rationnel un rapport qui admet une raison), c’est à dire un commun diviseur. C’est dans ce cas seulement que pour eux le rapport était un « rapport numérique » (Omar Khayyam, Seconde épître sur les proportions, de l’idée de proportionnalité et de leur sens véritable), c’est à dire un nombre. Pour nous, tout rapport est devenu un nombre. La découverte de paires de segments non pourvus de partie aliquote commune fut pour eux une énigme insoluble tandis que leur génie mathématique donnait la preuve de l’existence de telles paires de segments, notamment le fameux théorème dûment prouvé de deux manière différentes : le côté d’un carré et la diagonale de ce carré sont incommensurables, c’est à dire ne possèdent pas de partie aliquote communerappel : le théorème de Thalès permet de partager un segment de droite quelconque en un nombre entier quelconque de parties égales, aliquotes. Il existe donc, pour un segment quelconque, une infinité de parties aliquotes. Le problème, pour mesurer la longueur de deux segments, est de trouver au moins une partie aliquote commune. Malgré cet infini de parties aliquotes, il existe des paires de segments pour lesquelles il n’existe aucune partie aliquote commune. Il y a donc des trous (une infinité) dans cet infini ; au fond des trous gisent les nombres irrationnels —, autrement dit, improprement, pas de commune mesure.

Notez bien que pour les Grecs le problème du commun diviseur portait évidemment sur des grandeurs homogènes, comme dit Euclide dans ses Éléments : longueur et longueur, aire et aire, volume et volume, poids et poids etc. C’est le b-a ba. Nous avons tous appris à l’école primaire que l’on ne peut mesurer des poireaux avec des lapins quoique l’on puisse comparer le poids des poireaux et le poids des lapins, ce qui est indispensable pour les recettes de cuisine.

Le cas de Marx est tout autre : il veut à tout prix comparer des lapins et des poireaux et il se noie dans la marmite.

De nos jours le problème de la commensurabilité ne se pose plus, mais surtout c’est commettre une grossière erreur, élémentaire, de dire que les choses doivent être commensurables pour etc… Les choses ne peuvent pas être commensurables, mais seulement les grandeurs qui leurs sont attachées. Et de  nos jours le problème de la mesure des grandeurs incommensurables n’existe plus. Grâce aux nombres décimaux (une invention arabe, Al Samawal et Al Kashi, non immédiatement exploitée : elle permet la graduation, aussi fine que l’on veut. Lebesgue : un nombre décimal est le compte rendu d’une opération de mesure manuelle), tout écolier sait extraire une racine carrée, tout écolier sait mesurer des grandeurs qui n’ont aucune partie aliquote commune. De nos jours, toutes les grandeurs sont parfaitement mesurables. Certes, de nos jours encore, toutes les grandeurs ne sont pas commensurables (donc exactement comme du temps des Grecs), mais toutes les grandeurs sont parfaitement mesurables. Et toc !

Le prétendu problème de Marx est un faux blème puisqu’il ne s’agit pas de comparer des poireaux et des lapins, mais le prix des poireaux et le prix des lapins, mais surtout le prix des poireaux et le prix d’autres poireaux. Et dans ce dernier cas comparer ne signifie pas mesurer. Toute mesure est une comparaison mais toute comparaison n’est pas une mesure. Les prix étant des nombres, Marx croit que ces nombres sont des mesures d’une grandeur attachée à une mystérieuse substance contenue dans les lapins et les poireaux (ce qu’est d’ailleurs la mystérieuse masse pesante mystérieusement égale à la masse inerte). Or il se trompe et il n’est hélas pas le seul. Ces nombres sont bien des mesures, mais la grandeur mesurée est attachée aux corps en or et non aux poireaux ou aux lapins.

Sur toutes ces questions, il faut être très précis, ce qui est la moindre des choses avec la question de la mesure, foi d’ajusteur mécanicien. On ne peut pas faire d’esbroufe sur la question de la mesure. Ce n’est que justice que ce soit un ajusteur mécanicien, ancien pensionnaire de la maison d’arrêt de Caen (Phidias ne fut-il pas emprisonné ?), avec l’aide du Pr Lebesgue, qui ait tiré au clair ce problème plurimillénaire de la prétendue nécessaire commensurabilité des choses échangées dans le monde marchand. Heil Myself !

L’échange marchand n’est pas une mesure, ni une équation, ni une égalité, l’argent n’est pas la mesure de toute chose (formule stupide), l’argent ne mesure que lui-même, l’argent est la mesure de la fortune et seulement de la fortune. Et, comme le signalent à juste titre Lordon et Orléan, l’argent est la seule richesse et de ce fait la puissance. L’argent est devenu la puissance. C’est une absurdité, que j’ai relevée depuis plus de trente ans, de parler des richesses. Il n’est qu’une seule richesse, et richesse signifie aujourd’hui, comme au Xe siècle de notre ère : puissance. La richesse, c’est la puissance.

Ainsi, Aristote nous dit lui-même où son analyse vient échouer, — contre l’insuffisance de son concept de valeur . Quel est le « je ne sais quoi d’égal », c’est-à-dire la substance commune que représente la maison pour le lit dans l’expression de la valeur de ce dernier ? « Pareille chose, dit Aristote, ne peut en vérité exister [1]. » ♦♦ Pourquoi ? La maison représente vis-à-vis du lit quelque chose d’égal ♦♦♦, en tant qu’elle représente ce qu’il y a de réellement égal dans tous les deux. Quoi donc ? Le travail humain.

♦ Humour involontaire puisque, ainsi que le remarque Jorion, il n’y a pas du tout de concept de valeur chez Aristote, ce qui est un avantage sur Marx : Aristote s’est moins avancé dans l’erreur et dans l’errance.

♦♦ Sur ce point, Aristote avait et a toujours parfaitement raison contre Marx.

♦♦ La maison ne « représente » pas quelque chose d’égal vis à vis du lit : le prix d’une maison et le prix de cinq lits sont égaux. Point final. Combien de tonnes de charabia ne furent-elles pas déversée sur cette pseudo question. Il faut regarder l’usage, car l’usage se passe parfaitement de toute les gloses stupides dont il fut l’objet. L’usage est le maître.

Ce qui empêchait Aristote de lire dans la forme valeur des marchandises , que tous les travaux sont exprimés ici comme travail humain indistinct et par conséquent égaux, c’est que la société grecque reposait sur le travail des esclaves, et avait pour base naturelle l’inégalité des hommes et de leurs forces de travail. Le secret de l’expression de la valeur ♦♦, l’égalité et l’équivalence de tous les travaux, parce que et en tant qu’ils sont du travail humain, ne peut être déchiffré que lorsque l’idée de l’égalité humaine a déjà acquis la ténacité d’un préjugé populaire. Mais cela n’a lieu que dans une société où la forme marchandise est devenue la forme générale des produits du travail, où, par conséquent, le rapport des hommes entre eux comme producteurs et échangistes de marchandises est le rapport social dominant. Ce qui montre le génie d’Aristote, c’est qu’il a découvert dans l’expression de la valeur des marchandises un rapport d’égalité ♦♦♦. L’état particulier de la société dans laquelle il vivait l’a seul empêché de trouver quel était le contenu réel de ce rapport.

 Il n’y a pas de « forme valeur » des marchandises, expression absurde. La valeur est l’expression d’un prix. Point final.

♦♦ La valeur est déjà l’expression d’un prix. Il est donc absurde de parler de l’expression de l’expression d’un prix.

♦♦♦ Si cela est vrai, Aristote est un grand criminel. Il n’y a pas d’expression de la valeur, mais seulement expression d’un prix. Il faut regarder l’usage. La valeur est l’expression d’un prix. C’est donc une absurdité de parler de l’expression de l’expression d’un prix. Ensuite la valeur n’est pas « un rapport » d’égalité mais la mention d’un prix, c’est à dire la mention d’un échange possible. La valeur n’est pas un rapport mais la mention d’un rapport et ce rapport n’est pas une mesure, un nombre, mais un échange. Plus simple, tu meurs. L’échange est le rapport dirais-je pour pasticher le crétin Mac Luhan.

 

1. Ethique à Nicomaque, I. V, chap. v, p. 5, 13. (N. R.).

Le Capital

Éditions socialiniennes, 1959
Zambèze de non sens

 

 

Livre premier

Première section

La marchandise et la monnaie

 

Chapitre premier

La marchandise

 

/69(…)  3. La forme équivalent et ses particularités.

On l’a déjà vu : en même temps qu’une marchandise A (la toile) exprime sa valeur  dans la valeur d’usage d’une marchandise différente B (l’habit), elle imprime à cette dernière une forme particulière de valeur, celle d’équivalent ♦♦. La toile manifeste son propre caractère de valeur ♦♦♦ par un rapport ♦♦♦♦ dans lequel une autre marchandise, l’habit, tel qu’il est dans sa forme naturelle, lui fait équation ♦♦♦♦. Elle exprime donc qu’elle-même vaut quelque chose , par ce fait qu’une autre marchandise, l’habit, est immédiatement échangeable ♠♠ avec elle.

Que d’absurdité, que de non sens, en si peu de lignes

La valeur étant l’ expression d’un prix (que ce prix soit constitué d’or ou de n’importe quoi, par exemple douze vierges chaque année) il est absurde de dire qu’une marchandise exprime l’expression d’un prix. Une marchandise a une valeur, c’est tout ce qu’on peut dire de correct, c’est à dire qu’à une marchandise est attachée la mention d’un prix ou la mention d’un échange possible, ce qui la rend immédiatement échangeable. « Immédiatement échangeable » est une des rares choses sensées que Marx a écrites dans ce passage des erreurs. C’est la mention d’une grandeur (l’étiquette) qui est attachée, stricto sensu, à la marchandise et non pas une grandeur. La grandeur mentionnée est attachée à un corps en or et non pas à la marchandise.

♦♦ La valeur n’a pas de forme particulière ni de forme générale étant donné qu’elle n’a qu’une seule forme, la forme d’une mention : la valeur est la mention d’un prix, la valeur est la mention d’un échange possible. C’est l’annonce faite à Marie.

♦♦♦ Non sens. La marchandise ne manifeste pas son caractère de valeur mais son caractère de marchandise. Comment une marchandise manifeste-t-elle son caractère de marchandise ? En ayant une valeur, tout simplement (pourquoi toujours aller chercher midi à quatorze heures ?), ce qui la rend immédiatement échangeable. Je regrette que le docteur Wittgenstein ne se soit pas occupé de cette question, parce que ce serait fait depuis cent ans. Quelle cataracte de non sens.

♦♦♦♦ Le seul rapport ici c’est l’échange. L’échange est le rapport. Qu’y a-t-il de plus ridicule qu’un habit qui fait équation avec la toile, que deux mètres de boudin qui font équation avec trente francs. Pourquoi pas une belote ? La valeur est la mention que deux mètres de boudin peuvent s’échanger avec trente francs. C’est la vente qui décidera si cette proposition est vraie ou fausse. La vente joue le même rôle que la mesure en mécanique quantique. Avant, il y a seulement probabilité de vente et donc aussi probabilité de non vente et de jetage (Petit Robert : rare ; Littré : action de jeter) du boudin aux chiens, aux ordures ou aux cantines scolaires. Dans les deux cas, il y a prévision, fondée, calculée. Ce parallèle permet de comprendre qu’il n’y pas du tout de mesure dans le rapport marchand. C’est seulement dans la mécanique quantique qu’il y a mesure. Il ne s’agit que d’une analogie. La vente n’est pas une mesure mais un jugement sans appel.

 C’est l’étiquette qui exprime que la marchandise vaut quelque chose, mais à part cela, c’est correct. La marchandise a une valeur, c’est à dire qu’elle vaut quelque chose ; et qu’elle vaille quelque chose est exprimé (mentionné) sur l’étiquette. L’étiquette, attachée à la marchandise, mentionne que la marchandise vaut tant, c’est à dire que la marchandise peut s’échanger contre tant. Mentionner un prix et mentionner la possibilité d’un échange, c’est la même chose.  

♠♠ Effectivement, « par ce fait » — il l’a dit ! il l’a dit ! La valeur est un fait. Il fallait s’arrêter là. Il est comme Husserl qui ne sait pas s’arrêter au bon moment et qui prétend parvenir à voir les essences — la marchandise est immédiatement échangeable. Échangeable, pas commensurable.

En tant que valeurs, toutes les marchandises sont des expressions égales d’une même unité , le travail humain, remplaçables les unes par les autres. Une marchandise est, par conséquent, échangeable avec une autre marchandise, dès qu’elle possède une forme, qui la fait apparaître comme valeur ♦♦.

 « En tant que valeurs, toutes les marchandises » : non sens ; les marchandises ne sont pas des valeurs (dans l’usage, ce terme est réservé aux effets de commerce), elles ne sont pas des valeurs, elles ont des valeurs, c’est à dire des étiquettes sur lesquelles est écrite une mention, mention dont la valeur est le sens. 

« les marchandises sont des expressions » : non sens. Elles ne sont pas des expressions, c’est sur l’étiquette qu’est écrite une expression et la valeur est le sens de cette expression (tandis que la valeur d’une expression mathématique est un nombre. Or sur les étiquettes figure un nombre ! Oui mais le contexte parle. Il dit : cette marchandise peut s’échanger contre tel nombre d’unités monétaires). Ailleurs, Marx dit qu’il n’y a pas un gramme de matière dans la valeur, ce qui est bien vrai puisque la valeur est le sens d’une expression.

Enfin, troisième faute dans cette phrase : les expressions figurant sur les étiquettes ne sont pas celles, égales de plus, d’une même unité (d’une unité commune, partie aliquote commune) mais d’une certaine quantité d’argent (après qu’il a tiré un coup, le canon met un certain temps pour se refroidir).

Pour donner un aspect sensé à ce membre de phrase : « expressions égales d’une même unité », je ne vois que ceci : Marx veut dire que dans une mystérieuse grandeur attachée à une marchandise et attachée aussi à son prix (une certaine quantité d’or) il y a un même nombre d’une partie aliquote commune. Ce ne sont pas les expressions qui sont égales mais le nombre des unités qui sont égaux. Cette grandeur attachée et à la marchandise et à l’argent, serait le temps de travail qu’a nécessité la production de la marchandise et de la quantité d’or (cette grandeur, un temps de travail, est citée comme exemple de grandeur par Lebesgue, page 137 : « Or la famille des grandeurs est vaste ; elle comprend, nous l’avons vu, des nombres intéressant la géométrie, la physique et aussi des nombres relatifs à des questions économiques, comme le prix d’une marchandise, le temps nécessaire à sa fabrication, etc. ; d’où le grand nombre de proportionnalité que l’on rencontre »).

Cette interprétation n’est pas privée de sens mais c’est une pure conjecture formulée la première fois par Ricardo. Cela n’a rien à voir avec la valeur qui demeure, quoi qu’il en soit la mention d’une grandeur et seulement une mention. Au cas où cette conjecture serait vraie, elle serait une loi, la loi de l’échange marchand (personnellement, je crois à la validité de cette loi) tandis que la valeur demeure un fait, le fait qu’à chaque marchandise est attachée, stricto sensu, une étiquette qui mentionne une certaine quantité d’une grandeur (un poids) attachée à un corps en or et non pas attachée à la marchandise. C’est l’étiquette qui est attachée, stricto sensu, à la marchandise. Le nombre poids est attaché au corps en or quoiqu’il soit cependant écrit sur l’étiquette. Quoique écrit sur l’étiquette attachée, stricto sensu, à la marchandise, le nombre poids n’en est pas moins attaché, au sens de Lebesgue, à un corps en or, réel ou virtuel peu importe.

Les pièces de monnaie portent un nombre poids gravé ou estampé sur une de leur face. Cette mention qui figure sur les pièces dit : tant de grammes de moi-même, 1 gramme de moi-même, 2 grammes de moi-même ou encore tant d’unités de moi-même, de même que le Hitler d’opérette de Lubitsch dit : Heil Myself !  La mention qui figure sur les billets de banque dit : tant d’unité de moi-même tandis que la mention qui figure sur l’étiquette dit : tant d’unité de lui, Heil Him !

♦♦ Le faux et le vrai sont mêlés dans cette phrase : une marchandise est échangeable immédiatement quand elle a une valeur, ce qui revient à dire qu’une marchandise devient immédiatement échangeable quand elle est une marchandise. Une marchandise est une chose qui a une valeur, condition nécessaire mais non suffisante : les colliers et les bracelets qui circulent dans la Kula sont dotés d’une grande valeur, — les plus usés et cradingues, ceux qui ont le plus circulé et appartenu aux plus prestigieuses personnes, étant les plus valeureux — et cependant ces colliers et ces bracelets ne sont pas des marchandises.

Il est faux, évidemment que la marchandise apparaisse comme valeur : elle apparaît comme échangeable, du fait de la valeur, du fait de la mention d’un prix, du fait de la mention d’un échange possible. La valeur est un fait social total.

Une marchandise est immédiatement échangeable avec toute autre dont elle est l’équivalent , c’est-à-dire : la place qu’elle occupe dans le rapport de valeur ♦♦ fait de sa forme naturelle la forme valeur de l’autre marchandise ♦♦♦. Elle n’a pas besoin de revêtir une forme différente de sa forme naturelle pour se manifester comme valeur à l’autre marchandise, pour valoir comme telle et, par conséquent, pour être échangeable avec elle. La forme équivalent est donc pour une marchandise la forme sous laquelle elle est immédiatement échangeable avec une autre.

Exact, pour une fois. Deux marchandises équivalentes sont deux marchandises qui ont le même prix — la même valeur dit-on couramment. J’ai d’abord pensé que cette expression était impropre. Elle ne l’est pas, cela signifie qu’elles ont la même étiquette, la même mention. De ce fait, elles ont aussi le même prix — et de ce fait, elles peuvent s’échanger. Mais l’échange de marchandise n’est pas la règle mais l’exception dans le monde marchand.

En fait, non, c’est faux. Je suis trop généreux (et pas assez soigneux). Marx ne dit pas que deux marchandises équivalentes sont deux marchandises qui valent la même chose, c’est à dire qui ont le même prix et qu’une marchandise quelconque peut s’échanger immédiatement avec n’importe quelle marchandise qui a le même prix. Marx dit qu’une marchandise est l’équivalent de l’autre, ce qui est un non sens. Deux marchandises peuvent être équivalentes, c’est à dire avoir la même valeur (leurs étiquettes sont interchangeables), mais l’une ne peut pas être l’équivalent de l’autre. Même l’argent n’est l’équivalent d’aucune autre marchandise. Une pièce de dix francs est le prix d’une foule de marchandises quelconques (ainsi y eut-il des magasin intitulés « tout à dix francs », mais une pièce de dix francs n’est pas équivalente avec ces marchandises. L’usage n’existe pas de dire : « Cette pièce vaut une laitue ». Il faut faire attention à ce qu’on dit, sinon, c’est perroquets et compagnie.

♦♦ « Le rapport de valeur » : expression aussi dénuée de sens que « l’éléphant du broc », sauf si l’on entend par « l’éléphant du broc » l’éléphant peint sur le broc émaillé et décoré. Trois mètres de boudin peuvent s’échanger contre 45 francs, mais il n’y a là ni rapport de valeur (un rapport de mentions, expression absurde), ni rapport de quantités etc., il y a seulement mention d’un rapport possible, mais ce rapport mentionné est un échange. Certes, les choses échangées, s’il y a vente, sont d’une certaine quantité, tant pour l’une, tant pour l’autre, différente pour chacune. Que voulez-vous que j’y fasse, le fuzzy trade n’existe pas encore. Les choses qui s’échangent doivent nécessairement être d’une certaine quantité, de même que le canon, après qu’il a tiré un coup, met, pour se refroidir, un certain temps. Que voulez vous que j’y fasse. Mais il n’y a là nul rapport dans un sens autre que « échange » (« rapport d’échange » est un pléonasme, l’échange est un rapport).  L’échange est le rapport et le seul rapport. Des tonnes de conneries furent écrites à ce sujet si simple en fait. Ce rapport est un fait social total. On ne peut le comprendre sans référence à la totalité.

♦♦♦ Pur non sens. Je n’insisterai pas.

Quand une marchandise, comme des habits, par exemple, sert d’équivalent  à une autre marchandise, telle que la toile, et acquiert ainsi la propriété caractéristique d’être immédiatement échangeable avec celle-ci ♦♦, la proportion ♦♦♦ n’est pas le moins du monde donnée dans laquelle cet échange peut s’effectuer. Comme la quantité de valeur ♦♦♦♦ de la toile est donnée, cela dépendra de la quantité de valeur ♦♦♦♦ des habits. Que dans le rapport de valeur , l’habit figure comme équivalent et la toile comme valeur relative ♠♠, ou que ce soit l’inverse, la proportion ♦♦♦, dans laquelle se fait l’échange, reste la même. La quantité de valeur ♦♦♦♦ respective des deux marchandises, mesurée ♠♠♠ par /70/ la durée comparative du travail nécessaire à leur production est, par conséquent, une détermination tout à fait indépendante de la forme de valeur.

« Ça me troue le cul »

♦ Aucune marchandise ne sert d’équivalent. Toute marchandise peut servir de valent

— de contrepartie. L’argent n’est pas l’équivalent général mais la contrepartie universelle. À part ça, l’argent est l’utilité générale, l’utilité sublime. Au milieu d’un désert, l’argent ne sert à rien au voyageur assoiffé ce qui est bien la preuve que l’argent est un rapport social. Il est la puissance dans la société, il est l’impuissance dans le désert —

mais d’équivalent certainement pas. « Équivalent » est un terme de contrebande qui introduit indûment, a priori

— c’est un préjugé qui date d’Aristote, comme les textes ci-dessus le prouvent, parce que, au lieu de se préoccuper du rapport marchand lui-même, Aristote se préoccupe de l’échange direct de marchandises qui est seulement un cas particulier de l’échange marchand et qui est basé sur l’équivalence —

qui introduit l’égalité dans le rapport marchand, à savoir l’échange, et non pas n’importe quel type d’échange, mais le type d’échange vente-achat, échange d’une marchandise contre de l’argent ou d’argent contre une marchandise). Dans ce type de rapport grâce à ce valent général, deux marchandises peuvent constituer des lots de même prix, ce qui permet l’échange de marchandises entre commerçants, cas particulier dans l’échange marchand. Mais là n’est pas le but recherché en général. Le but général est que toute marchandise soit immédiatement échangeable. Aucune marchandise, même l’argent ne peut être un équivalent. Pour être équivalent, il faut être deux. Seule une paire de marchandise ou une paire de… lots peuvent être équivalents. Et dire d’une marchandise qu’elle peut être un équivalent (général qui plus est) est une absurdité. En quoi quatre mètres de boudin sont-ils équivalents à 60 francs ? Ils valent 60 francs, ils ne sont pas équivalents à 60 francs. Ils sont échangeables avec 60 francs, mais ils ne sont pas équivalent à 60 francs. Si le marchand de boudin échange des morceaux boudin avec une bourriche d’huîtres chez son voisin, le marchand de poisson, il coupera son boudin de façon à ce que ce lot de boudin ait le même prix que la bourriche d’huîtres (ça en fait du boudin). Dans ce cas, et dans ce cas seulement, il est légitime de dire que le lot de boudin et la bourriche d’huîtres sont équivalents puisqu’ils ont la même valeur. Être équivalent, c’est avoir la même valeur, la même étiquette, et donc le même prix. C’est aussi simple que ça. Tout le reste n’est que charabia.

♦♦ Ce n’est pas une valeur égale, cas particulier dans l’échange marchand, qui permet aux marchandises d’être immédiatement échangeables, mais la valeur, c’est à dire le fait qu’aux marchandises est associée une valeur, c’est-à-dire la mention d’un prix, la mention d’un échange possible avec l’argent.

♦♦♦ Il n’y a aucune proportion là dedans. La mention que cinq mètres de boudin puissent s’échanger avec 75 francs, n’est pas une proportion mais une valeur.

Par contre, que dix mètres de boudin vaillent 150 francs, que trente mètres de boudin vaillent 450 francs etc., ça c’est une proportion (1 mètre de boudin est à 75 francs comme deux mètres de boudin sont à 150 francs). Le prix du boudin est proportionnel à la longueur de boudin. Pas toujours d’ailleurs, le commerçant peut consentir un rabais en fonction de la quantité, ce qui est la preuve que cette proportion est une illusion et qu’elle peut faire penser, à tort, que le prix (la masse de l’argent) est une grandeur attachée au boudin alors qu’elle varie tandis que la longueur du boudin est constante. Et pourquoi varie-t-elle ? Parce que l’étiquette change ! Voilà d’où vient l’illusion : dans l’échange marchand (quand il a lieu) la longueur du boudin et la masse de l’argent sont proportionnelles : elles varient proportionnellement, si l’une double, l’autre double ; mais la longueur n’en demeure pas moins attachée au boudin et seulement au boudin et la masse n’en demeure pas moins attachée à l’argent et seulement à l’argent. Et quand l’étiquette change, la masse d’argent change tandis que la longueur du boudin demeure constante. Voilà une énigme élucidée : c’est comme le Canada dry et le whisky, ça a l’air d’une proportion, mais ce n’est pas une proportion. L’échange n’est pas une proportion.

Et notez, pour terminer, que l’expression « la proportion dans laquelle cet échange peut s’effectuer n’est pas le moins du monde donnée » est fausse puisque la proportion qui a lieu dans l’échange marchand est toujours : quand la longueur double, le prix double. Point final. Cette proportion est toujours donnée, elle est le préalable à l’échange marchand. Elle est même citée par le Pr Lebesgue comme exemple de proportionnalité dans le monde. Si elle n’est pas respectée, les invectives commencent à pleuvoir de part et d’autre. Durant le Moyen âge, cela pouvait conduire un commerçant au pilori, pilori qui était édifié, généralement, sur la place du marché. Sur l’étiquette, le prix est toujours mentionné, par kilogramme, par mètre, par litre, par unité physique (un œuf, un bœuf, une vierge), c’est à dire sous une forme proportionnelle. Voilà donc ce qui a induit en erreur tant Marx qu’Aristote. L’échange marchand n’est pas une mesure, ni une proportion (égalité de deux rapports), ni une égalité. Cependant, il faut mesurer la longueur du boudin pour pouvoir le vendre, et il faut mesurer la quantité d’argent pour pouvoir l’acheter et quand on double la longueur du boudin, le prix double. Voilà la proportion.  (Je vous prie de me pardonner de devoir insister sur de telles banalités après deux millénaires de cuistreries.)

Voilà tout le mystère. Si deux nombres sont des grandeurs pour un corps, alors il varient proportionnellement (théorème de Lebesgue). Lebesgue ajoute : si deux nombres, définis pour un corps, ne varient pas proportionnellement, l’un au moins n’est pas une grandeur pour ce corps (exemple de la hauteur de la pyramide). Mais la réciproque n’est pas vraie : si deux nombres définis pour un corps (la longueur et le prix par exemple) varient proportionnellement, cela n’implique nullement qu’ils soient tous deux attachés à ce corps par une mesure, qu’ils soient tous deux une grandeur pour ce corps. (« un nombre est ou non une grandeur suivant le corps auquel on l’attache » Lebesgue

Mais enfin voici l’essentiel : cette proportion est une illusion de proportion, les grandeurs varient proportionnellement mais… leur coefficient est variable, et il est variable parce que ces grandeurs sont attachées à des corps différents, la longueur au boudin et la masse à l’argent. L’échange marchand n’est pas une proportion : on ne peut déduire de la mesure de la longueur du boudin, la mesure de la masse d’argent, tandis qu’on peut toujours déduire du volume d’un corps homogène sa masse par le produit du volume par une constante, la constante étant nommée : densité, plus exactement : masse spécifique. Or la constante qui permettrait de déduire la masse d’un volume d’argent de la longueur d’un morceau de boudin varie tout le temps. Voilà le mystère éclairci : la constante de cette pseudo proportion est variable ! Voilà où se sont noyés Aristote et Marx. Voilà ce que signale Jorion. Il dit que le prix varie tout le temps — prix exprimé sous forme proportionnelle, spécifique : tant par kilogramme, tant par litre, tant par pièce. Dans une proportion on a des rapports, a/b, 2a/2b, na/nb avec a/b = 2a/2b = na/nb et a = kb, na = knb…. a/b, 2a/2b, na/nb sont le même nombre k, k comme kauscien, du latin quotiens (Cf. supra), nombre de fois. Ce qui définit la proportion, c’est que ce quotient est constant. Dans le cas de l’échange marchand, ce nombre k existe, mais il n’est pas constant, il varie tout le temps —. Cela signifie que la constante qui permettrait de déduire la masse (par exemple) du prix et réciproquement n’existe pas. Cela signifie que l’échange marchand n’est pas une proportion. Cela signifie que le nombre k n’est pas une caractéristique des corps engagés dans l’échange, le boudin et l’or, mais qu’il dépend du monde. L’échange marchand n’est pas un être mathématique mais un être social total. K est un nombre social total. Cependant, étant donné un prix, à un instant donné, si la quantité échangée double, le prix double. Toujours. C’est le principe fondamental du commerce et Lebesgue cite ce principe comme exemple de proportionnalité (il me semble qu’il n’a pas remarqué que la grandeur de l’argent n’est pas attachée à la marchandise par une mesure mais… par une étiquette, mais là n’était pas son propos. Il avait assez à faire ailleurs. ♫ Lon, lon, là, laissez-les passer, ils ont eu du mal assez). Ce n’est pas l’échange qui est une proportion, c’est le prix qui est proportionnel aux grandeurs attachées à la marchandise, volume, poids, longueur pour le boudin ou le tissus, lors de l’échange et seulement lors de l’échange. Quel que soit le prix, il est proportionnel aux dimensions de la marchandise : par principe et non pas par mesure. L’argent ne mesure rien du tout. Simplement, quoique variant sans cesse, la quantité spécifique d’argent qui constitue le prix demeure proportionnelle aux grandeurs de la marchandise, par principe, lors de l’échange. C’est le principe fondamental du commerce : dans un échange marchand, si la grandeur de marchandise échangée double, le prix double. Mais cela dit, le prix varie tout le temps.

Donc la phrase de Marx « la proportion dans laquelle cet échange peut s’effectuer n’est pas le moins du monde donnée » est doublement fausse car elle laisse entendre que la constante existe alors qu’il n’y a pas de constante mais une variable. Pour n’importe quelle valeur de cette variable, le prix varie, à un instant donné, proportionnellement à la grandeur de la marchandise quand on procède à l’échange, et ainsi à chacun des instants suivants ; mais rien ne dit que le coefficient variable n’aura pas varié d’un instant à l’autre. Elle est libre la variable. Elle ne dépend que de l’état du monde et non pas des deux corps, contrairement aux masses et aux longueurs de ces corps. Vous pouvez très bien couper un morceau de boudin en deux parties égales et que le prix de chacune des deux parties soit le même que celui du morceau primitif si, entre temps, entre le début de la coupe et la fin de la coupe, le cours du boudin s’est envolé {ce qui signifie que l’étiquette a changé. C’est la valse des étiquettes}.

♦♦♦♦ Non sens. Une quantité de valeur serait une quantité de mention d’un prix, de mention d’un échange. Cela signifierait qu’en telle langue, la mention est plus longue qu’en telle autre langue. Cela permet un effet comique : un réalisateur chinois parle pendant cinq minutes devant le public lors d’un festival de cinéma. À la fin la traductrice dit : « M. Chang a dit :“Bonjour, portez-vous bien” » (véridique, mais il est possible que la traductrice ait seulement fait semblant de savoir le chinois ou que les propos de M Chang soient si injurieux qu’elle a préféré recourir à un expédient plutôt que de traduire).

Non sens. Le rapport est l’échange. La valeur est la mention de cet échange. Il n’y a pas de « rapport de valeur », de prix, peut-être (40 francs est le double de 20 francs), de valeur, certainement pas. Il n’y a pas de rapport entre les expressions, il n’y a pas de rapport entre les étiquettes, il n’y a pas de rapport entre « Il fait beau » et « Le boudin vaut 15 francs le mètre » qui sont deux expressions.

♠♠ Non sens. La valeur étant la mention d’un prix, la valeur étant la mention d’un échange avec l’argent, elle est nécessairement relative et la relation, dans ce cas, est l’échange et non pas une proportion ou une égalité. Il ne faut pas mélanger les torchons et les mathématiques ou la logique.

♠♠♠ Où est la mesure la-dedans ? Qui a jamais mesuré le temps de travail nécessité par une marchandise ?

*

*   *

Conclusion : l’expression « l’argent est la mesure de toute chose » est une absurdité pour cette simple raison : cette grandeur qu’est le prix n’est pas attachée à la marchandise par une mesure mais par une étiquette. Il est difficile de faire plus simple, n’est-ce pas ? après tant de siècles d’insanités sur la question.

Le prix n’est donc pas une grandeur attachée à la marchandise par une mesure et la preuve en est que, pour une grandeur fixe d’une certaine marchandise, dans le temps et dans l’espace, le prix varie de façon erratique (Jorion).

Cependant, à un instant donné et dans un lieu donné, autrement dit pour une étiquette donnée, si la grandeur de la marchandise double, le prix double. Donc la grandeur de la marchandise et le prix varient proportionnellement et semblent satisfaire le théorème de Lebesgue. Et pourtant, pour une grandeur donnée d’une marchandise, le prix varie erratiquement dans le temps et dans l’espace tandis que la grandeur de la marchandise demeure constante (pour une marchandise non relativiste, évidemment). Donc le prix n’est pas attaché à la marchandise par une mesure (Lebesgue).

Si la proportionnalité du prix et de la grandeur de la marchandise ne résulte pas du fait que la grandeur prix est attachée par une mesure à la marchandise, comment se fait-il qu’elle semble satisfaire le théorème de Lebesgue, comment se fait-il que la grandeur de la marchandise et le prix varient proportionnellement pour une étiquette donnée ? C’est une coutume (à part ça, ce monde serait désenchanté). Des sauvages diraient : il en a été toujours ainsi, de tous temps et en tous lieux, et depuis des millénaires. Il en était déjà ainsi du temps d’Aristote. C’est le principe fondamental du commerce : pour une étiquette donnée, si la grandeur de la marchandise double, la grandeur prix double alors que le prix n’est pas une grandeur attachée à la marchandise.

C’est stupéfiant le nombre d’erreurs capitales, fondamentales, commises par Marx dans ce court passage. Et c’est stupéfiant, également, que pendant deux siècles tout le monde ait ingurgité ça sans broncher.

La marchandise dont la valeur se trouve sous la forme relative est toujours exprimée comme quantité de valeur, tandis qu’au contraire il n’en est jamais ainsi de l’équivalent qui figure toujours dans l’équation comme simple quantité d’une chose utile. 40 mètres de toile, par exemple, valent — quoi ? 2 habits. La marchandise habit jouant ici le rôle d’équivalent, donnant ainsi un corps à la valeur ♦♦ de la toile, il suffit d’un certain quantum d’habits pour exprimer le quantum de valeur qui appartient à la toile. Donc, 2 habits peuvent exprimer la quantité de valeur de 40 mètres de toile, mais non la leur propre ♦♦♦. L’observation superficielle de ce fait, que, dans l’équation de la valeur ♦♦♦♦, l’équivalent ne figure jamais que comme simple quantum d’un objet d’utilité, a induit en erreur S. Bailey ainsi que beaucoup d’économistes avant et après lui. Ils n’ont vu dans l’expression de la valeur qu’un rapport de quantité . Or, sous la forme équivalent une marchandise figure comme simple quan­tité d’une matière quelconque précisément parce que la quantité de sa valeur n’est pas exprimée ♥♥.

Quelle équation ? Que 40 mètres de toile valent 2 habits ne signifie pas que 40 mètres de toile sont égaux à 2 habits (équation) mais que 40 mètres de toile peuvent s’échanger contre 2 habits. Un échange n’est pas une équation. Il ne faut pas mélanger les torchons et les mathématiques ou la logique. 4 + 2 = 3 + 3 est une équation, une équation plus intéressante est : 4 + x = 3 + 3. Dans un échange marchand, il y a toujours deux quantités de choses utiles, 40 mètres de toile et 5 thalers, par exemple. Évidemment, dans un monde marchand, 5 thalers sont beaucoup plus utiles que 40 mètres de toile. L’unique besoin d’argent s’est substitué à tous les besoins.

♦♦ Non sens. Que peut bien être le corps d’une mention ? C’est ce qui est écrit sur l’étiquette. 

♦♦♦ Quelle sottise ! Avez-vous jamais vu quelqu’un échanger 40 mètres de toile contre 40 mètres de la même toile ?

♦♦♦♦ L’équivalent est donc l’équation de la valeur !

♥ Il n’y a pas d’expression de la valeur mais seulement l’expression d’un prix, l’expression d’un échange avec l’argent. Et la valeur n’est pas un rapport de quantités, c’est l’échange qui est un rapport de quantités : c’est toujours une certaine quantité d’une marchandise que l’on échange contre une certaine quantité d’une autre marchandise, et personne n’y peut rien, le fuzzy trade n’existe pas.

♥♥ Pur charabia.

Les contradictions que renferme la forme équivalent exigent maintenant un examen plus approfondi de ses particularités.

Première particularité de la forme équivalent : la valeur d’usage devient la forme de manifestation de son contraire la, valeur. {Je ne commenterais même pas cette chose}

La forme naturelle des marchandises devient leur forme de valeur . Mais, en fait, ce quid pro quo n’a lieu pour une marchandise B (habit, froment, fer, etc.) que dans les limites du rapport de valeur, dans lequel une autre marchandise A (toile, {vierges} etc.) entre avec elle, et seulement dans ces limites. Considéré isolément, l’habit, par exemple, n’est qu’un objet d’utilité, une valeur d’usage, absolument comme la toile ; sa forme n’est que la forme naturelle d’un genre particulier de marchandise. Mais comme aucune marchandise ne peut se rapporter à elle-même comme équivalent ♦♦, ni faire de sa forme naturelle la forme de sa propre valeur ♦♦, elle doit nécessairement prendre pour équivalent une autre marchandise dont la valeur d’usage lui sert ainsi de forme valeur ♦♦.

♦ Expression absurde, pur non sens. La seule forme de la valeur qui soit est la forme d’une mention.

♦♦ Pour s’échanger, une marchandise doit nécessairement s’échanger avec une autre marchandise, pas avec elle-même ! Quelle découverte !

Une mesure appliquée aux marchandises en tant que matières, c’est-à-dire en tant que valeurs d’usage, va nous servir d’exemple pour mettre ce qui précède directement sous les yeux du lecteur. Un pain de sucre, puisqu’il est un corps, est pesant et, par conséquent, a du poids ; mais il est impossible de voir ou de sentir ce poids rien qu’à l’apparence . Nous prenons maintenant divers morceaux de fer de poids connu ♦♦. La forme matérielle du fer, considérée en elle-même, est aussi peu une forme de manifestation de la pesan­teur que celle du pain de sucre ♦♦♦. Cependant, pour exprimer que ce dernier est pesant, nous le plaçons en un rapport de poids avec le fer ♦♦♦♦. Dans ce rapport, le fer est considéré comme un corps qui ne /71/ représente  rien que de la pesanteur. Des quantités de fer employées pour mesurer le poids du sucre représentent donc vis-à-vis de la matière sucre une simple forme, la forme sous laquelle la pesanteur se manifeste ♣♣. Le fer ne peut jouer ce rôle qu’autant que le sucre ou n’importe quel autre corps, dont le poids doit être trouvé, est mis en rapport avec lui à ce point de vue ♣♣♣. Si les deux objets n’étaient pas pesants, aucun rapport de cette espèce ♣♣♣♣ ne serait possible entre eux, et l’un ne pourrait point servir d’expression ♣♣♣♣ à la pesanteur de l’autre. Jetons-les tous deux dans la balance et nous voyons en fait qu’ils sont la même chose comme pesanteur , et que, par conséquent, dans une certaine proportion  ils sont aussi du même poids. De même que le corps fer, comme mesure de poids ♥♥, vis-à-vis du pain de sucre ne représente que pesanteur, de même, dans notre expression de valeur, le corps habit vis-à-vis de la toile  ne représente que valeur ♥♥♥.

Si Marx entend par « apparence » la vision, ce n’est pas faux, mais c’est absurde. Le poids ne se manifeste pas dans la vision. Il dit d’ailleurs « sentir » ce qui est encore plus absurde s’il veut parler de l’odorat. Il suffit de prendre le pain de sucre dans la main et l’affaire est faite.

♦♦ C’est à dire des morceaux de fer dont le poids a déjà été mesuré et sur lesquels est gravée l’expression  d’un nombre, nombre qui est la mesure du poids. Lebesgue dit que cette expression est le nombre lui-même, qu’un nombre décimal est le compte rendu d’un opération de mesure.

♦♦♦ C’est faux : voir note ♦.

♦♦♦♦ 1) Pour « exprimer » que le pain de sucre est pesant, nous disons ou nous écrivons qu’il est pesant. C’est aussi simple que ça.

2) Nous ne plaçons pas « en un rapport de poids » le pain de sucre et le fer ; nous les plaçons sur les plateaux d’une balance. Nous mesurons le poids du pain de sucre avec la graduation que constituent les morceaux de fer déjà pesés. Autrement dit nous comparons le poids du sucre et le poids du fer et nous manœuvrons les poids de fer gravés jusqu’à ce que nous obtenions une égalité. Là il y a égalité, l’égalité est nécessaire, c’est elle que nous recherchons pour effectuer la mesure.

Comment les Grecs ont-il déterminé la valeur de pi ? En pesant avec de la grenaille de plomb, chaque grain ayant le même volume ce qui entraîne, étant donnée la proportionnalité du volume et du poids, que chaque grain a le même poids — c’est facile d’obtenir des grains de même volume (plutôt que de même poids)  par moulage et fonderie à partir d’un unique modèle. Le volume, la forme,  peuvent être quelconques et donc la masse, du fait de la proportionnalité, ce qui compte c’est leur égalité dans les grains. Plus ces derniers seront légers par rapport à la rondelle et au carré, plus la mesure sera précise —, une rondelle et un carré, la rondelle ayant un diamètre de même longueur que le côté du carré et, évidemment, la même épaisseur. Ils comptèrent les grains de grenailles de chacune des deux pesées (double pesée de facto, ce qui élimine la question de la justesse de la balance, ne demeurent que la question de la fidélité et celle de la sensibilité, et, ici, celle de l’égalité du poids des grains) et ils eurent immédiatement deux nombres, c’est à dire une fraction, c’est à dire un rapport, c’est à dire un nombre. Lebesgue dit : le rapport est le nombre. Très tôt dans l’histoire, la balance fut un instrument de mesure très précis.

3) Il y a bien une proportion mais pas comme l’entend Marx (encore un non sens). Les Grecs n’avaient sans doute pas formulé le théorème de Lebesgue et, sans doute, encore moins démontré, cependant ils l’utilisaient comme tous les gens qui pèsent, depuis des millénaires. Ils utilisaient le fait que la masse et le volume sont deux grandeurs attachées aux grains de grenaille ; si le volume croît, le poids croîtra proportionnellement. Si 1 grain de grenaille pèse p, 2 grains de grenaille pèsent 2p, k grains de grenaille pèsent kp. L’utilisation par Marx du terme « proportion » est doublement impropre étant donné que a) il y a égalité entre les masses de sucre et de fer après la pesée, b) il y a proportionnalité entre le volume du corps en fer et la masse du corps en fer.

 Non, il n’y a pas du tout de représentation, sinon celle des nombres gravée sur les poids de fer. Lebesgue dit que l’expression gravée est le nombre. Soit.

♣♣ Non, la pesanteur n’a pas du tout besoin de ça pour se manifester.

♣♣♣ Là, il me semble que c’est correct. La mesure est le rapport.

♣♣♣♣ a) C’est à dire aucune mesure. Euclide disait déjà qu’on ne peut mesurer que des grandeurs homogènes, c’est à dire de même espèce. b) Une mesure n’est pas l’expression d’une grandeur, ici la pesanteur, mais un rapport, un nombre. C’était le cas, ici, de parler de rapport.

 Là, il y a égalité, c’est le moment de parler d’égalité et non de proportionnalité. C’est le volume et la masse pesante des poids de fer qui sont proportionnels, ce qui permet d’effectuer une pesée, c’est à dire une égalisation. Là il y a égalisation grâce à la proportionnalité du volume et de la masse des corps en fer et selon la seconde partie de la définition d’une grandeur attachée de Lebesgue (§ 87, b).

♥♥ Impropre : un corps ne peut être une mesure. À un corps sont attachées des grandeurs, et ces grandeurs seules sont susceptibles d’être mesurées. Le compte rendu de cette mesure est un nombre décimal.

♥♥♥ Toujours la même absurdité de la représentation d’une représentation : la valeur est la représentation d’un prix, la valeur est la représentation d’un échange. Dans ce sens, oui le monde marchand est bien un monde du spectacle puisque à chaque marchandise est associée une représentation. En fait non, parce que « représentation » est ici entendu au sens de Bolzano et non à celui de Locke.

Ici cependant cesse l’analogie. Dans l’expression de poids  du pain de sucre, le fer représente ♦♦ une qualité naturelle commune aux deux corps, leur pesanteur, tandis que dans l’expression de valeur de la toile, le corps habit représente une qualité surnaturelle des deux objets, leur valeur, un caractère d’empreinte purement sociale.

Du moment que la forme relative exprime la valeur d’une marchan­dise, de la toile, par exemple, comme quelque chose de complète­ment différent de son corps lui-même et de ses propriétés, comme quelque chose qui ressemble à un habit, par exemple, elle fait entendre que sous cette expression un rapport social est caché ♦♦♦.

♦ Non, erreur : d’abord il ne s’agit pas d’expression ici, mais de rapport. C’était le cas, pour une fois, de parler de rapport en tant que mesure. Ensuite, la mesure est le rapport du poids du sucre et du poids du fer (ce dernier poids est déjà un rapport puisque les morceaux de fer ont déjà été pesés et gravés) et nullement le rapport du sucre au fer qui, lorsqu’il a lieu, ne peut être qu’un échange. Je doute que l’on puisse considérer les grandeurs comme des qualités naturelles puisque les grandeurs sont des nombres, surtout si j’en crois Lebesgue pour qui un nombre décimal est le compte-rendu d’une mesure. Selon lui, l’expression est le nombre même. Cependant certains nombres, les entiers positifs, sont dits naturels. Enfin, dans le cas de la pesée on établit une égalité mais le rapport, le nombre, n’est pas une égalité : on lit le rapport, le nombre, en additionnant  les nombres gravés sur les poids de fer. Il s’agit d’une graduation comme pour la mesure des longueurs.

♦♦ Le fer ne représente aucune qualité naturelle qui serait commune aux deux corps : le fer ne saurait représenter une grandeur, le fer ne saurait représenter un nombre ! Aux morceaux de fer, de forme quelconque, et aux morceaux de sucre, de forme quelconque, sont attachées deux grandeurs, volume et poids, qui varient proportionnellement, pour chaque morceau, quand celui-ci varie d’une manière quelconque, par coupure, par soudure, et s’il demeure à température constante. D’ailleurs la constante de proportionnalité porte un nom, c’est la densité ou plutôt le poids spécifique. Le poids spécifique, quoique défini pour le corps, n’est pas une grandeur puisqu’il est une constante. Il peut varier à l’intérieur du corps, on peut avoir un gradiant de densité, mais laissons cela pour la question qui nous occupe. Je n’ai jamais vu de charcutier se soucier du gradiant de densité dans son boudin.

♦♦♦ Il me semble qu’on penserait plutôt à une grandeur inconnue qui serait attachée à toutes les familles de corps et qui, comme les grandeurs authentiques, pourrait être comparée, c’est à dire mesurée et qui satisferait le théorème de Lebesgue (chose fort improbable puisque déjà, dans de nombreux cas, c’est impossible à l’intérieur d’une même famille : cas de la longueur des arcs de cercle par exemple). C’est ce que pense Marx. Ce monde est prétendument désenchanté, mais Marx cependant est victime du fétichisme de la marchandise. Il confond la valeur avec une grandeur, il croit que la valeur est une grandeur, comme le prouve tout ce que nous venons de lire alors que la valeur est seulement la mention d’une grandeur. Voilà tout le mystère révélé.

Le fétichisme de la marchandise consiste donc en ceci : ce qui n’est pas une grandeur paraît comme étant une grandeur et tout le monde subit l’enchantement, sauf votre serviteur protégé par le grand sorcier Lebesgue : grand sorcier Lebesgue (et shaman Jorion) dire : valeur pas grandeur car valeur (à proprement parler : prix mentionné par valeur) varier erratiquement. D’ailleurs, là est le piège :  le prix mentionné par la valeur ne dédaigne pas de varier aussi proportionnellement : parfois deux jambons valent deux fois plus qu’un jambon, et n jambons valent n fois plus qu’un jambon, le prix peut aussi varier proportionnellement au poids et au volume et sembler, comme eux, être attaché au corps considéré. Le prix sait donc très bien se déguiser en grandeur et satisfaire pour un temps le théorème de Lebesgue. Là est la ruse diabolique. Marx être victime sortilège dans jungle des villes.

C’est le coup du Canada Dry : ça a l’air d’une grandeur, mais ce n’est pas une grandeur, c’est seulement la mention d’une grandeur et la grandeur mentionnée est attaché à la seule famille des corps en or. Voilà où est la seule difficulté de la théorie de la valeur. Il s’agissait, encore une fois, d’une question de grammaire non comprise. Il s’agit aussi d’une figure de rhétorique : prendre la mention de la grandeur pour la grandeur. J’ignore le nom de cette figure. La grandeur mentionnée est attachée à la seule famille des corps en or tandis que la mention est attachée, stricto sensu, à tous les corps des autres familles. Voilà donc le secret de la valeur dévoilé. Le grandeur mentionnée est le poids d’un corps en or, ce ne sera jamais le poids d’un jambon et il ne sera jamais comparé au poids du jambon. Point final.

C’est l’inverse qui a lieu avec la forme équivalent . Elle con­siste précisément en ce que le corps d’une marchandise, un habit, par exemple, en ce que cette chose, telle quelle, exprime de la valeur , et, par conséquent, possède naturellement forme de valeur . Il est vrai que cela n’est juste qu’autant qu’une autre marchandise, comme la toile, se rapporte à elle comme équivalent*♦♦. Mais, de même que les propriétés matérielles d’une chose ne font que se con­firmer dans ses rapports extérieurs avec d’autres choses au lieu d’en découler, de même, l’habit semble tirer de la nature, et non du rapport de valeur de la toile, sa forme équivalent, sa propriété d’être immédiatement échangeable, au même titre que sa propriété d’être pesant ou de tenir chaud ♦♦♦. De là, le côté énigmatique de l’équivalent, côté qui ne frappe les yeux de l’économiste bourgeois que lorsque cette forme se montre à lui tout achevée, dans la monnaie. Pour dissiper ce caractère mystique de l’argent et de l’or, il cherche ensuite à les remplacer sournoisement par des marchandises moins éblouissantes ; il fait et refait avec un plaisir toujours nouveau le /72/ catalogue de tous les articles qui, dans leur temps, ont joué le rôle d’équivalent . Il ne pressent pas que l’expression la plus simple de la valeur, telle que 20 mètres de toile valent un habit, contient déjà l’énigme et que c’est sous cette forme simple qu’il doit chercher à la résoudre.

* Dans un autre ordre d’idées il en est encore ainsi. Cet homme, par exemple, n’est roi que parce que d’autres hommes se considèrent comme ses sujets et agissent en conséquence. Ils croient au contraire être sujets parce qu’il est roi. {Le bon individualiste méthodologique se manifeste. Y z’ont qu’à être cesser d’obéir, ces cons, et ils seront libres — non, y peuvent pas, à cause des rapports de production, bla bla. Autrement dit, pour qu’ils ne se noient plus, il suffit de les guérir de l’idée de pesanteur. La Boëtie, que j’ai lu depuis, n’est guère mieux. La contradictoire est la vie exemplaire de Mesrine : il a cessé d’obéir, il en est mort. Il n’y a pas plus idéaliste qu’un individualiste méthodologique}

Comme déjà dit précédemment, il n’y pas de forme équivalent, pas plus que de forme relative. La seule forme de la valeur est la forme d’une mention. Aucune chose n’exprime de la valeur. La valeur est déjà une expression. Il n’est pas nécessaire d’exprimer une expression. Aux corps des marchandises sont attachées des grandeurs, comme à tous corps, marchandises ou non, mais c’est une étiquette qui est attachée aux marchandise et une étiquette n’est pas une grandeur mais la mention d’une grandeur. Et la grandeur mentionnée est attaché à un autre corps que le corps de la marchandise.

♦♦ Autant dire que l’expression 2/6 est équivalente à elle-même. 3, 2/6, 3/9 sont des expressions équivalentes, elles ont même valeur, elles sont un même nombre mais cela n’a pas de sens de dire que 2/3 a même valeur, est un même nombre. Frege utilise le concept …non identique à soi-même pour définir l’ensemble vide.

♦♦♦ (Je me suis permis d’ajouter deux virgules au texte pour faciliter sa lecture.) Les grandeurs attachées aux corps, des marchandises ou non, sont caractéristiques des corps. Si le corps varie de volume, par coupure par exemple, la masse varie proportionnellement. Personne ne peut rien y faire. Ce n’est pas du tout le cas pour les marchandises comme je l’ai exposé plus haut. Au contraire, le prix d’une marchandise varie erratiquement. Quoique la dimension caractéristique d’une marchandise (longueur ou poids pour le boudin) et son prix varient, localement et dans l’instant, proportionnellement, dans le temps la grandeur caractéristique de la marchandise et le prix de la marchandise sont parfaitement découplés. Il n’y a plus de proportionnalité, ni même aucune autre fonction qui ferait qu’une grandeur soit néanmoins toujours fonction de l’autre.

Le fait que localement et dans l’instant le prix et la grandeur caractéristique de la marchandise varient proportionnellement résulte non d’une loi naturelle mais d’une convention, d’une coutume, convention qui est un fait social total, que l’on ne peut expliquer que par la totalité et l’histoire de la totalité. C’est tout ce qu’on veut sauf naturel.

Encore une fois : la propriété d’être immédiatement échangeable pour une marchandise ne résulte pas de « sa forme équivalent » (expression absurde) mais du fait, qui est une coutume, de posséder une étiquette qui dit 1) je suis échangeable, 2) je suis échangeable contre tant d’argent. On ne peut faire plus simple. Il faut regarder l’usage. Il faut regarder ce que vous faites chez le boulanger. Et pour comprendre pourquoi il en est ainsi, c’est la coutume qu’il faut regarder.

Rien ne ressemble moins au fait d’être pesant ou de tenir chaud que d’avoir une étiquette. Avoir une étiquette ressemble beaucoup plus à « avoir un chapeau » qu’à « avoir un poids ». Avoir une étiquette et avoir un chapeau sont des coutumes de même qu’ôter son chapeau devant les dames et devant le roi.

Aucun article n’a jamais pu jouer le rôle d’équivalent, tout seul. Seules des paires d’articles peuvent être équivalentes, c’est à dire avoir le même prix de même que seules des paires de segments de droite peuvent avoir même longueur. Il n’est venu à l’idée de personne, dans l’usage, de qualifier d’« équivalent général » une unité de longueur. Comme son nom l’indique, une unité est unique.

Deuxième particularité de la forme équivalent : le travail concret devient la forme de manifestation de son contraire, le travail humain abstrait.

Dans l’expression de la valeur d’une marchandise, le corps de l’équivalent figure toujours comme matérialisation du travail humain abstrait, et est toujours le produit d’un travail particulier, concret, et utile. Ce travail concret ne sert donc ici qu’à exprimer du travail abstrait. Un habit, par exemple, est-il une simple réalisa­tion, l’activité du tailleur qui se réalise en lui n’est aussi qu’une simple forme de réalisation du travail abstrait. Quand on exprime la valeur de la toile dans l’habit, l’utilité du travail du tailleur ne consiste pas en ce qu’il fait des habits et, selon le proverbe allemand, des hommes, mais en ce qu’il produit un corps, transparent de valeur {funny ! Ne s’agit-il pas d’une coquille}, échantillon d’un travail qui ne se distingue en rien du travail réalisé dans la valeur de la toile. Pour pouvoir s’incorporer dans un tel miroir de valeur,’il faut que le travail du tailleur ne reflète lui-même rien que sa propriété de travail humain.

Les deux formes d’activité productive, tissage et confection de vêtements, exigent une dépense de force humaine. Toutes deux possèdent donc la propriété commune d’être du travail humain, et, dans certains cas, comme, par exemple, lorsqu’il s’agit de la production de valeur, on ne doit les considérer qu’à ce point de vue. Il n’y a là rien de mystérieux ; mais dans l’expression de valeur de la marchandise, la chose est prise au rebours. Pour exprimer, par exemple, que le tissage, non comme tel, mais en sa qualité de travail humain en général, forme la valeur de la toile, on lui oppose un autre travail, celui qui produit l’habit, l’équivalent de la toile, comme la forme expresse dans laquelle le travail humain se manifeste. Le travail du tailleur est ainsi métamorphosé en simple expression de sa propre qualité abstraite. 

(…suite : Marx lit Aristote)

  

Un extrait de Lebesgue

La Mesure des grandeurs

 

Théorie de l’intégration — Jean Jacod

(Cette mesure n’a pas de rapport avec notre démonstration,

il s’agit d’une simple illustration)

 

La Mesure des grandeurs

 

 < Un peu d’histoire >

/92/ 63. — Auparavant, un court résumé historique nous rensei­gnera sur les difficultés à éviter et fera comprendre la nécessité de certaines précautions.

Pour les Anciens, les notions de longueur, d’aire, de volume étaient des notions premières, claires par elles-mêmes sans définitions logiques. Les axiomes, presque tous implicites, qu’ils utilisaient pour les évaluations n’étaient pas, à leurs yeux, des définitions de ces notions. Il s’agissait toujours pour eux de la place occupée par la ligne, la surface ou le corps dans l’espace. La difficulté ne commençait que lorsqu’il s’agissait de mesurer cette place, de lui attacher un nombre et cette difficulté est uniquement l’existence des incommensurables. D’où l’aversion pour les nombres, les efforts faits pour ne les utiliser que le plus tardivement possible, les habiletés étranges de présentation employées, qui ont déjà été signalées, par exemple aux § 14 et 20.

Cauchy, le premier, fournit une définition logique de ces notions ; il le fit incidemment et en quelque sorte sans le vouloir.

On a vu dans les deux chapitres précédents comment on peut élucider les notions d’aire d’un domaine plan et de volume d’un corps en les dépouillant de leur sens métaphysique, en les considérant comme des nombres et en construisant ces nombres par la répétition indéfinie des opérations mêmes qui étaient considérées auparavant comme fournissant approximativement les mesures des aires et volumes à cause d’axiomes, de postulats non énoncés explicitement et dont l’énonciation explicite, ou la démonstration, fournit la définition logique cherchée. On sait que Cauchy construisit, par un procédé analogue, l’intégrale définie des fonctions continues et démontra ainsi l’existence des fonctions primitives.

Ce faisant, Cauchy définissait logiquement non seulement l’aire d’un domaine plan, le volume d’un corps, mais, puisqu’il donnait la définition logique de :

⌠ (x’2 + y’2 + z’2) ½ dt 

et de :

⌠⌠ (1 + p2 + q2) ½ dx dy 

⌡⌡

il inaugurait le mode de définition de la longueur que je signalais tout à l’heure, § 62, et suggérait une définition analogue pour l’aire. /93/

Du point de vue logique la question est entièrement traitée ; fixons bien ce qui a été atteint.

On dit souvent que Descartes — il conviendrait au moins d’ajouter au nom de Descartes celui de Fermat - a ramené la Géométrie à l’Algèbre ; ceci pourtant n’était pas vrai tant qu’il fallait faire appel aux notions géométriques : longueurs, aires, volumes. Ce n’est qu’après Cauchy que le rattachement des notions géométriques à des opérations de calcul a été effectué. Alors la Géométrie a bien été réduite à l’Algèbre, c’est-à-dire, puisque le nombre en général résulte de la mesure des longueurs (chapitre II), que la géométrie du plan et celle de l’espace ont été ramenées à la géométrie de la droite.

Pour arriver à ce qu’on appelle l’arithmétisation de la géomé­trie, il ne restait plus qu’à définir le nombre en général à partir des entiers sans parler de mesures, d’opérations effectuées sur la droite et c’est ce que permet l’emploi d’une coupure, c’est-à-dire ce qu’on obtient en utilisant une fois de plus le procédé de Cauchy consistant à prendre comme définition les opérations mêmes qui permettent l’évaluation approchée du nombre à définir. Car la donnée d’une coupure n’est pas autre chose, cela a déjà été dit, que l’exposé en termes abstraits du résultat d’une mesure de longueur.

 

64. — Nous voici donc parvenus à la forme la plus abstraite, la plus purement logique d’exposition par l’emploi constant de cette sorte de renversement qui servit d’abord à Cauchy. Et pourtant, ni le Géomètre, qui voudrait comprendre quels liens géométriques unissent les lignes, surfaces ou corps à leurs lon­gueurs, aires et volumes, ni le Physicien, qui voudrait savoir pourquoi il faut assimiler les longueurs, aires et volumes phy­siques à telles intégrales plutôt qu’à d’autres, ne sont satisfaits. Des études s’imposaient. (…)

 

< Définition >

/131/ (…) La notion que nous préciserons n’englobera pas toutes celles auxquels s’appliquent les différents sens donnés au mot grandeur ; nous savons qu’il faut savoir se restreindre et nous ne nous proposons nullement d’atteindre la plus grande généralité possible, mais seulement une extension qui ne diminue pas la portée qu’on entend actuellement donner au chapitre sur la mesure des grandeurs.

 

86. — Examinons donc quelles sont les parties communes aux diverses définitions des chapitres précédents et, puisque les masses physiques sont aussi considérées comme des types par­faits de grandeur, nous retiendrons celles de ces parties qui peuvent être transposées au cas des masses. La longueur d’un segment ou d’un arc de cercle, l’aire d’un polygone ou d’un domaine découpé dans une surface, le volume d’un polyèdre ou d’un corps ont été définis comme des nombres positifs attachés à des êtres géométriques et parfaitement définis par ces êtres, au choix de l’unité près ; c’était la condition α . Le cas des masses nous conduit à poser cette première partie de la définition, qui sera composée de deux parties a) et b). /132/

a) Une famille de corps étant donnée, on dit qu’on a défini pour ces corps une grandeur G si, à chacun d’eux et à chaque partie de chacun d’eux, on a attaché un nombre positif déterminé.

On rappellera le procédé qui a permis de déterminer le nombre en donnant un nom à ce nombre, à cette grandeur : longueur, volume, masse, quantité de chaleur, etc. ; on dit aussi que l’on a mesuré la longueur, le volume, etc. Le procédé physique de détermination ne permet en réalité d’atteindre un nombre qu’à une certaine erreur près ; il ne permet jamais de discriminer un nombre de tous ceux qui en sont extrêmement voisins. On imagine donc, comme nous l’avons fait dans le cas du procédé de mesure de la longueur d’un segment, que le procédé est indéfi­niment perfectible jusqu’à conduire à un seul nombre, entièrement déterminé.

La famille des corps envisagée variera d’une grandeur à une autre ; tous ces corps pourront, être assimilables à des segments de droite dans certains cas, dans d’autres à des arcs de courbes, dans d’autres encore à des domaines superficiels, dans d’autres à des parties de l’espace ; même, dans les enseignements moins élémentaires, on pourra considérer des portions d’espaces à plus de trois dimensions ou de variétés plongées dans de tels espaces.

 

87. — Le cas des masses montre que nous ne devons pas songer à généraliser la condition γ) ♦ des chapitres précédents ; à deux corps géométriquement égaux pourront correspondre deux nombres différents comme mesure de la grandeur G pour ces corps. Par contre, la condition β) ♦ est généralisable et elle est essentielle :

b) Si l’on divise un corps C en un certain nombre de corps partiels C1, C2,..., Cn, et si la grandeur G est, pour ces corps, g d’une part, g1, g2, ..., gp d’autre part, on doit avoir :

g = g1 + g2 + … + gp

Cette condition précise celle que nous avons critiquée plus haut : on doit pouvoir parler de la somme de deux grandeurs . Dans tout ce qui précède nous avons laissé au mot corps un caractère imprécis analogue à celui donné auparavant au mot /133/ domaine ; il est clair que, en géométrie ou en physique théorique, on pourrait préciser le sens logique donné à ce mot. En géométrie, en particulier, on pourra donner au mot corps un sens plus ou moins large, par exemple celui d’ensemble ou de figure ; seule­ment il faudra, dans chaque cas, avoir défini ce qu’on appellera un partage de la figure totale en parties. Même, la grandeur pourrait ne pas être attachée à des données de nature géomé­trique mais à des données de nature plus variée. Ici, l’examen des corps assimilables géométriquement à des domaines découpés dans l’espace, ou sur des surfaces, ou sur des courbes nous suffira.

Dans le § 21 de mon Enquête, j’affirmais que l’on ne peut additionner ni soustraire de valeur. J’affirmais ainsi, à mon insu, que la valeur n’est pas une grandeur. Ce qu’on additionne et qu’on appelle improprement valeur, ce sont des quantités d’argent, c’est à dire des mesures d’une grandeur attachée aux corps en argent et seulement à eux. Cela ne signifie pas que seuls les corps en or ont une masse qui leur soit attachée, mais que dans le cas qui nous occupe la valeur est la mention d’une masse d’un corps en or. Cela ne changerait rien si la valeur était exprimée en vierges (ou en verges). Elle n’en demeurerait pas moins une mention d’un nombre de vierges et seulement une mention. C’est seulement le nombre de vierges que l’on peut additionner à un autre nombre de vierges. La mention qu’est la valeur aurait alors la forme : « Tel objet vaut quatre vierges » ce qui signifie que tel objet peut s’échanger contre quatre vierges. C’est la possibilité qui est un fait social total.

La famille des corps est d’ailleurs assujettie à une condition qu’on peut laisser sous-entendue dans l’enseignement élémentaire, mais dont la nécessité, au point de vue logique, va apparaître à l’occasion de la démonstration de l’unique théorème qui, avec la définition posée, constitue toute la théorie des grandeurs.

 

< Théorème >

/133/ (…) La famille des corps est d’ailleurs assujettie à une condition qu’on peut laisser sous-entendue dans l’enseignement élémen­taire, mais dont la nécessité, au point de vue logique, va apparaître à l’occasion de la démonstration de l’unique théorème qui, avec la définition posée, constitue toute la théorie des grandeurs.

88. — Lorsque deux grandeurs G et G1 sont définies pour la même famille de corps si, pour tous les corps pour lesquels G a une même valeur quelconque g, G1 a une même valeur g1, entre g et g1 existe la relation g1 = kg, k  étant une constante.

Pour démontrer la propriété précédente (…)

 

 

< Conséquences >

 /136/ (…) Voici maintenant des observations qu’il conviendrait de faire noter aux élèves : la longueur de la hauteur de la pyramide n’est pas une grandeur attachée à la pyramide, mais est une grandeur attachée au segment hauteur ; l’aire de la surface d’un polyèdre n’est pas une grandeur définie pour la famille des polyèdres, mais l’aire d’une partie de la surface d’un polyèdre est une grandeur définie pour les parties de la surface considérées comme corps ; la hauteur suivant ox d’un parallélépipède rectangle dont une arête est parallèle à ox n’est pas une grandeur attachée au polyèdre, mais elle en serait une si tous les polyèdres étaient découpés par des plans perpendiculaires à ox dans un même prisme rectangle indéfini.

 Ainsi, un nombre est ou non une grandeur suivant le corps auquel on l’attache  ; il n’y a pas identité nécessaire entre la famille des corps pour lesquels il est défini et la famille de ceux pour qui il est une grandeur .

 Ainsi le prix est parfaitement défini pour la famille des marchandises (puisque c’est cette définition qui caractérise les marchandises) mais il n’y a pas identité entre la famille des marchandises et la famille des corps pour lequel le prix est une grandeur. Le prix n’est une grandeur que pour les corps en or.

 

91. — Lorsque deux grandeurs satisfont aux conditions du n° 88, c’est-à-dire quand elles sont définies pour la même famille de corps et que la valeur de l’une g détermine l’autre g1, les deux grandeurs sont dites proportionnelles.

Le théorème démontré prouve que du fait que g1 est fonction de g, g1 = f (g), cette fonction a la forme g1 =  kg. Il n’existe donc pas de grandeurs inversement proportionnelles avec le sens /137/ précis que nous avons donné au mot grandeur, ni de grandeurs dépendant l’une de l’autre d’une autre façon que proportionnellement. Bien entendu deux nombres peuvent être liés autrement que proportionnellement, mais alors l’un au moins d’entre eux n’est pas une grandeur ; si tous deux sont des grandeurs, la relation se réduit à la proportionnalité. Or la famille des gran­deurs est vaste ; elle comprend, nous l’avons vu, des nombres intéressant la géométrie, la physique et aussi des nombres relatifs à des questions économiques, comme le prix d’une marchandise , le temps nécessaire à sa fabrication, etc. ; d’où le grand-nombre de proportionnalités qu’on rencontre.

Alors, le prix d’une marchandise serait donc une grandeur pour la marchandise ! Ce nombre satisferait le théorème de Lebesgue (§ 88) ! Donc Aristote aurait raison. Non, (pas) évidemment. Le prix varie comme bon lui semble. Le prix n’est pas plus attaché à l’échange marchand, ni à la marchandise quelconque qui est achetée ou vendue, que la hauteur de la pyramide n’est une grandeur attachée à la pyramide (puisque, à hauteur constante, la base de la pyramide peut varier de manière quelconque et donc le volume, la masse, té !), mauvais élèves, enfants de pomme de terre, allez-vous vous taire. Le prix d’une marchandise étant une quantité d’argent, quantité mentionnée sur l’étiquéqette, cette grandeur est donc attachée à la famille des c… en or (en effet si le volume des c… en or croît, leur masse croît proportionnellement, elle satisfait donc le théorème de Lebesgue). Cette grandeur est une masse et c’est une masse qui est mesurée et cette masse n’est évidemment pas attachée à l’échange marchand qui n’a aucune masse et qui n’est pas un corps, encore moins en or. La grandeur prix est attachée à la famille des c… en or et non pas attachée aux marchandises quelconques : c’est l’étiquéquette qui est attachée, stricto sensu, aux marchandises quelconques. Il aura fallu deux mille cinq cent ans et l’aide du Pr Lebesgue pour en arriver là. Vraiment, les gens aiment parler pour ne rien dire. Bla bla bla. Marx pédale dans la choucroute. Je relis le début du Capital, c’est effrayant d’absurdité et de confusion.

On remplacera des raisonnements un peu douteux [Oui il est temps] ou franche­ment inadmissibles par des raisonnements corrects en démontrant que l’on a affaire à des grandeurs. Pour nous borner à des notions purement mathématiques, énumérons les grandeurs suivantes : longueurs des segments d’une droite, longueurs des arcs d’une courbe, aires des domaines d’un plan, aires des portions d’une surface, volumes des parties de l’espace, mesures des angles, mesures des arcs d’une circonférence, mesures des angles solides, mesures des parties d’une sphère, temps pris par un mobile à parcourir les segments de sa trajectoire [NB : c’est un temps que l’on mesure après avoir mesuré une base, et temps et longueur de la base demeurent proportionnels à vitesse constante. Temps et longueur sont attachés à l’arc-trajectoire et non au mobile. La vitesse, quoique définie pour le mobile, ne peut pas être une grandeur attachée au mobile parce que le mobile et la base sont des corps différents, indépendants, tandis que la vitesse dépend de ces deux corps. Elle est relative dirait Galilée], variations de la vitesse d’une extrémité à l’autre d’un tel segment.

Que ces nombres soient des grandeurs, cela est évident pour les deux derniers et nous l’avons démontré pour les premiers ; les seuls qui exigeraient des raisonnements, que j’omets, sont les mesures, vérifiant les conditions α), β), γ) [définies page 44 ], d’angles solides et de parties d’une sphère.

♦ /44/ (…) 31. — Les propriétés de l’aire, qui viennent d’être prouvées, sont bien en accord avec les modes d’utilisation de l’aire dans la pratique et c’est même parce qu’il y a cet accord que l’on peut espérer avoir bien traduit mathématiquement la notion vulgaire d’aire. Si, pourtant, il y avait d’autres manières que celles que nous avons envisagées d’attacher aux domaines des nombres jouissant eux aussi des propriétés que nous venons de prouver dans les paragraphes précédents pour les nombres que nous avons appelés aires, il y aurait plusieurs traductions mathématiques possibles de la notion pratique d’aire et l’on pourrait craindre de ne pas avoir choisi la meilleure. De sorte que, même en considérant les mathématiques comme une science expérimentale, il est important de démontrer que les aires que nous venons de considérer sont entièrement déterminées par les conditions suivante :

 

α — A chacun des domaines d’une famille de domaines dont font partie tous les polygones est attaché un nombre positif que l’on appelle son aire.

β — A un domaine formé par la réunion de deux autres exté­rieurs l’un à l’autre est attaché comme aire la somme des aires des deux autres. /45/

γ — A deux domaines égaux sont attachés des aires égales.

De plus, on verra que :

δ — Ces nombres aires sont entièrement fixés numériquement, quand on connaît l’aire attachée à l’un des domaines.

 

< Et voici en prime …

Le tarababoum du cercle, du secteur et du segment 

Le ronflement secteur, ça vous dit quelque chose ? >

 

/60/… Si la limite des pk {polygones inscrits par opposition aux Pk, polygones circoncis}, avait été dénommée le tarababoum du cercle on ne se serait certes pas permis d’en déduire la valeur des tarababoums du secteur et du segment ; on se le permet parce qu’au lieu du mot tarababoum on a utilisé le mot aire ! {C’est exactement ce qui se produit avec le mot « économie » ou avec le mot « spectacle » quand il est employé par Debord} C’est là une grossière erreur contre le bon sens. On a pourtant la ressource de prétendre qu’on ne la commet pas, mais qu’on spécule sur la confusion que ne manqueront pas de faire les élèves en assimilant /61/ cette nouvelle aire à celles qu’ils ont l’habitude de manier; libre à chacun de choisir entre erreur et hypocrisie.

Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, se tirer d’affaire en répétant trois fois les mots fatidiques par définition, à l’occasion du cercle, du secteur et du segment ; car les aires ainsi définies ne pourraient servir à rien. On ne pourrait traiter à leur sujet aucune question, aucun problème, sans rencontrer sur sa route les propositions α, β, γ, δ, dont on n’aurait pas le droit de se servir ; par exemple, la ques­tion classique des lunules d’Hippocrate ne pourrait être traitée.

Il faut donc de toute nécessité être en possession de la notion d’aire avant de calculer les aires ; notion entraînant les propriétés α, β, γ, δ, pour tous les domaines dont on s’occupera. La méthode du temps de mon enfance, qui utilisait en somme ces propriétés sans les énoncer de la même manière pour tous les domaines, était meilleure que celle des manuels actuels qui fait une discrimi­nation malencontreuse entre les différents domaines ; il aurait suffit de débarrasser l’ancienne méthode de l’emploi de l’idée de domaine limite [surprise, dans certains cas cette limite n’existe pas, (L’erreur de Serret et le contre-exemple de Schwarz)], en disant que l’aire du cercle était comprise entre celles des polygones inscrits pK, et celles des polygones circonscrits PK, pour la rendre tout à fait acceptable. Elle se raccorderait en somme avec celle que je préconise ici. Bien entendu, dans celle-ci on démontrera ou on admettra l’existence de l’aire pour un domaine limité par des droites et des cercles suivant qu’on aura démontré ou admis l’existence de l’aire pour les polygones.

Les proportionnalités entre ces grandeurs, quand elles existent, sont alors de preuve facile. D’abord il peut arriver qu’elles soient affirmées par la question : mouvement dans lequel le mobile parcourt des espaces égaux dans des temps égaux ; alors la lon­gueur parcourue et le temps de parcours sont deux grandeurs proportionnelles attachées aux arcs parcourus ; de même, dans le mouvement pour lequel la vitesse croit de quantités égales dans des temps égaux. L’accroissement de vitesse est proportionnel à l’accroissement du temps. (Henri Lebesgue, La mesure des grandeurs, Librairie scientifique et technique Albert Blanchard, rue saint Jacques, après le croisement de la rue Soufflot et le la rue Saint-Jacques, en montant, trottoir de gauche)

21/07/2011 : Démonstration

De l’unique théorème de la théorie de la Mesure des grandeurs du Pr Lebesgue, il résulte que :

1) Si deux nombres attachés à un corps, tels que la longueur du boudin (ou le temps de travail du charcutier) et le prix du boudin, ne sont pas dans le même rapport k pour divers boudins de longueur quelconque, cela signifie qu’un des nombres au moins (les deux peuvent ne pas l’être) n’est pas une grandeur pour le boudin. (Lebesgue : « Bien entendu deux nombres peuvent être liés autrement que proportionnellement, mais alors l’un au moins d’entre eux n’est pas une grandeur ; si tous deux sont des grandeurs, la relation se réduit à la proportionnalité ») Or la longueur du boudin, le temps de travail du charcutier et la  masse du boudin doublent si l’un de ces nombres double ce qui est la preuve selon le théorème de Lebesgue que ces trois nombres sont des grandeurs pour le boudin. Donc c’est bien le prix du boudin qui n’est pas une grandeur pour le boudin.

Dans notre cas, pour un même boudin, le prix peut varier à tout moment et même s’annuler si le boudin est moisi, sans que pour autant la longueur ne varie. Donc, le prix n’est pas une grandeur pour le boudin car sa variation viole le théorème de Lebesgue. N’étant pas une grandeur du boudin, le prix ne peut être en aucun cas une mesure du boudin. Le prix ne mesure rien du tout sinon une certaine masse d’or. Il n’y a pas plus grande sottise que de proférer que l’argent est la mesure de toute chose. Comme vous pouvez le constater, il ne s’agit pas ici de mathématique mais de grammaire. C’est une bonne chose que les mathématiques viennent au secours de la compréhension de la grammaire. Il faut y réfléchir à deux fois avant que d’employer le terme de mesure à tort et à travers. Prenez garde au tarababoum. Heil Wittgenstein !

2) Cependant, la plupart du temps, la longueur et le prix du boudin sont proportionnels : si au lieu d’un boudin d’un mètre j’achète un boudin de deux mètres il m’en coûtera le double. Le prix a doublé quand la longueur a doublé. On en conclut, généralement, que la longueur et le prix du boudin sont des grandeurs proportionnelles et que le prix du boudin est une grandeur pour le boudin et donc une mesure pour le boudin. Or c’est une simple illusion (il me semble même que le  Pr Lebesgue y succombe cf. ci-dessus : oui le temps de travail est proportionnel, non le prix ne l’est pas, c’est seulement une illusion). Ainsi, si le marchand de boudin me dit : pour deux francs de plus (pour un boudin à dix francs le mètre, par exemple) je vous donne un troisième mètre de boudin et que vous acceptez… où est la proportionnalité : la longueur de boudin a triplé, le prix non. L’illusion n’est pas difficile à démasquer, encore faut-il connaître le théorème de Lebesgue.

Il n’y a pas à chercher plus loin l’origine de toutes les sottises qui se sont débitées et se débiteront encore sur le prix du boudin. C’est comme dans la célèbre plub du soda Canada Dry qui a le goût, la couleur, l’odeur, l’air du whisky, mais qui n’en est pas. Ça a l’air proportionnel mais ça ne l’est pas, ça a l’air d’une égalité, d’une mesure etc. mais ce n’en est pas.

En fait, la proportionnalité est ici seulement un usage, une coutume, une règle suivie. La règle suivie dans l’échange marchand est d’appliquer la proportionnalité du nombre longueur du boudin et du nombre prix du boudin et cette règle, comme toutes les règles, peut être violée et elle l’est sans cesse. La variation du nombre prix du boudin ne viole pas seulement la théorème de Lebesgue, elle viole aussi la règle de l’échange marchand.

Et maintenant, pour vous payer de vos peines, un peu de musique.

 

 

Conclusion : Le prix est une grandeur attachée par une mesure à un corps en or et non pas à une marchandise quelconque. C’est l’étiquette qui est attachée, stricto sensu, aux marchandises quelconques, l’étiquette sur laquelle est écrite la mention du prix. La valeur est le sens de cette mention. Merde à la fin. Voilà de la bonne grammaire.

 

Notes préparatoires. Traduction Tricot

Notes préparatoires. Traduction anonyme

 

 

 

 

 

M. Ripley s’amuse